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Balade dans l’étrange

Plongée dans la bande dessinée, La cité des ponts obsolètes de Federico Pazos.

Gracieuseté de La Pasthèque

L’histoire commence dans une station de métro. Paco, béret sur la tête et sac à dos sur les épaules, se rend à la gare de bus pour rejoindre Astromburgo, une petite ville côtière où il a trouvé un emploi dans une boulangerie. À son arrivée, suite à une rencontre malheureuse, il tombe, évanoui dans l’océan, et se réveille dans une forêt mystérieuse, face à des personnages à l’apparence loufoque qui ignorent tout d’Astromburgo. Rapidement, le jeune homme se met en quête d’un moyen pour rentrer chez lui : c’est ainsi que démarre son voyage dans la cité des ponts obsolètes, un monde aux décors labyrinthiques, un dédale inconnu qui n’a de sens que si on ne pose aucune question. Paco y rencontre un chaman, un roi de pacotille, un peuple soumis, participe à une révolution, fait le tour d’une fête foraine… Mais, toujours, le retour semble impossible.

Histoire fantastique aux lignes rondes et claires, La cité des ponts obsolètes  n’est pas sans rappeler les univers labyrinthiques et absurdes des œuvres de Franz Kafka. Cet univers surprenant pourrait bien faire écho à Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll ou Le Magicien d’Oz de L. Frank Baum, avec une touche particulière dans la légèreté du ton, l’excentricité des personnages et surtout l’absence de quête à proprement parler (si ce n’est le retour chez soi, quête simple s’il en est et non accomplie de surcroît). En effet, Pazos se démarque de ces influences, car son personnage n’a pas vraiment de destinée, n’évolue pas au cours du récit et semble réellement tombé ici par hasard. Et ce hasard ne le transforme pas. Paco ne semble ni apprendre de ses rencontres (auxquelles il paraît même souvent indifférent), ni être touché par l’absurdité des situations qu’il traverse. Cette particularité narrative, cette incohérence assumée, permet au lecteur de se promener dans un univers fantastique et délirant sans même se poser de questions et en savourer ainsi toute l’originalité.

Côté graphisme, le choix de bi-couleurs différentes à chaque chapitre est très judicieux : tout en établissant une certaine sobriété, les effets de couleurs provoquent un climat d’oppression qui contraste avec l’insouciance affirmée du personnage. L’ensemble reste pourtant toujours lumineux et le graphisme net. Le tout sert habilement le rythme du récit, haletant. Ainsi, aucun aspect de ce bel album ne contredit l’affirmation de La Pastèque : « La cité des ponts obsolètes est l’un des livres les plus étranges que nous ayons publié. » Étrange, excitant, désarçonnant, La cité des ponts obsolètes devrait séduire plus d’un curieux.


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