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Le drapeau québécois est-il trop vieux ?

Des célébrations commémorent le 62e anniversaire du drapeau québécois.

Ce jeudi 21 janvier, le drapeau québécois fête ses 62 ans. Pour l’occasion, une cérémonie de levée du fleurdelisé ainsi qu’un défilé avaient lieu ce samedi à Montréal. Organisés par la Société Saint-Jean-Baptiste, ces évènements avaient pour but de célébrer et de promouvoir notre drapeau national.

Officiellement adopté par l’Assemblée Législative sous Duplessis, le fleurdelisé remplaça le très britannique Union Jack en janvier 1948 comme emblème officiel de la province. En plus de représenter une victoire pour le mouvement nationaliste québécois, ce changement exprimait un désir de rupture avec la monarchie britannique. Les Québécois voulaient que cet emblème reflète l’histoire et le caractère distinctif de la province. Sans surprise, on se tourna vers des symboles rappelant la religion catholique et la France.

En effet, la croix blanche qui divise le drapeau en quatre carrés renvoie au catholicisme, élément distinctif de la société québécoise en 1948, alors que le fond bleu royal rappelle la couleur du blason des souverains de France. De la même manière, les fleurs de lys, symbole historique de la monarchie française, évoquent l’origine du peuple québécois, et la couleur blanche, le catholicisme.

Force est donc de constater que le fleurdelisé présente un très fort symbolisme religieux. C’est précisément cet aspect qui en a amené plusieurs à remettre sa pertinence en question. Dans une société québécoise post-Révolution tranquille, multiculturelle et très largement laïcisée, est-ce légitime d’avoir un emblème national qui peut sembler dépassé ? La connotation catholique n’estelle pas exclusive ? Bref, le drapeau québécois reflète-t-il encore adéquatement la population qu’il représente ?

Il y a un peu plus d’un an, le coloré Richard Martineau révélait dans sa chronique du Journal de Montréal que la professeure du nouveau cours d’éthique et de culture religieuse de sa fille avait demandé à ses élèves de redessiner le drapeau québécois. « Le prof dit qu’il n’est plus représentatif de la nouvelle réalité parce qu’il y a une croix dessus » lui avait expliqué sa fille. Le chroniqueur, en profond désaccord, mit la démarche sur le compte d’un « multiculturalisme gnangnan ». Certains, pourtant, se sont sérieusement et ingénieusement penchés sur la question.

En janvier 2008, le collectif Identité québécoise (IQ), comptant une dizaine de jeunes adultes parmi ses rangs, entreprit de créer un nouveau drapeau québécois à l’occasion de ses 60 ans en se basant sur des principes de communication moderne voulant que la simplification des symboles optimise l’échange d’information tout en restant collé sur l’histoire du Québec et sur ses nouvelles réalités sociales. Résultat : un seul rectangle bleu avec un seul lys blanc au centre. D’après IQ, la suppression de la croix rend non seulement le fleurdelisé plus laïc, mais enlève aussi l’image d’un Québec « divisé » au profit d’un seul lys plus grand et fort.

Bien sûr, il est très peu probable qu’une telle refonte se produise dans un futur proche. Il faut donc chercher ailleurs dans le symbolisme québécois afin de trouver un emblème indubitablement rassembleur de tous. Le fameux « Je me souviens » est-il un plausible candidat ? La devise semble effectivement plus inclusive puisque le « je » désigne tout le monde, indépendamment de sa religion ou sa langue.

Dans son documentaire Un certain souvenir, le cinéaste belge Thierry Lebrun va à la rencontre d’une multitude de personnes qui forment le Québec d’aujourd’hui afin de leur demander ce que signifie pour eux la devise d’Eugène- Étienne Taché, architecte qui fit inscrire les 3 mots sur le parlement à Québec. Mis à part la grande diversité des réponses qu’obtient Lebrun, on remarque le rejet total de la devise par certains, particulièrement des Mohawks et des Anglo-Québécois qui ne s’y identifient pas. Le dramaturge québécois René-Daniel Dubois abonde dans le même sens. Pour lui le « Je » exclut la multiplicité et la complexité alors qu’un « Nous » impliquerait plusieurs façons de se souvenir.

Le Québec est-il voué à n’avoir que des emblèmes qui, même s’ils font l’objet d’un large consensus, peuvent tout de même paraître exclusifs ? L’inclusion universelle devrait- elle transparaître à tout prix ? La sainte flanelle du Canadien de Montréal, quant à elle, semble toujours convenable…ou du moins, jusqu’au retour des Nordiques. 


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