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Solstice chaotique

La Soirée Stravinsky, présentée par les Grands Ballets Canadiens de Montréal, invite à découvrir le compositeur russe sur des chorégraphies originales.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Peu de compositeurs peuvent se vanter d’avoir causé une émeute lors de la première d’une de leurs œuvres. Stravinsky fait partie des exceptions. En mai 1913, la première du Sacre du Printemps au Théâtre de Champs des Élysée à Paris avait causé un tel soulèvement dans la salle que la police avait dû intervenir pour rétablir l’ordre. On s’insurgeait alors contre la polyphonie et la rythmique de la musique, contre la violence et le rythme des danses primitives, bref, contre l’étrangeté de ce spectacle, radical pour l’époque.

Photo : Sergei Endinian

Radicales, les chorégraphies originales de Stijn Celis, jeune et talentueux chorégraphe belge, le sont certainement, de par leur mise en scène épurée et leur exploration de la nature et de la condition humaine. C’est une véritable recherche identitaire que proposent les Grands Ballets Canadiens de Montréal. Dans un premier temps, la fluidité des mouvements, la force des étreintes et le jeu des danseurs, empreint tantôt d’inquiétude et de tendresse, tantôt de virilité et de violence, se marient parfaitement à la musique mélancolique pour nous faire ressentir toute la force et la fragilité de l’âme dans le trio « Anima ».

Photo : Robin Mathes
Dans un deuxième temps, les danses rythmiques, qui sont, au gré des partitions stravinskiennes, saccadées, viscérales ou sensuelles, peignent un tableau noir d’une société pas si lointaine de nous, ou la différence, qu’elle soit physique, sexuelle, ou en trait à la personnalité, n’est pas tolérée. Comme la vierge nue sacrifiée sur l’autel du bien collectif, ou la mariée d’un mariage arrangé, on se demande jusqu’à quel point nous sommes prêts à changer pour faire partie de la société. Y a‑t-il une limite à cette autodestruction ? C’est ce que Celis laisse aux spectateurs le soin de découvrir en donnant ses danses comme bases de réflexions.

On pourrait toutefois reprocher au créateur belge le manque de clarté dans sa narration du Sacre du Printemps et des Noces ; en mélangeant ses expérimentations artistiques aux histoires originales, il laisse le spectateur confus. Sans connaissance préalable du sujet, le propos du chorégraphe peut paraître obscur. Le néophyte peut néanmoins se laisser charmer par la danse, la musique et le monde du créateur belge.

Au final, les Ballets Canadiens proposent avec la Soirée Stravinsky un spectacle agréable à regarder seul, entre amis ou en couple.


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