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Journalisme de guerre

Neige et Cendres, le film de Charles-Olivier Michaud, est un vibrant hommage aux journalistes de guerre indépendants qui rapportent l’information au péril de leur vie.

Gracieuseté d’AZ Films

Après avoir participé à plus d’une vingtaine de festivals sur la scène internationale, le film Neige et Cendres, lauréat de nombreux prix, prend enfin l’affiche au Québec à l’occasion du Festival du nouveau cinéma. Ce drame de guerre propose une véritable immersion dans un conflit au cœur de l’Europe de l’Est. Il met en vedette Rhys Coiro et David-Alexandre Coiteux dans les rôles de Blaise et David, tous deux correspondants de guerre et amis de longue date. Après avoir vécu l’enfer slave, Blaise rentre seul au Québec. Sorti du coma, il tente, à la demande de la compagne de son ami David, de se remémorer les événements qui ont mené à la disparition tragique de ce dernier. Victime du choc post-traumatique, Blaise va rapidement se heurter à la difficulté de reconstituer ce parcours chaotique.

Malgré le peu de moyens mis à sa disposition, Charles-Olivier Michaud réussit le tour de force de réaliser un film convaincant qui fait voyager le spectateur de la sérénité québécoise à la fureur de l’Europe de l’Est. L’exploitation des paysages enneigés du Québec ainsi que le choix d’acteurs russophones suffisent à transporter l’auditoire et à le faire entrer dans le drame. Au cœur de ce récit, deux réalités se confrontent, celle du passé sur le terrain ravagé par un conflit dont on ne connaît ni les belligérants ni les enjeux, et celle du présent, concernant la convalescence de Blaise dans la paisible ville de Québec. Le récit repose sur ces oppositions narratives, et parvient, en oscillant savamment entre l’atrocité du conflit et l’intimité d’une chambre d’hôpital, à captiver le spectateur.

Gracieuseté d’AZ Films
On ne saurait louer le drame de Charles-Olivier Michaud sans saluer le jeu des acteurs et l’authenticité de leurs émotions, capturée par une caméra nerveuse et mobile. Plans larges et filmages resserrés se succèdent, portés par la paisible musique de Louis Côté, laquelle épouse parfaitement le désarroi des protagonistes et l’immensité des paysages enneigés qu’ils parcourent.

Neige et Cendres constitue donc un véritable exercice de style et d’équilibre. Au-delà de sa qualité artistique, le film de Charles-Olivier Michaud aborde des thématiques actuelles trop souvent éludées. Le film insiste notamment sur la vulnérabilité des journalistes de guerre indépendants qui risquent leur vie au nom du droit à l’information. Comme le précise le réalisateur : « L’âge d’or du journalisme de guerre est révolu. Aujourd’hui les journalistes sont ciblés. » Outre le danger vécu sur le terrain, le film traite également des syndromes post-traumatiques dont sont victimes les journalistes, qui parfois ne survivent pas à l’horreur des images dont ils ont été témoins. Hantés, ils demeurent captifs de leur expérience sur le terrain, à tel point que l’authenticité de l’information est alors affectée, puisque leur mémoire parfois surchargée de violence se met à agir comme un filtre.

Ce drame humain et poignant révèle le talent brut d’un jeune cinéaste qui parvient savamment à reproduire l’ampleur d’un conflit et l’exercice du métier de correspondant de guerre. Une chose est sûre : Neige et Cendres, n’a pas usurpé les nombreux prix qu’il a remportés, ni l’engouement des critiques à son égard.


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