Aller au contenu

Crise climatique ou médiatique

Bulle climatique

Cancun est passé aux archives. Cancun ? Oui, cette destination soleil qui a réuni des milliers de délégués du monde entier et où s’est tenu, du 29 novembre au 10 décembre dernier, le 16e sommet des Nations unies sur le climat.

La couverture médiatique de Cancun a été plutôt timide. Contraste important avec le cirque médiatique de Copenhague, l’an dernier. La raison en est que très peu de chefs d’États se sont déplacés sous le soleil mexicain. Un article aura davantage l’occasion d’attirer l’attention si Harper ou Obama y figurent, symbole typique de notre système médiatique. Les médias possèdent le pouvoir d’informer et d’éduquer la population, ainsi que de générer de nouveaux intérêts, mais qui oserait être le premier à sortir des sentiers battus ?

Certains diront que le climat n’est pas un sujet digne de faire la une des journaux, peut-être que c’est un sujet passé de mode. Aujourd’hui, c’est le sensationnalisme qui fait fureur. Si on se sert de sang ou de terreur pour en parler, les changements climatiques peuvent pourtant faire l’affaire. On estime à 350 000 le nombre de morts dues aux changements climatiques en 2010. En parle-t-on, de cela ?

Dans le feu des négociations de Cancun, un haut gestionnaire de Fox News, Bill Sammon, a envoyé un courriel ordonnant aux journalistes du réseau de limiter les affirmations concernant le réchauffement de la planète, à moins de mentionner en même temps que cette théorie était basée sur des données erronées. Ce courriel a même été émis moins de quinze minutes après que la correspondante de Fox, Wendell Goler, a indiqué que l’Organisation météorologique mondiale annonçait que la décennie 2000–2009 serait la plus chaude jamais enregistrée. La souveraineté même des journalistes est donc à remettre en doute dans ce genre de situation. Derrière cette tyrannie médiatique se cachent peut-être des motifs politiques ou économiques. Cependant, pour bien comprendre le problème, il faudrait plutôt se demander au service de quels intérêts travaillent les médias.

La sénatrice Pamela Wallin a publié un article au sujet du Canada, leader mondial dans la lutte contre les changements climatiques, traitant de la menace que représente la réduction des émissions de CO2 pour la prospérité économique canadienne. Soulignons le paradoxe entre les propos de Madame Wallin et la position qu’elle occupe auprès de la compagnie pétrolière Oilsands Quest. Koch, la deuxième plus grande compagnie pétrolière privée de toute l’Amérique, a dépensé près de 63 millions de dollars entre 2005 et 2009, principalement aux États-Unis, pour des campagnes de désinformation sur les changements climatiques. Et l’on se demande pourquoi, selon un sondage de l’Université Yale, 43% des Américains pensent que la crise climatique pourrait être empêchée en arrêtant de perforer l’atmosphère en lançant des fusées dans l’espace… Doutez-vous encore de l’influence des médias au sein de la population ?

C’est exactement pour cette raison, pour ce pouvoir que possèdent les médias, que ces derniers sont utilisés à tort et à travers au service de ceux qui recherchent cette représentation auprès de la population. Certains journalistes se déculpabilisent en rejetant la responsabilité sur l’esprit critique du public. Madame Wallin l’a dit elle-même à Cancun : « Il ne faut quand même pas croire tout ce qu’on dit dans les médias…» Suis-je idéaliste, confuse ou inquiète ? L’heure est grave si certains journalistes acceptent de plein gré ce rôle de désinformateurs. Je propose un partage plus équilibré des responsabilités afin que les médias se réapproprient leur rôle premier : informer la population et se mettre au service de celle-ci. De cette façon, espérons que la crise médiatique cesse de contribuer à la crise climatique.


Articles en lien