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Arts sans frontières

Les Escales Improbables de Montréal mélangent réalité et fiction jusqu’au 14 septembre

Lindsay Cameron | Le Délit

Le 9e festival international des Escales Improbables de Montréal se veut le « Rendez-vous des Arts sans frontières ». Lors des Escales de Jour, présentées du 7 au 9 septembre sur les quais du Vieux-Port, il ne s’agit pas seulement de traverser les frontières entre différentes cultures. Le défi lancé au spectateur est de briser le « quatrième mur » qui le tient trop souvent à l’écart de l’artiste. En plus de déambuler d’une performance artistique à l’autre, les spectateurs sont invités à se joindre aux œuvres présentées. La participation du spectateur peut se dérouler en groupe ou encore de façon plus intime, en tête-à-tête avec l’artiste.

Conte
Stéphane Pelliccia, alias Nasarov le trimardeur, rassemble les spectateurs en leur faisant le récit de son amour pour les abeilles et le miel. En se faisant le point central du demi-cercle de ses auditeurs, Nasarov crée une ambiance semblable à celle qu’on trouve habituellement autour d’un feu de camp, lorsqu’entre amis on se raconte des histoires fantastiques qu’on ne peut s’empêcher de croire.

De l’origine des abeilles à la façon dont nait une reine, Nasarov connaît tout sur les fabricatrices de miel. Le conteur entraîne les spectateurs dans un univers mythique où l’apiculture est intimement liée au divin. Nasarov raconte l’histoire d’Aristée, fils du dieu grec Apollon, qui vit une nué d’abeilles sortir de taureaux et de génisses sacrifiés après que l’ensemble de ses abeilles eut péri. La dégustation d’hydromel, breuvage à base de miel, « la boisson des dieux » selon Nasarov, ajoute au sentiment d’intimité que le conteur crée en regardant chaque spectateur dans les yeux et en posant fréquemment des questions sur son propre récit.

Sur un site où les spectateurs peuvent facilement se laisser distraire, Nasarov réussit à garder toute l’attention sur lui grâce à son manteau aux innombrables secrets. On y trouve, entre autres, des verres pour boire l’hydromel, une dizaine de flasques contenant différentes sortes de miel et des abeilles sous la forme de marionnettes. L’insistance du conteur à faire goûter une variété de miels aux spectateurs confirme sa passion pour l’apiculture.s, Mis à part son coté amusant, ce monologue souligne l’inquiétude de l’artiste quant à l’avenir des abeilles. Dans le monde de Nasarov, personne ne s’est aperçu de la disparition de la dernière abeille, et des fleurs qui dépendent de ces ouvrières pour se reproduire. Pour lui, nous sommes trop occupés par la routine pour voir mourir le « dernier coquelicot ». Nasarov conclut en insistant sur l’importance de protéger les abeilles qu’il nous reste, à nous les spectateurs. Ainsi, il réussit à inspirer chez ses auditeurs un sentiment de responsabilité par rapport à la nature, et bien sûr, aux abeilles.

Danse

Lindsay Cameron | Le Délit
C’est cette deuxième option qu’a choisie Emmanuel Jouthe, de Montréal, concepteur de Proximités Variables. Pour cette prestation, chaque danseur performe au son d’une musique audible pour lui seul et le spectateur. Ainsi, on se retrouve lié au danseur non seulement par le fil qui relie les deux paires d’écouteurs, mais aussi par une réalité sonore complètement privée.

Chaque danseur exécute une chorégraphie différente, ce qui permet de vivre une nouvelle expérience à chaque essai. Le danseur occupe totalement la bulle du spectateur, mais l’ambiance musicale et la grâce des artistes empêchent cette intrusion de devenir agressante. Elle est tout simplement intime, et la proximité permet au spectateur de comprendre l’espace qu’occupe son propre corps.

Selon Emmanuel Jouthe, la musique et les mouvements du corps créent une réaction viscérale. « Parce qu’on a tous un corps, on peut tout de suite comprendre les sensations vécues par les autres » affirme-t-il, ajoutant qu’«avec la danse et la musique, on se retrouve dans un monde physique et instinctif ». Ici, contrairement à la littérature ou au théâtre, la prestation ne fait pas dans la sémantique. Selon l’artiste, « il ne s’agit pas de chercher un sens à la performance artistique, mais plutôt de créer un lien entre la danse, le danseur et le spectateur ».

Ce lien, il existe sans l’ombre d’un doute. Les écouteurs isolent complètement le spectateur des bruits ambiants. L’engagement des danseurs est absolu. Leur regard intense qui scrute le visage du spectateur sans ciller et leur léger frôlement permettent au spectateur d’être transporté dans un monde où l’intimité peut exister entre deux inconnus, simplement par l’empathie des corps, comme le dit si bien Emmanuel Jouthe. Cette intimité peut même être vécue à trois. Sarah Dell’ava et Andrée-Anne Ratthé le prouvent par leur duo. En se mettant nez-à-nez avec le spectateur et en créant différentes perspectives en s’éloignant et se rapprochant, elles créent une performance radicalement différente.

Musique
L’Épicerie Musicale permet la découverte d’une vingtaine d’artistes locaux ayant composé une chanson spécialement pour l’installation de Jérôme Minière et Marie-Pierre Normand. La proposition est de se nourrir le corps et l’esprit de produits de la région. De la sorte, les spectateurs peuvent se procurer, pour la somme de 99 cents, une chanson et un fruit ou un légume. L’agriculture et la culture se trouvent ainsi réunies. De plus, les concepteurs réinventent ici l’aspect physique d’une œuvre musicale, au moment où la musique est de plus en plus immatérielle, dû au numérique.

Les Tumbones d’Antigua i Barbuda, et Les Siestes Musicales, offrent aux spectateurs un moment de détente. L’installation d’Antigua i Barbuda consiste en une dizaine de chaises berçantes où les spectateurs, bercés par le mouvement et la musique classique, se voient offrir un massage par le chef machiniste. Aux Siestes Musicales, plusieurs artistes se relaient tout l’après-midi devant les spectateurs confortablement installés sur des chaises longues. Ces deux performances sont parfaites pour un moment de relaxation au bord du fleuve et permettent d’oublier complètement les tracas et la routine de la ville.

Les Escales de Jour réussissent à créer un lien entre les spectateurs et les artistes. Le site de l’évènement, près du bassin Bonsecours est assez petit pour pouvoir assister à toutes les performances artistiques sans trop se fatiguer. De plus, la présence des artistes et leur joie à discuter avec les spectateurs renforce la relation qui devrait toujours exister entre un artiste et son public.

Les Escales Improbables de Montréal, du 2 au 14 septembre
Les Escales de Nuit, du 11 au 14 septembre
Les Escales de Ville, du 2 au 11 septembre,
sur la promenade des Artistes du Quartier des spectacles


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