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De l’amiante à l’hôpital

Le Centre universitaire de santé de McGill utiliserait des matériaux à base d’amiante. Enquête.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Des tuyaux en amiante-ciment sont utilisés pour le réseau de drainage pluvial du super hôpital du Centre universitaire de santé de McGill (CUSM). Cette annonce a été faite en décembre dernier par SNC-Lavalin, la firme d’ingénierie qui gère le plus grand chantier du Québec. Dans un communiqué de presse, le CUSM s’est défendu de l’utilisation d’un tel matériau assurant qu’«il n’y aura pas de fibre d’amiante circulant dans l’air du CUSM. » De plus, « l’amiante-ciment sera utilisé dans un but très précis : le drainage pluvial » réitère le communiqué, «[qui] est un matériau très rigide ne contenant que 13% d’amiante confinée dans la matrice de ciment. » Les seuls risques encourus, selon le CUSM, sont dans la coupe des tuyaux mais ces risques sont apparemment contrôlés et « toutes les précautions sont prises en accord avec la réglementation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. »

Camille Chabrol

L’utilisation de l’amiante-ciment pour la collecte des eaux de pluie est conforme aux normes québécoises. En 2002, le Québec, seul producteur d’amiante au Canada, a adopté une politique d’utilisation accrue et sécuritaire de l’amiante chrysotile dans le but de stimuler sa consommation et de convaincre de potentiels clients étrangers. Deux entreprises, LAB Chrysotile et Mine Jeffrey exploitent des mines dans les régions de Chaudière-Appalaches et de l’Estrie respectivement et produisent chaque année environ 300 000 tonnes de chrysotile.

Cette forme d’amiante selon l’Institut du Chrysotile, une organisation financée par l’industrie de l’amiante et par le gouvernement du Québec, est moins toxique que les amiantes de la famille des amphiboles, dont les fibres ont toutes été reliées à des maladies pulmonaires telles que le cancer du poumon et la mesothélime. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 100 000 personnes meurent chaque année d’une maladie causée par une exposition prolongée à l’amiante. Cette mortalité élevée est le résultat de décennies d’utilisation constante et non sécuritaire de toutes formes d’amiantes comme isolant thermique et sonore.

Devant cette crise sanitaire certains, comme l’Union Européenne, ont décidé d’abolir toute utilisation d’amiante, et, soutenus par d’autres états tels que l’Australie, poussent à un bannissement international. Leurs efforts sont cependant contrés par des pays comme le Canada qui, pour sa part, prône une utilisation sécuritaire et continue d’exporter du chrysotile vers des pays en développement comme l’Inde, mais interdit l’utilisation de certaines formes d’amiante. Le gouvernement fédéral finance même des programmes de plusieurs millions de dollars pour désamianter et rénover des bâtiments officiels.

Cette contradiction dans la position canadienne pourrait bientôt toucher à sa fin. En effet, un matériau au départ approuvé par tous les partis politiques de la Chambre des communes, l’amiante est maintenant décrié par des politiciens de tous horizons. De plus, signe d’un changement important dans la consommation, les deux entreprises qui exploitent le chrysotile au Québec ont fermé leurs portes. LAB Chrysotile a récemment fait faillite tandis que Mine Jeffrey attend du gouvernement provincial une garantie de financement. Avec ces deux vestiges de l’industrie de l’amiante disparus, le Canada va-t-il enfin saisir sa chance de redorer son blason sur la scène internationale en bannissant définitivement toute forme d’amiante et en promouvant des solutions plus écologiques ?

Des subtituts au chrysotile existent : la fonte et le PVC. Cependant, ces deux options coûtent plus cher en terme d’énergie, d’équipement et de maintenance. Selon l’Institut du Chrysotile, l’amiante-ciment permet de réaliser des économies à long et court terme. Ainsi, sur un hôpital de plusieurs milliards de dollars, cette économie pourrait aller jusqu’à des dizaines de millers de dollars et plus lors de la construction des structures de maintenance. Contrairement au CUSM, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal a annoncé qu’il utilisera pour sa part de la fonte pour ses tuyaux de drainage au lieu de l’amiante-ciment.

Le choix économique de la part du CUSM pourrait bien leur coûter la candidature au Leadership in Energy and Environment Design, un label nord-américain de reconnaissance des bâtiments à haute qualité environnementale, puisque LEED interdit l’utilisation d’amiante dans toute nouvelle construction. Cependant, le CUSM ne semble pas s’inquiéter outre mesure et réitère que l’utilisation d’amiante-ciment pour le drainage des eaux de pluie de l’hôpital n’affecte en rien leur application.


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