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Occupons nos quartiers

Un an après « Occupons Montréal », « Occupons le Sud-Ouest » rassemble des voisins pour une plate-forme de discussion.

Lorsque Occupons Montréal a été évincé de la « place du peuple » en 2011, ses participants ont voté en assemblée générale l’adoption d’une stratégie de concentration vers l’action locale, au niveau des différents quartiers montréalais. Samedi le 15 et dimanche le 16 septembre se tenait, à St-Henri, « Occupons le Sud-Ouest ».

Plus qu’une occupation en tant que telle – alors qu’aucune tente n’était élevée et que tout le monde quittait le parc à 23h – l’initiative citoyenne « Occupons le Sud-Ouest », avec la collaboration des organismes communautaires et des participants d’Occupons Montréal, était promue en tant que « fin de semaine festive de bouffe végétalienne, de kiosques, d’ateliers, de musique, de cinéma et d’activités familiales ».

L’événement prenait place au parc Sir-George-Étienne-Cartier, dans St-Henri. L’occupation de quartier, la cinquième dans son genre, est devenue l’occupation – dans tous les sens du terme– principale d’Occupons Montréal. Il n’y a pas vraiment un but politique à l’exercice, explique Paul Bode : « On veut simplement donner une plateforme […] pour que les citoyens du quartier puissent présenter leurs préoccupations ». Bode, coorganisateur de l’événement, est un vétéran d’Occupons Montréal depuis ses débuts le 15 octobre jusqu’à son éviction le 25 novembre. 

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n’a pas été averti par les organisateurs. Selon Bode, l’esprit-même d’Occupy va à l’encontre de cette pratique, étant « une façon de mieux utiliser les espaces publics […] il ne devrait pas y avoir de lois qui empêchent les gens d’utiliser les espaces publics ». « On s’en fout si on n’a pas le droit d’être là. Si la communauté vient en grand nombre ça veut dire qu’on a le droit ».

Un mouvement plus modéré

Une des différences avec l’occupation de l’automne dernier à la « place du peuple » semble être l’ouverture consciente avec les « gens qui ne sont pas dans les communautés activistes » et un effort pour aller dans les différentes communautés entendre les différentes opinions. « Le slogan principal du 99% ne veut pas nécessairement dire l’exclusion de l’un pourcent restant. On considère qu’il faut parler et écouter tout le monde, respecter une diversité d’opinions – surtout quand elles sont complètement contraires aux nôtres – dans l’espoir d’arriver à une sorte de consensus ».

Le mouvement à Montréal prend donc un rôle moins radical, perdant du même coup la grande couverture médiatique de l’an dernier. « Si on voulait vraiment être dans les medias on pourrait simplement aller au centre-ville, casser des choses, brûler quelques cônes, etc. »

Une mobilisation amplifiée 

À défaut d’occuper un espace en permanence, le mouvement Occupy participe à des mouvements sociaux plus larges, tels que les APAQ (Assemblées Populaires Autonomes de Quartier) et les manifestations étudiantes. L’assemblée générale d’Occupons Montréal a voté pour rejoindre le mouvement étudiant, voyant dans la hausse des frais de scolarité une « mesure d’austérité d’économie néolibérale allant contre les principes du mouvement ». 

Les habitués d’Occupons Montréal étaient très présents lors des manifestations nocturnes, spécialement après l’adoption du projet de loi 78, aillant « un impact énorme, mais invisible, […] sans boutons, sans pancartes. Nous nous connaissons, nous pouvons communiquer ensemble facilement et ça fait des manifs beaucoup plus efficaces ».

L’événement visait entres autres à permettre aux divers groupes locaux de promouvoir leurs projets variés. « Il y a tellement d’organismes qui font des bonnes choses dans les communautés et la plupart des gens ne savent même pas qu’ils existent ». Quelques groupes ont répondu à l’appel. Chloe Makepeace, coordinatrice du jardin collectif EgaliTerre, a entendu parler de l’occupation de quartier et y a vu « une belle occasion de rencontrer les gens du quartier et de faire connaître le projet ».

Turcot et la Gentrification 

Deux des plus gros enjeux dans le sud-ouest de l’île sont le réaménagement de l’échangeur Turcot et la gentrification – l’essor des condominiums à prix élevés à défaut (entre autres) de logements sociaux. 

Selon la Ville de Montréal, le projet de réaménagement de l’échangeur Turcot comprend « un ensemble d’échangeurs et de portions d’autoroutes, situé au sud-ouest du centre-ville de Montréal » et est estimé à huit ans de travaux et trois milliards d’investissements.

Mise à part la pollution qu’entraineraient « 40 000 voitures de plus allant au centre-ville par jour », Bode craint que l’expropriation causée par le projet original ne se répète. En 1960 lors de la construction de l’échangeur environ 6 000 personnes avaient dû été déplacées de leur logement. 

Depuis 2005, St-Henri connait un essor dans la construction de condominiums, favorisant « la spéculation et donc, l’augmentation des loyers ». Combinée à l’expropriation, cette gentrification, pourrait contraindre certains résidents à quitter le quartier ou même les laisser sans logement, ceux-ci étant inaccessibles à leur budget. 

Déjà en 2008, une mobilisation de quartier avait eu lieu contre la construction de l’échangeur, citant entre-autres des répercussions environnementales et sociales. Mais le mouvement de 2008 n’a pas réussi à convaincre le gouvernement Charest et ce, malgré la recommandation de la commissions d’enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), en 2009, de faire des « modifications substantielles » au projet de reconstruction de l’échangeur.

Tout de même, le rapport BAPE admet que, pour des raisons de sécurité, une « réfection majeure des structures actuelles est nécessaire ». Par contre le promoteur choisi devra concilier le maintien de l’infrastructure routière avec « les enjeux de développement durable, avec le milieu humain avec lequel elle cohabiterait, dont principalement la protection de la santé et l’amélioration de la qualité de vie, ainsi que l’équité et la solidarité sociale ».

Ève Carle, porte-parole de la Ville de Montréal, assure que les recommandations du BAPE sont prises en compte et que la Ville « souhaite qu’il y ait le moins d’expropriations possible ». Par contre, le pouvoir de la Ville semble limité, la cour de la Ville s’est fait elle même exproprier et le Ministère du Transport du Québec (MTQ) n’a pas retenu ses propositions. Les décisions se prennent donc plutôt du côté du MTQ. 

Anniversaires

Le lundi 17 septembre a marqué l’anniversaire d’Occupy New-York. À Montréal aucune action n’a été prévue en soutien, les organisateurs encourageant plutôt les gens à se déplacer vers New-York. À la « place du peuple », un Live stream a tout de même été projeté, regroupant une dizaine d’habitués. Occupons Montréal fêtera aussi son premier anniversaire le 15 octobre et Bode assure qu’un « retour sur l’année d’Occupons Montréal sera présenté à la place du peuple ».

L’hiver peut être un des plus gros obstacles d’Occupons Montréal, mais les participants restent optimistes par rapport au futur. L’hiver dernier, la fonderie Darling a prêté gratuitement ses installations aux participants d’Occupons Montréal leur permettant de se rassembler tout l’hiver, de préparer leur plan d’action et de se joindre au mouvement international. « On a joué une grande part dans l’organisation des casseroles en mai, à Toronto, New-York et Paris ».

« On ne sait pas ce que le printemps prochain va apporter, mais on veut rester flexible et recommencer l’exercice l’an prochain ».


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