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« Quand nous n’avons pas de nom, nous sommes nus. »

Entre le corps et le nom, Maria Muñoz explore la notion d’identité dans un univers créatif.

Un étrange amalgame de bruits éclectiques, d’objets inhabituels, de mouvements tantôt fluides, tantôt saccadés, mais surtout de mots et de noms. C’est ce que reflète le solo présenté par la chorégraphe catalane Maria Muñoz à l’Agora de la danse la semaine dernière, Une production de la compagnie Mal Pelo, Tous les noms, est créée et interprétée par Muñoz dans une mise en scène de Pep Ramis.
 
Tous les noms remet en question la relation entre le corps et le nom autour de l’action même de nommer, qui sculpte, masque et transforme l’identité. Nommer forge le rôle de chacun, son « foyer », ses gestes. Par le mouvement spontané, la chorégraphe remet en doute la préséance du nom par rapport au geste, et ce, de façon nuancée. L’identité est confrontée à la solitude, puisque le personnage principal, un lapin appelé Carnaval, s’interroge sur son nom et sa place dans le monde mais qui, isolé, ne peut qu’espérer trouver lui-même sa réponse.
 
Ce qui surprend dans la pièce est la multitude d’outils utilisés pour communiquer le message, puisque les créateurs ne se limitent pas à la danse, mais ont également recours aux arts visuels, à la musique et au monologue pour appuyer leur propos, fidèles au courant postmoderne. Ainsi, des images projetées sur grand écran évoquant la nature et l’eau sont conjuguées à différents éléments scéniques. De grands morceaux de tissu et deux roches suspendues à des câbles ballotent et glissent sur deux cordes pour créer des sons profonds et rythmés, une astuce brillante et originale qui se mêle efficacement au spectacle. La composition musicale cocasse et aléatoire, constituée à la fois de bruits mécaniques et d’instruments, donne quant à elle le ton au mouvement et contribue à l’ambiance aérienne de la pièce.
 
Quelques éléments parsèment par ailleurs la pièce d’une saveur espagnole, telle que la scène de flamenco, un court extrait de musique catalane et un monologue déclamé en castillan. Au cours de la discussion publique tenue avec la chorégraphe après la représentation, on apprend qu’il existe un véritable système d’échange artistique entre la Catalogne et le Québec : de nombreuses productions québécoises sont présentées dans cette région de l’Espagne et vice-versa. Ceci est très certainement dû aux multiples similarités culturelles et identitaires que partagent les deux peuples.
 
Enfin, ce qu’on retient surtout de Tous les noms est le monologue du savant, qui martèle le spectateur de réflexions explosives sur les noms et l’identité de tous et chacun. Maria Muñoz surprend par sa sensibilité et sa capacité à exprimer tantôt une grande douceur et tantôt une forte agressivité par sa voix et ses mouvements. Bien qu’elle semble parfois incompréhensible et décousue, la chorégraphie transmet une vérité sans artifices qui parvient à pénétrer l’univers créatif unique de Muñoz.


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