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Coup d’oeil sur la section Panorama de la Berlinale

« Panorama » est la section du Festival International du Film de Berlin dédiée aux films indépendants ou à petits budgets, aux premières œuvres ou aux documentaires. 

De jeunes réalisateurs et réalisatrices du monde entier présentent notamment leur point de vue sur les problématiques politiques et sociales de nos sociétés. Films asiatiques, indiens, russes et sud-américains proposent des innovations uniques qui rendent leur présence au Festival unique et indispensable. Une branche dynamique du cinéma y est présentée, un cinéma que l’on aime et que l’on se doit de soutenir dans un monde où les grosses productions hollywoodiennes occupent une trop grosse partie de nos écrans.

Une cinquantaine de films sera projetée jusqu’à dimanche prochain au Friedrich Palast et au Kino International. Deux d’entre eux ont retenu l’attention du Délit, plus ou moins par hasard et pour une question de temps, il faut bien l’avouer . Le premier, une coproduction franco-luxembourgeoise réalisée par Angelo Cianci, s’intitule Dernier étage, gauche gauche et met en scène les excellents acteurs Hippolyte Girardot, Aymen Saïdi et Mohamed Fellag. Le second, Vampire, est une magnifique coproduction canado-états-unienne réalisée par Shunji Iwai.

Gracieuseté de la Berlinale – Festival International du Film de Berlin

L’humour sympathique d’Angelo Cianci dans Dernier étage, gauche gauche

Quand un huissier de justice (Hippolyte Girardot) est pris en otage par un jeune délinquant au dernier étage d’un HLM, une drôle d’histoire commence, cocasse à souhait. Surtout que Salem (Aymen Saïdi), tour à tour insupportable ou touchant de naïveté, entraîne son père (interprété avec une grande justesse par Mohamed Fellag) dans l’aventure. Le jeune homme découvrira ainsi le secret de son père qui a commis, dans son pays d’origine, un crime qu’il regrette et que le fils doit apprendre à ne pas idéaliser. La violence du fils, faisant écho à celle du père, est remise en question tout au long de cette prise d’otage. Celle-ci dégénère quand le GIGN commence à parler de terrorisme. Il faut dire que l’événement se déroule un 11 septembre, date pour le moins significative qui souligne ici l’absurdité de cet incident malencontreux. Car personne n’est moins terroriste que Salem, qui cherche en fait à se débarrasser de cinq kilos de drogue qu’un de ses copains lui a demandé de garder. Pour la police, aucune piste n’est à écarter, et les discours des uns et des autres, teintés d’humour et d’incompréhension, ne font qu’envenimer les choses, qui atteignent alors une absurdité totale ne pouvant que faire sourire le public. En utilisant plusieurs langages (le français administratif de l’huissier, l’argot du jeune Salem, les silences et la langue berbère du père, entre autres), Angelo Cianci a voulu témoigner du « malentendu de ces gens qui sont peut-être divisés parce qu’ils ne se comprennent pas ».

Les liens entre ces trois personnages, si différents les uns des autres, se font et se défont à mesure que s’écoulent les heures partagées dans le huit-clos de ce petit appartement. Ce qui aurait pu n’être qu’un simple récit de banlieue typiquement français, opposant la police à une famille d’immigrés maghrébins, prend une ampleur quasi universelle lorsque les relations entre le père et le fils prennent le dessus sur la situation. L’humanité émanant alors des personnages vient enrichir le scénario de manière considérable, un scénario par ailleurs original et vivifiant, marqué d’un humour sans excès.

Ce premier film très sympathique est donc de ces succès que l’on aime : sans grande prétention, simple et relaxant. Un véritable coup de cœur, en somme.

Gracieuseté de la Berlinale – Festival International du Film de Berlin

Le sang des jeunes filles

Vampire n’est pas un film de vampires comme ceux qui occupent nos écrans ces dernières années. Loin des clichés habituels, mais aussi des romances à l’eau de rose pour adolescentes en manque de repères, ce récit non conventionnel met en scène un protagoniste obsédé par l’idée de boire du sang. Est-il un vrai vampire ou n’est-ce qu’un fantasme ? Difficile d’en juger, malgré les nombreux indices donnés par le film. Il semble que ce soit au public, fasciné ou non par la figure du buveur de sang, de décider si Simon, un être fragile et d’apparence tout à fait « normale », est bel et bien un vampire.

Le charmant Kevin Zegers interprète avec une grande justesse ce personnage si seul, et perdu dans son obsession. Professeur de biologie dans un lycée, Simon consulte régulièrement le site internet « side by cide » pour y rencontrer des jeunes filles en détresse qui se cherchent des compagnons de suicide. Après quelques échanges, ils se rencontrent afin de commettre ensemble l’irréparable. Simon leur propose alors de les vider de leur sang… qu’il boit par la suite. Au fil de ces rencontres, qui ne se déroulent jamais exactement comme prévu, se dévoile la personnalité d’un personnage d’une grande profondeur qui ne manquera pas d’en toucher plus d’un.

L’un des principaux atouts de la réalisation, au-delà de la beauté et de l’originalité des plans et des images, réside en la bande sonore (composée par Shunji Iwai). Celle-ci donne au film sa force lyrique et renforce la beauté des scènes, notamment celles pendant lesquelles Simon achève ses « victimes » et boit goulûment leur sang. Elle contribue indéniablement à humaniser un personnage qui aurait pu tomber dans la caricature, mais qui résiste à tous les clichés, à tous les pièges qu’on nous tend habituellement dans les films de vampires.

Si l’une des forces du film se situe aussi dans le traitement du mythe du buveur de sang, constamment et subtilement lié à la sexualité et au désir, le film reste très simplement, comme l’explique Shunji Iwai lui-même, « a story about a man obsessed with blood and women obsessed with suicide ». Loin de se limiter à la représentation du vampire et de sa différence vis-à-vis les autres êtres humains, Shunji réussit un film magnifique et terriblement humain. On espère donc que Vampire sera justement récompensé par les adeptes de la section « Panorama » dont le public doit élire l’un de ses films préférés.


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