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L’ Absurdistan, pas si absurde ?

Le réalisateur Veit Helmer présente son dernier film, un conte pour adultes qui prend la forme d’une métaphore du monde contemporain.

Qu’adviendrait-il de notre société si les femmes décidaient un jour que trop, c’est trop, et laissaient les hommes prendre en charge le maintien de la communauté pour changer ? C’est ce que l’on découvre dans le petit village isolé d’Absurdistan lorsqu’une pénurie d’eau vient frapper cette région imaginaire située quelque part entre l’Europe et l’Asie et dont « personne ne veut ». Le réalisateur allemand Veit Helmer y dépeint une société patriarcale dans laquelle le pouvoir conféré aux mâles rustres, paresseux et primitifs, s’exprime par des ébats sexuels festifs où la femme est chosifiée. Tout bascule lorsque les canalisations défectueuses ne fournissent plus d’eau au village. C’est la tâche des hommes d’y remédier : « Pas d’eau, pas de sexe ! »

La grève des femmes mène à un face à face avec les hommes digne d’un Western américain. Celles-ci entrent dans la peau de Calamity Jane, érigeant des barricades et délimitant leur territoire par un tracé de lignes blanches, et ceux-là défient cette nouvelle autorité comme le feraient des adolescents en pleine rébellion. Les hommes avancent en cadence, empiétant ainsi sur les terres ennemies.

C’est dans cette ambiance, en vérité bien plus comique qu’hostile, qu’Aya et Temelko mettent à l’épreuve leur amour, qui doit être consommé à l’occasion d’un alignement bien précis des étoiles selon les prédictions d’une grand-mère gitane. Le dilemme des amoureux prend une tournure à la Roméo et Juliette –en moins glamour, certes–, chacun devant jurer fidélité à son propre clan. L’intrigue prend parfois des allures de comédie romantique de mauvais goût, ce qui nuit à la cadence jusque-là soutenue et constante du film. Seule la prestation fraîche et naïve des acteurs, que le réalisateur est allé chercher dans plus de 28 pays, sauve les scènes à l’eau de rose et évite ainsi au film de se voir apposer le qualificatif de navet sentimental.

En Absurdistan, l’absurde vient de la prise du pouvoir des femmes. Un échange de rôles qui n’avait alors jamais été considéré possible dans une société à la hiérarchie aussi rigide. Mais attention, Veit Helmer ne fait pas dans la tirade féministe. Bien au contraire, ses personnages féminins sont caricaturaux à l’extrême, et on a par moments l’impression d’assister à un ballet d’oestrogènes incontrôlables. Seul bémol, donc, à cette chronique sociale et politique, dans laquelle les revendications des femmes sont présentées comme des caprices enfantins.

Le spectateur qui s’attend à découvrir de nouveaux horizons ne sera pas déçu du voyage. Le film a été tourné en Azerbaïdjan et en Géorgie, régions aux paysages pittoresques qui donnent envie de découvrir ces contrées encore méconnues du grand public. La quiétude des paysages reflète celle du quotidien des personnages qui, avant la malencontreuse pénurie, vivaient une vie de villageois, douce et tranquille, excentrée et oubliée du monde extérieur. On apprécie l’absence de dialogue à certains moments opportuns, le réalisateur ayant compris que parfois, « les situations sont plus parlantes que les mots ».

Absurdistan
Où : Cinéma du Parc, 3575 Avenue du Parc
Combien :
7,50$ (25 ans et -)


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