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Des graffitis sur la toile

Petites histoires de grands vandales

Thomas Simonneau

C’est à Paris, il y a quatre ans, qu’un de mes artistes favoris et parmi les plus reconnus dans son domaine, Banga, exposait pour la première fois sa collection de graffitis sur toile. Ayant eu la chance d’être invité au vernissage de l’exposition, j’aivais pu admirer ses aérographes époustouflants et rencontrer ce personnage atypique, à la fois père de famille et graffeur inconditionnel.

Le graffiti sur toile a la particularité toute simple mais pourtant révolutionnaire de pouvoir se vendre. Bien que cela semble trivial, il est impossible de négliger le fait que les meilleurs artistes du mouvement graffiti ont, légitimement, envie de pouvoir vivre de leur passion. Banga, par exemple, n’aurait pas pu nourrir sa famille en allant tagguer des métros le soir, si talentueux qu’il soit. De ce fait, un véritable marché du graffiti sur toile s’est peu à peu développé ces dix dernières années, notamment sur Internet, ce qui permet à certains artistes de gagner leur vie décemment. L’émergence de l’aérographe s’est également imposée dans ce domaine car il est évident qu’un graffiti sur toile demande plus de précision qu’un blaze posé au coin de la rue.

Cela dit, beaucoup de controverses entourent ce sujet car le fait de peindre sur toile dénature le principe même du graffiti. Son authenticité y est indéniablement altérée et l’idée d’un art « gratuit et pour tous » ne tient plus debout. Dans cette optique, beaucoup de graffeurs s’opposent violemment à ce genre de bâtard du street art qui n’a plus rien de street. Il suffit de flâner un peu sur le net pour découvrir ces individus indignés qui regrettent l’âge d’or du graffiti, où l’argent ne comptait pas et ne se comptait pas. Il faut tout de même reconnaître qu’un grand commerce s’est développé autour du graffiti sur la toile et que la société de consommation, souvent contestée par ces artistes, y a peu à peu fait son nid.

Paradoxalement ces mêmes graffeurs qui vont dénoncer ce nouveau mode de consommation, profitent sans scrupule de ce commerce en ligne, et cela dans le dos de leur public.

Difficile donc de trancher objectivement quant à la pertinence des graffitis sur toile comparés aux graffitis de rue ainsi que les externalités liées à ces deux mouvements, qui ne sont, d’ailleurs, pas incompatibles. Cela dit, je trouve important de souligner le fait que cette forme d’art s’est fait appréciée pour sa grande liberté, autant au niveau de l’expression artistique qu’au niveau du support choisi. Inutile donc d’adopter un esprit trop critique et contestataire dans un monde où la loi n’est pas synonyme d’autorité suprême. Les graffeurs vous le diront eux-mêmes, le graffiti est son propre maître, pour le meilleur et pour le pire.


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