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Du boulevard à la scène

Treize à table est un morceau où humour et caricature se mêlent pour créer un théâtre de la légèreté.

Madeleine et Antoine Villardier (Linda Sorgini et Carl Béchard), deux parisiens de la haute bourgeoisie habitant le 7e arrondissement, sont hôtes pour un réveillon de Noël. Deux heures avant la mise à table, Madeleine, grande superstitieuse, fait le décompte. Ils sont treize ! Treize à table ! Pendant quelques deux heures, elle essaiera tant bien que mal de désinviter ou d’ajouter une personne. S’ensuivront des entrées et des sorties de personnages, les uns plus rocambolesques que les autres. L’ivresse est de mise, celle des mots, des charades et des mouvements du corps. Bien sûr, le champagne est de la partie.

Francois Laplante Delagrave

Présenté au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 4 décembre et mis en scène par Alain Zouvi, Treize à table est une comédie burlesque de Marc-Gilbert Sauvajon écrite en 1953 et a été représentée seulement deux fois à Montréal (en 1963 et en 1971). S’inscrivent dans le genre du théâtre de boulevard, fort apprécié à la fin du XIXe siècle et au début du XXe (Sacha Guitry, André Roussin), ce vaudeville nous plonge dans un huis clos tortueux, une espèce de labyrinthe dialogique où le calembour fait presque partie de l’action.

Bien qu’il n’en soit rendu qu’à sa troisième mise en scène (la première ne remonte qu’à cet été, Oscar), Alain Zouvi manipule magistralement les arts de la scène. De plus, la distribution est ingénieuse et le décor, unique et efficace. Si la pièce, par moments, présente des longueurs, ce n’est certes pas en raison d’une quelconque mollesse tant par rapport au jeu des comédiens ou à la mise en scène, mais par rapport au texte lui-même. Le rythme haletant, perd parfois le spectateur dans plusieurs mises en abyme narratives. Par chance, ces moments demeurent occasionnels.

La mécanique de Treize à table fait parfois penser au théâtre baroque avec les entrées et les sorties de comédiens, les renversements brusques, la folie du discours. Malgré une unité de lieu et de temps, la dorure du mur central favorise le mouvement et crée l’illusion d’une complexité et d’une multiplicité spatiales intéressantes. Qu’importe, Treize à table est une immense célébration du théâtre de boulevard avec des renversements assez amusants : le bourgeois en déchéance, le médecin fou et ivre, le couple en délire. Une soirée à ne pas manquer.


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