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Sur la liste noire

Les avocats d’Abousfian Abdelrazik s’expriment sur le profilage racial dont est victime leur client.

Le retour au pays du Canadien Abousfian Abdelrazik n’a pas été facilité par le gouvernement canadien : d’abord appréhendé au Soudan où il visitait sa famille, il est ensuite incarcéré, menacé et torturé par l’armée, le tout sans mandat de perquisition ni condamnation officielle. Rapatrié au Canada depuis 2008, son nom est toutefois demeuré sur la liste noire de l’Organisation des nations unies, lui interdisant tout mouvement hors du pays, gelant ses avoirs et annihilant ses chances de travailler. Et ce, contrairement à l’esprit du sixième article de la Charte canadienne des droits et libertés prévoyant qu’un Canadien puisse « demeurer au Canada, [y] entrer ou [en] sortir ». David Austin, représentant de l’Institut Alfie Roberts pour la reconnaissance de la communauté Noire au Canada, et Khalid Elgazzar, l’avocat d’Abousfian Abdelrazik pointent du doigt ces atteintes à la liberté individuelle, qu’ils qualifient de « profilage racial ». Les deux hommes étaient invités le 24 février dernier au collège Dawson pour une table ronde organisée par le Réseau de la commission populaire, un groupe de citoyens montréalais s’opposant au « programme sécuritaire national ». Dans le cadre du mois de l’histoire des Noirs et d’une campagne de six mois menée dans le but de retirer M. Abdelazik de la liste noire « 1257 » de l’ONU, le Réseau enjoignait les activistes et les citoyens ordinaires à se mobiliser en faveur de tous les Abdelrazik de ce monde.

Une liste pas comme les autres

La « guerre contre le terrorisme » issue des relations belliqueuses entre les États- Unis et les Talibans aurait donné naissance à la liste 1257 de l’ONU. Depuis le 11 septembre 2001 n’importe quel État peut ajouter quelqu’un sur la liste et ce, sans preuve de culpabilité. « Vous vous levez un matin, et votre vie a changé. Mais pour enlever votre nom de la liste, c’est une autre histoire ! », s’exclame Khalid Elgazzar.

Tous les pays membres de l’ONU doivent s’entendre de façon unanime sur l’innocence du suspect pour retirer son nom de la liste. Maître Elgazzar anticipe les conséquences de la violation du principe de la présomption d’innocence, voulant qu’une personne soit innocente jusqu’à preuve du contraire : Selon lui, les torts d’Abdelrazik se résument à porter un nom qui sort de l’ordinaire.

« Mais il y a plus d’un Soudanais sur le territoire canadien. Pourquoi Abdelrazik, précisément ? » demandait une jeune femme présente à la conférence. En réponse, David Austin explique que la religion, l’adhésion politique partisane ou la couleur de peau soit sans doute des raisons suffisantes pour éveiller des soupçons. « Si en théorie on nous dit qu’on est libre, en pratique nous ne le sommes pas autant qu’on pourrait l’imaginer », a‑t-il conclu.

Une liste de toutes les couleurs ?

La problématique entourant le cas d’Abousfian Abdelrazik n’est pas sans rappeler celle de Dany Villanueva, le frère de Fredy Villanueva qui a été tué lors d’une altercation avec des policiers l’an dernier à Montréal-Nord. Arrivé au Canada en 1998 comme réfugié politique du Honduras, Dany Villanueva fait aujourd’hui face à des procédures de déportation entamées par l’Agence des services frontaliers du Canada. La coalition contre la répression et les abus policiers et l’organisation Personne n’est illégal-Montréal, font front commun pour dénoncer « l’impunité policière contre lui ». Ces méthodes pratiquées par Immigration Canada et l’Agence des Services frontaliers canadiens, cibleraient particulièrement « les immigrant-es pauvres et les jeunes de couleur » en les punissant plus que ne le seraient leurs pairs, Canadiens « de souche ».

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le profilage racial à Montréal, le documentaire Zéro Tolérance est disponible à la bibliothèque McLennan et sera présenté le 24 mars à 18h00 au Stewart Building, local S1/4.


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