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Chante-la ta chanson

À en croire certains –Mme Dominique Goulet du Festival d’été de Québec, pour ne pas la nommer–, les temps changent et il faut s’y faire. La plupart d’entre vous sont probablement déjà familiers avec les propos pour le moins dérangeants tenus par l’organisatrice du FEQ : la chanson d’expression française aurait « peu d’avenir » dans une industrie dominée par l’anglais

Ils ont été nombreux à la célébrer, notre chère langue française ! Il y a eu Miron et ses copains de la Révolution tranquille, qui l’ont fait avec beaucoup de ferveur parce que portés par un indomptable instinct de survie linguistique, et puis il y a eu Serge Fiori, Claude Léveillé, Jean-Pierre Ferland et les autres, chacun à leur manière. La langue était au cœur de leur art. 

Mieux : leur art, c’était la langue.

Les choses ne sont-elles plus les mêmes ?

À en croire certains –Mme Dominique Goulet du Festival d’été de Québec, pour ne pas la nommer–, les temps changent et il faut s’y faire. La plupart d’entre vous sont probablement déjà familiers avec les propos pour le moins dérangeants tenus par l’organisatrice du FEQ : la chanson d’expression française aurait « peu d’avenir » dans une industrie dominée par l’anglais, a‑t-elle confié en juillet dernier au quotidien Le Devoir. On aurait pu penser que ce constat encouragerait la dame à prendre des mesures pour la promotion de sa langue. Que nenni ! « If you can’t beat them, join them ! », qu’elle s’est dit.

Allons donc, Mme Goulet ! Vous voulez qu’on vous aide à examiner la situation de plus près ?
C’est vrai, beaucoup d’artistes choisissent de chanter en anglais. Et nous n’avons rien contre les artistes anglophones, au contraire. Il y en a de très bons.

Mais dire des choses pareilles, c’est un peu comme trahir la musique d’ici, comme parler dans son dos. C’est comme rire d’elle devant tout le monde dans la cour d’école sous prétexte qu’elle est moins populaire que les autres enfants ; ça ne se fait pas. Et lorsqu’on est un acteur important de la scène culturelle du Québec, lorsqu’on a pour mandat de veiller à sa promotion et à son épanouissement, on a certaines responsabilités. Parmi celles-ci, celle de ne pas considérer la défrancisation comme un état de fait qui échappe à tout contrôle. Celle, aussi, de prendre les moyens –puisque les moyens, on les a!– pour que la chanson française occupe la
place qui lui revient dans notre paysage culturel.

Cela dit, nous avons de la chance, car la scène montréalaise et québécoise regorge d’artistes qui ont à cœur de participer au foisonnement et à l’effervescence de la culture d’ici, que ce soit dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. Ceux-là, ils nous sauvent des autres qui, comme Dominique Goulet, s’évertuent à faire croire à nos artistes qu’ils sont nés pour un petit pain. Car c’est trop souvent le cas –et depuis longtemps–, et cela touche à tous les aspects de la culture au Québec, tant en littérature qu’en musique ou en cinéma.

Et pourtant.

Pourtant, la production culturelle au Québec gagne chaque année en importance. Pourtant, nos artistes s’illustrent de plus en plus à l’étranger. Karkwa, Malajube et Pierre Lapointe, par exemple, vont souvent faire leur tour de l’autre côté de l’Atlantique et ils sont parvenus à s’y constituer un public fidèle. Et puis il y a le nouvel enfant chéri du cinéma québécois, un certain Xavier Dolan, qui collectionne les prix internationaux comme d’autres collectionnent les timbres.

Mais on a si longtemps rabâché à nos artistes qu’ils demeureraient à jamais confinés à l’intérieur des limites d’un « petit marché » qu’on ne peut plus s’étonner, à présent, qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour se sortir de cet étau. Certains le font en cherchant par tous les moyens à repousser les limites qu’on leur a imposées. D’autres tournent le dos à leur langue, y voyant un obstacle qu’il les empêchera d’avancer.

Si on continue à les encourager en ce sens, pourquoi diable feraient-ils autrement ?


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