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Justice dans le monde

Signe de l’approche de la fin de session et, ceci est la dernière « Chronique sans frontières » de l’année.

Nous espérons avoir réussi à vous intéresser et à vous sensibiliser aux diverses questions juridiques qui peuplent l’actualité. Ne pleurez pas trop, la chronique devrait être de retour l’an prochain.

Le Guatemala est l’un des trois pays où Avocats sans frontières Canada possède un programme permanent. Bien que le pays soit officiellement en paix depuis 1996, on y constate un taux de quarante-huit homicides pour 100 000 habitants, ce qui le place parmi les pays les plus violents du monde. Malheureusement, les autorités guatémaltèques ne sont pas à même de traduire en justice les auteurs de ces violences, ni de sévir contre ceux qui sont à l’origine de violations massives des droits humains. Souffrez en effet d’apprendre que le taux d’impunité dans certaines villes du Guatemala frôle les 98%.

Dans cette situation où les avocats spécialisés en droits humains voient leur sécurité mise en péril, les groupes les plus vulnérables de la société, dont notamment les femmes, ont peine à faire valoir leurs droits. À ce sujet, les chiffres officiels avancent que 685 femmes ont été assassinées au Guatemala en 2010. De l’ensemble de ces cas d’homicides, moins de 4% sont suivis de la condamnation de leurs auteurs présumés. C’est que, bien que le gouvernement guatémaltèque légifère dans le but de caractériser les différents crimes violents commis à l’endroit des femmes, les autorités sont incapables de poursuivre les criminels. Il s’agit, selon Amnesty International, des résultats combinés d’un manque de volonté politique et d’un lourd passé en matière d’impunité, legs d’un conflit armé interne qui a officiellement sévi de 1960 à 1996.

Avocats sans frontières Canada tente donc, un pas à la fois, de renforcer l’accès à la justice pour les populations vulnérables, dans le but de réussir à mener en cour les cas emblématiques de violations des droits humains.

La dernière « Chronique sans frontières » serait bien incomplète si elle ne disait mot des conclusions de nos recherches concernant les manières d’engager la responsabilité des multinationales à l’étranger. Souvenez-vous que ces compagnies se trouvent pour ainsi dire au-dessus des lois, étant souvent à la fois beaucoup plus puissantes et influentes que les gouvernements des pays où elles agissent, tout en évoluant dans un flou juridique complet, à cause de leur caractère multinational. Nos équipes de recherche ont identifié trois pistes de solution permettant de s’attaquer à cette épineuse question.

D’abord, la voie juridique au sens propre, permettant par des lois spéciales à des citoyens de pays étrangers de lancer leur recours contre des multinationales dans un pays occidental, paraît prometteuse, mais elle rencontre en pratique de nombreuses difficultés. Aux États-Unis, où une loi permet en principe de tels recours, ceux qui ont tentés de les exercer se sont heurtés à des procédures longues et complexes, bref, impossibles à maintenir pour la moyenne des victimes de la négligence des multinationales.

Ensuite, la voie de l’autorégulation des entreprises semble elle aussi attrayante, mais se heurte à un mur lorsque la bonne volonté des entreprises se fait moins bonne. Vous comprendrez qu’il arrive parfois que certaines entreprises multinationales se préoccupent moins des codes d’éthique qu’elles mettent sur pied que des profits potentiels à engranger…

Finalement, l’action des ONG, bien que son efficacité soit somme toute limitée, réussit tout de même à arracher quelques victoires en faveur de la justice. Effectivement, si ces organisations n’ont pas réussi à forcer la main aux gouvernements pour qu’ils adoptent des structures juridiques légalement contraignantes et efficaces pour lutter contre l’impunité des multinationales, leurs campagnes de sensibilisation auprès du public ont réussi à modifier les habitudes de ces entreprises en s’attaquant à l’un de leurs talons d’Achille : leur marché.

Les outils de lutte semblent limités, mais tant qu’il n’y aura pas de réel changement dans les mentalités du législateur et des dirigeants d’entreprises, l’engagement citoyen demeurera l’une des seules façons de parvenir à ses fins. ξ

 


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