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Plus de cache-cache avec son président…

En une seule semaine, Obama est passé à cinq talkshows politiques du dimanche matin (chose qui n’a été tentée que trois fois auparavant sans beaucoup de réussite par Hilary Clinton, John Kerry et l’avocat de Monica Lewinsky, pas exactement un panel de winner), a présidé une séance du Conseil de Sécurité de l’ONU (une première pour un président américain), est passé à l’émission de David Letterman, a fait un discours à la réunion du Clinton Global Initiative, a écrit une lettre au Comité International Olympique afin de soutenir la candidature de Chicago pour les jeux de 2016, et a également organisé des discussions avec le premier ministre israélien et le président palestinien afin de rétablir le dialogue entre les deux États. Et ceci n’est pas une liste exhaustive. Au total, en l’espace de sept jours, Obama a prononcé treize discours qui sont passés à la télévision. À force de toujours être à la télévision, à la une des journaux et des sites Internet, ne risque-t-il pas de tomber dans la surexposition ?

En France, le président Sarkozy se trouve dans une position similaire. Comme Obama, c’est un bon orateur qui intervient en permanence sur les sujets d’actualité et qui prend part à tous les débats (même les moins importants). Si l’omniprésence d’Obama semble appréciée, en France, on parle de « dérive républicaine » et de « monopole du temps de parole » (alors que le temps de parole est minutieusement réparti entre les différents acteurs par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel). Les membres de l’opposition ont même lancé une pétition intitulée « Pour une vigilance républicaine » afin de réaffirmer « leur attachement à l’indépendance de la presse et au pluralisme de l’information ».

Les observateurs américains sont beaucoup plus pragmatiques. Ils admettent que l’augmentation du nombre d’interventions du chef d’État n’est que la conséquence naturelle de l’évolution des médias et des attentes du public. Après ses deux premières années de présidence, Bill Clinton avait émis 550 « déclarations publiques », alors qu’à la même période, Ronald Reagan n’en avait émis que 320 et Harry Truman, seulement 88. Ces statistiques ne sont pas dues au fait que Truman avait moins de problèmes à régler que Clinton, mais plutôt au fait que le public ne demandait pas autant d’intervention de son chef d’État à l’époque.

Avec les sites Internet, les blogues et les chaînes d’information en continu, le leader politique d’un État n’a d’autre choix que d’intervenir plus souvent afin de faire face au « 24-hour news cycle ». S’il n’intervient pas, il laisse libre cours à l’opposition et lui donne autant d’occasions de le critiquer. Aujourd’hui, le rôle d’un chef d’État est beaucoup plus multidimensionnel que par le passé. Comme le dit si bien Alan Schroeder, un président doit porter beaucoup de chapeaux : celui de chef d’État, de commandant en chef, d’informateur en chef, de vendeur en chef, d’éducateur en chef, d’amuseur en chef et de célébrité en chef.

À la place de faire signer des pétitions sur Internet pour défendre/promouvoir « la vigilance démocratique », la France devrait plutôt demander aux médias d’arrêter de présenter la politique de façon si théâtrale. Le comportement de Sarkozy n’est qu’une conséquence de l’évolution des technologies médiatiques. C’est nous qui avons transformé nos chefs d’État en « créature sdes médias» ; c’est donc à nous de les arrêter avant qu’ils ne deviennent des monstres.

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NDLR : Le temps de parole du Président de la République française n’est décompté que depuis le 14 juillet. Avant cela, les chaînes pouvaient diffuser ses interventions sans limitation. Le temps restant était divisé en deux entre la majorité d’une part (l’UMP, son parti) et tous les autres partis d’opposition d’autre part. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ayant constaté que l’abondance des prises de parole du Président entraînait une trop forte disproportion, il a décidé de décompter toutes ses interventions de politique intérieure avec celles de l’UMP.

Enfin, en ce qui concerne les réactions de l’opposition, il nous semble important de souligner qu’elles ne sont pas seulement liées au temps de parole du Président. Elles concernent d’abord ses diverses ingérences dans les rédactions de la presse écrite, radio et télévisuelle. Surtout, l’opposition s’inquiète de sa décision de nommer lui-même le directeur de France Télévision.


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