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La grande et belle folie au théâtre

Hugo Bélanger donne vie au célèbre baron de Münchausen au Théâtre Denise Pelletier dans l’excellent Münchausen-Les machineries de l’imaginaire.

Karl Friedrich Hieronymus, baron de Münchhausen, est un personnage fascinant de la littérature parce qu’il brouille les frontières entre imaginaire, mensonge et réalité, et ce depuis plusieurs siècles. Né en 1720 en Allemagne et décédé en 1797, le baron est un personnage réel, un être de chair et de sang transformé en mythe littéraire par divers écrivains allemands et français –dont le premier fut Rudolf-Erich Raspe– qui ont écrit et transmis les récits rocambolesques de ce menteur réputé et extraordinaire. Hugo Bélanger (texte et mise en scène) s’inscrit dans la lignée de ces heureux passeurs d’histoires avec sa pièce Münchhausen–Les machineries de l’imaginaire.

L’originalité première de Hugo Bélanger se situe dans son choix de centrer sa pièce non sur le seul personnage du baron, mais aussi et surtout sur le Théâtre Gallimard et Fils, une troupe foraine qui, pendant 200 ans, a joué sans relâche les aventures du baron dans une entreprise aussi loufoque que les récits de ce dernier. Pourquoi choisir cet angle d’approche pour présenter ce visionnaire imaginatif ? Parce que la dernière représentation de la troupe ambulante a été marquée par la venue d’un fantasque personnage clamant être le célèbre baron. Point de départ de la pièce, cette rencontre entre un personnage fascinant et une troupe ruinée qui véhicule le doux plaisir de raconter des histoires permet à Bélanger une mise en abyme plutôt réussie.

Frédéric Bouchard

À travers la présence de ce théâtre dans le théâtre, mis en valeur par toute une machinerie vieillie, style fin XVIIIe, Hugo Bélanger joue avec les conventions du genre pour le plus grand délice du spectateur. Poulies, cordages et autres « trucs » permettent en effet au metteur en scène d’emmener son public dans un univers imaginaire incroyable, tout en lui en montrant les rouages, et ce sans jamais perdre le caractère ludique du lieu. Les costumes, originaux et hauts en couleurs, contribuent indéniablement à la beauté de la pièce (la redingote en velours rouge du baron marque l’imaginaire en rappelant subtilement le tissu identique des rideaux entourant la scène du théâtre, emblème du genre, s’il en est un). Les magnifiques marionnettes (le douanier et le juge, sur la lune) maniées avec excellence par les comédiens, auraient quant à elle gagné à être plus grandes, étant donnée la taille imposante de la salle qui rend difficile, depuis les derniers rangs, d’en saisir toutes les subtilités.

Les quelques baisses de tension dans le spectacle (conséquence d’un humour un peu répétitif et de quelques scènes qui auraient pu être raccourcies) passent inaperçues, le jeu étant porté par une équipe hors pair. Il faut en effet souligner que Hugo Bélanger avait pour collaborateurs dans cette entreprise théâtrale des acteurs dynamiques dont le jeu physique contribue indéniablement à la qualité de la pièce. Machinistes et marionnettistes, les comédiens (Eloi Cousineau, Carl Poliquin, Philippe Robert, Audrey Talbot, Marie-Ève Trudel) ont opéré un véritable travail sur le corps cher au metteur en scène qui permet à chacun d’entre eux d’interpréter avec justesse plusieurs personnages. Un bémol malgré tout, qui tient davantage au Théâtre Denise-Pelletier qu’aux comédiens : la mauvaise acoustique de la salle nuit parfois à la compréhension du texte.

L’univers fantasque et absurde de Münchhausen–Les machineries de l’imaginaire fait donc de la pièce un bijou théâtral que l’on prend plaisir à recommander chaleureusement. Et, comme l’affirme le baron lui-même : « Les sceptiques seront con-fon-dus ! ».


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