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L’ONF interactif

Voilà près d’un an que l’ONF s’est engagé dans la voie des projets virtuels interactifs. Après Écologie sonore, un documentaire web sur notre relation au bruit, et Sacrée montagne, qui proposait à l’internaute de flâner sur le Mont Royal, les nouvelles créations se multiplient, abordant une myriade de sujets en alliant ambiances sonores, images et texte. Incursion dans ce nouvel univers qui n’en est qu’à ses débuts, au Canada comme aux États-Unis.

www​.onf​.ca/​i​n​t​e​r​a​c​tif

Témoignages « 2.0 »
La maladie mentale, sujet très vaste auquel l’ONF a choisi de se consacrer, est exploitée par trois œuvres laissant place au témoignage. Dans la cadre de la Semaine nationale de la prévention du suicide, on lançait tout récemment Lettre à Vincent de l’illustrateur Éric Godin et l’artiste Zilon mettent en scène une lettre qu’Éric Godin adresse à son fils, Vincent, qui s’est ôté la vie à l’âge de 16 ans. Percutant, quoique très long, son témoignage est illustré par une série d’esquisses sombres, rendant bien le malheur profond que Godin traduit en mots. En résulte une œuvre aussi simple que troublante. Otage de moi, un essai photo sur la dépression narré par l’une de ses victimes, adopte d’ailleurs la même dynamique, tout comme Ça tournait dans ma tête, présenté comme complément au documentaire de Louiselle Noël sur la maladie mentale chez les enfants et adolescents. Bien qu’elles soient intéressantes, aucune des œuvres n’aborde son sujet de manière particulièrement originale, encore moins de façon interactive ; la seule action que l’internaute est appelé à poser étant  de cliquer sur une flèche au bas de l’écran pour faire défiler une prochaine image. Un essai interactif réunit généralement plusieurs courts métrages abordant le même thème. On peut donc se demander pourquoi rien n’a été fait pour réunir tous ces projets, histoire d’accorder une cohérence et une véritable complexité à l’entreprise. Œuvre de plus grande envergure, Terre de froid semble, elle aussi, incomplète. Ce récit d’une expédition dans le grand Nord, orchestré par Dianne Whelan et Jeremy Mendes semble interminable et est somme toute peu captivant, conjuguant une narration anecdotique à des photos assez ordinaires, ultime exemple d’un essai qui appuie sa pertinence sur son recours à la technologie.

Lavi an pa fini du photographe Benoit Aquin est sans nul doute la plus réussie de toutes ces nouveautés. L’essai confronte deux séries de clichés qui se succèdent, ceux saisis à Port-au-Prince trois jours après le séisme qui a dévasté Haïti et ceux que le photographe a pris trois mois plus tard, montrant que la vie reprend malgré tout son cours. D’une efficace simplicité et d’une beauté triste et enlevante, l’œuvre met à profit son support virtuel en intégrant quelques brefs vidéos, et un univers sonore qui rend avec justesse l’ambiance d’un paysage vivant mais désolé.

Difficile de déterminer l’orientation précise que l’ONF donne à ses projets interactifs. L’offre est à ce point diversifiée, du point de vue de la qualité comme des thèmes, qu’il est difficile de déterminer ce que nous réservent ses futures productions. Espérons néanmoins qu’elles exploiteront mieux l’hybridité que présuppose leur format, et qu’elles intègrerons une fois pour toutes cet aspect proprement interactif qui change la relation de l’œuvre à son public. Que le virage interactif de l’ONF soit à l’image de tout le potentiel de l’ère virtuelle, voilà, du moins, ce que Le Délit « aimerait ».


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