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Le salon de la marginalité

Le sous-sol de l’église Saint-Denis s’est transformé les 4 et 5 février pour la quatrième édition du Salon de la marginalité, un événement organisé par Les Filles électriques, un organisme cherchant à donner une voix aux communautés minoritaires. Réunir en un seul endroit les organisations indépendantes, les artistes autonomes et tous ceux dont le dénominateur commun est le non-conformisme peut relever de l’exploit. Pourtant, les artisans de la marge semblaient tous très disposés à afficher et à expliquer, de concert, leur bizarrerie respective. À la question « Qu’est-ce qu’un marginal ? », tous avaient une réponse pertinente, claire, édifiante, sans équivoque : « Je peins avec mon sang », « Je suis artiste autodidacte », « Je suis serveur et drag queen », « Je distribue des seringues aux héroïnomanes ».

Anabel Cossette Civitella | Le Délit

Cette réunion se déroulait en plusieurs actes. Des kiosques d’information, des tables rondes anglophones et francophones sur le thème de la marginalité, des projections audiovisuelles en continu, des ateliers en tout genre et des prestations artistiques hautes en couleur exposaient aux non-initiés les tenants et les aboutissants de groupes qui n’ont pas beaucoup de visibilité, mais qui veulent avoir une voix.

Parmi les moments les plus marquants du Salon, la représentation artistique de Disco Salope, un transsexuel dont le genre théâtral reste à déterminer, a provoqué quelques sourires et haussements de sourcils dans la foule. Sur un fond de musique électro, Disco Salope déclinait les tabous de la société en reprenant le vieux dicton « Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau » : « Fontaine, je ne baiserai pas avec une truie, je ne marcherai pas sur la ligne jaune, je ne serai jamais végétarien, je ne me sucerai jamais moi-même, je ne serai jamais cannibale…» Autant de tabous et de perversion libérés avaient de quoi secouer.

Des artistes qui vivent de projets et savourent leur indépendance avec les moyens du bord, dont Virgile, un peintre autodidacte aux tendances cubistes : « Je n’aime pas les mouvements de masse, ça me rend malade » confie-t-il au sujet d’une toile qu’il a peinte en réaction à la crise H1N1 l’an dernier.

La marginalité n’est toutefois pas qu’une question de contestation et de désir de choquer. Nombre d’exposants du Salon abordent de front des tabous qui se doivent d’être remis en cause par la société. L’organisme Cactus Montréal distribue par exemple des seringues et du matériel de consommation de drogue afin de réduire les risques de transmission de maladies. « Nous travaillons dans la rue avec des drogués, et il y a beaucoup de préjugés qui planent autour de nous. C’est ce qui fait que nous nous considérons marginaux » souligne Serge Papineau qui est chercheur pour l’Université McGill.

Les artistes, les petites organisations qui donnent leur place aux communautés marginalisées et les minorités de toutes sortes avaient ainsi leur place au cours de cet événement, qui n’était pas seulement une occasion pour tout un chacun d’afficher clairement sa non-alliance à un courant principal, mais aussi l’occasion d’exprimer un projet commun : donner une voix aux oubliés de la société.


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