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Le repos des ménagères

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Victor Silvestrin-Racine | Le Délit
À Hong Kong, le rythme de vie effréné des habitants donne peu de temps à ceux qui y vivent pour nettoyer la maison ou l’appartement. L’embauche de gouvernantes étrangères, ou ce qu’ils appellent foreign domestic helpers est chose commune alors que c’est près de 285 000 gouvernantes qui se partagent les tâches ménagères de près de 300 000 foyers ici à Hong Kong. Ces ménagères forment près de 3% de la population de Hong Kong et viennent des Philippines (48%) et de l’Indonésie (49%) pour la grande majorité d’entre elles. Dans leur contrat de travail, celles-ci doivent être évidemment nourries et logées, mais elles reçoivent aussi un salaire mensuel d’environ 2000$ CAN qui retourne pour la plus grande partie dans les pays d’origine des aides ménagères.

Ce salaire sert aussi à payer la sortie hebdomadaire de toutes ces femmes qui a lieu le dimanche. Cette journée-là, elles sortent de leur maison de travail pour partager le repas et l’après-midi ensemble. Le dimanche, presque toutes se rejoignent dans les parcs, sur les bancs dans les trottoirs, à l’entrée des bouches de métro, dans les escaliers de centres commerciaux, sur les lignes de touche des terrains de basket publics, mais aussi dans les rues du centre-ville commercial de la ville où on ferme des rues pour qu’elles puissent s’y installer le temps d’un après-midi.

Leur présence est si remarquable que la démographie de la ville dans les rues cette journée-là semble avoir changé d’une majorité d’origine chinoise à une majorité d’origine du sud-est asiatique. Tous les espaces libres de la ville deviennent lieu de rassemblement, lieu de jeux, de rencontres et de partage. Moment privilégié d’une semaine chargée qui ne leur laisse que peu de temps pour elles, entre nettoyage, lavage, préparation des repas ou gardiennage des enfants.

Victor Silvestrin-Racine | Le Délit
De plus, leur situation contractuelle et celle de leur visa n’est pas de tout repos et soulève encore des questions, manifestations et revendications dans la société hongkongaise. Par exemple, le statut de résident permanent donné habituellement à toute personne qui réside sept ans à Hong Kong leur est refusé parce que les autorités et une bonne majorité de la population ne veulent pas donner les mêmes ressources (hôpitaux, etc.) et les mêmes privilèges à celles-ci puisqu’elles ne sont que travailleuses temporaires bien souvent (bien que “temporaire” veuille souvent dire 8–10 ans et même plus). Des manifestations ponctuelles et assez dynamiques ont d’ailleurs lieu pour dénoncer ces décisions qui ne donnent pas nécessairement bonne presse au gouvernement hongkongais qui semble plus concentré à conserver ses sous qu’à donner un vrai statut à près de 300 000 sud-asiatiques.

Est-ce que ce refus de donner un statut de résidence permanente n’est que lié à des questions purement économiques ou assiste-t-on à la version hongkongaise d’une universalisation de mesures plus sévères à l’encontre de l’immigration dans un contexte paradoxal de globalisation et d’augmentation des échanges mondiaux ?

Victor Silvestrin-Racine | Le Délit

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