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« Tiens, v’là un marin »

Bastien Vaultier amarre au Quai des Brumes.

Bahr Jennaoui

Le 10 octobre dernier, sur la scène du Quai des brumes, deux artistes émergents ont, à tour de rôle, livré des performances musicales remarquables. C’est une ambiance décontractée et familière comme celle d’un regroupement entre amis qui règne dans la salle. En première partie, Vanwho (« Van qui ? » N’a t‑elle cessé de demander au public en blaguant) étrenne la scène du bar-spectacle avec une vive émotion ; « Quand je chante, dit-elle, je crache mon univers intérieur dans la réalité ». C’est une illustration assez frappante du courage et de la passion qui motivent les compositeurs-interprètes qui tentent de percer sur la scène musicale québécoise. L’exaltation de Vanwho a malheureusement eut un effet négatif, celui de s’étendre un peu trop dans le temps, ce qui a forcé le chanteur Bastien Vaultier à présenter une version un peu plus condensée de son spectacle. Dommage, car il aurait été agréable d’entendre ce dernier présenter plus longuement ses chansons afin d’en apprécier davantage la teneur et la portée.

Vaultier travaille sur sa musique depuis un moment déjà. Il commence à écrire des textes aux alentours de 16–17 ans, moment de son arrivée au Canada. En 2009 il remporte le concours Ontario POP et en 2011 il rafle aussi le prix « Ma première place des arts » dans la catégorie auteur-compositeur-interprète. À Montréal depuis deux ans, le chanteur d’origine française avoue apprécier par-dessus tout l’influence francophone de la métropole, beaucoup plus abordable et effervescente que celle d’Ottawa.

On peut observer le résultat de ses efforts d’écriture via des chansons remarquablement bien construites, d’inspiration tant folk que blues et parfois même funk. Le musicien guitariste guide le public à travers une gamme variée d’émotions, avec un accent particulier sur le thème galvaudé mais toujours efficace de la peine amoureuse. Il interprète aussi plusieurs chansons poignantes sur ces instants de la vie qui donnent envie, comme Vaultier le décrit, « de se déchirer les veines ».

Au travers de son écriture on ressent de profondes attaches à la ville portuaire de la Rochelle, où le chanteur a grandi. Il n’est donc pas surprenant que la mer soit une source d’inspiration cruciale et centrale dans l’œuvre du chanteur. Il y a d’abord « les princesses de La Rochelle », sorte de chant maritime contemporain qui prévient les marins que les dangers des flots ne sont rien comparés à ceux de l’amour et des femmes. Dans le même thème, lors d’un séjour en Gaspésie pour le festival de Petite Vallée, c’est en regardant la mer qu’il a été inspiré pour écrire sa chanson « Toute ma vie » que le chanteur avoue préférer pour son caractère honnête et direct.

En contraste avec une bonne partie de son répertoire, dans lequel il se plait à exhiber une sorte de personnage sur la corde raide, « Toute ma vie » est une chanson plus réaliste et introspective ; car il est certain que la chanson peut servir tant à révéler qu’à dissimuler sous le masque exagéré du spectacle. Baudelaire disait justement au sujet de l’homme face à la mer : « Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets : Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes », et c’est cette ambivalence entre l’exhibitionnisme et la présence de pensées plus discrètes qui plaît chez Bastien Vaultier. On espère que c’est une ligne directrice sur laquelle il continuera d’évoluer pour offrir au public son univers particulier.


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