Dans deux textes publiés dans Le Délit [les 17 novembre 2009 et 12 janvier 2010, NDLR], M. Mayer suggère que lorsque les francophones de l’Ontario se donnent des protections législatives, ils acquièrent des droits, tandis que lorsque les francophones du Québec font la même chose, ils enlèvent des droits aux minorités.
Une situation sociodémographique différente
Nous sommes pour la promotion des droits des minorités au Québec. Or, comparer la situation des francophones du Québec à celle des anglophones de l’Ontario, c’est oublier le statut continental du français, qui est parlé par moins de 2% des Nord- Américains. Pour assurer la protection et la survie de la seule majorité francophone d’Amérique, le Québec a besoin de mesures législatives solides et efficaces. Les succès de la Loi 101 quant à l’intégration des immigrants au cours des dernières décennies sont une preuve de l’utilité de ces mesures.
En 2001, toutefois, 1379 élèves non-anglophones ont profité d’une faille dans cette loi pour s’acheter le droit à une éducation en anglais au Québec en fréquentant l’école privée de langue anglaise pour une année et ensuite demander un transfert au public. Cette brèche avait été colmatée par la Loi 104. C’est maintenir l’esprit de la Loi 101 et promouvoir l’équité que de mettre fin à une faille qui permettait de monnayer un droit linguistique.
Nous jugeons que la vitalité de la francophonie passe surtout par le rayonnement du français à partir de son lieu phare nordaméricain. Ce rayonnement nous apparaît nécessaire pour établir l’harmonie entre francophones, si chère à M. Mayer. C’est la raison pour laquelle nous réaffirmons le bien fondé et la nécessité de mesures législatives protectrices.
Le gouvernement des juges
Ce jugement pose également la question fondamentale de la place qu’occupe le droit au sein de la société canadienne et celle du pouvoir imparti à la Cour suprême. Le citoyen se demandera, avec raison, sur quelle légitimité s’appuient les sept juges qui ont rendu le jugement, nommés à vie par le gouvernement fédéral, pour invalider une loi adoptée à l’unanimité par un parlement provincial démocratiquement élu. Nous pensons que le judiciaire empiète ainsi sur le législatif, ce qui a pour effet de court-circuiter le débat démocratique.
Depuis l’avènement de la Charte des droits et libertés, le Canada accorde à ses juges d’immenses pouvoirs politiques, ces derniers prenant trop souvent la place des élus. La Cour suprême se voit engagée dans la définition des « valeurs fondamentales de la société canadienne » et, conséquemment, dans l’élaboration des politiques publiques. Les élites canadiennes, avec leur propension au libéralisme et à la primauté du droit –que seules les autorités fédérales sembleraient en mesure de préserver– perpétuent l’idée malheureuse que les droits et libertés au Québec vivent sous la menace constante d’illégalités et d’abus d’autorité, complotés par des nationalistes ethnocentriques.
Nous nous devons de mettre fin à la perception erronée qui veut que les mesures législatives entreprises par l’Assemblée nationale du Québec constituent un exercice abusif du pouvoir législatif sous le voile de la souveraineté parlementaire. À notre avis, il s’agit plutôt de mesures justifiées qui respectent le cadre constitutionnel canadien et l’esprit démocratique qui en découle.
Julien Adant, Jean-Thomas Brière et Raphaël Girard, étudiants à la Faculté de droit
Réplique
Des différences existent sûrement entre les francophones hors Québec et les anglophones minoritaires au Québec. Néanmoins, la dialectique constitutionnelle quant à la protection des minorités linguistiques veut que les minorités anglophones et francophones soient protégées également. Alors, les francophones hors Québec ont intérêt à maintenir la dialectique constitutionnelle pour assurer la protection de leurs droits linguistiques. Rappelons-le, c’est le nationalisme québécois, au détriment de l’identité canadienne-française, qui a participé au morcellement des francophones hors Québec et, par conséquent, les a circonscrits en tant que « minorités ».
Daniel Mayer, étudiant à la Faculté de droit et ex-chroniqueur pour Le Délit