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L’éducation : un enjeu de campagne

Le Délit questionne les principaux partis au sujet de leurs programmes en éducation supérieure. Seul le PLQ n’a pas répondu à l’appel.

L’Action démocratique du Québec

Les précisions sur le programme de l’ADQ en éducation ont été fournies par Éric Laporte, candidat dans l’Assomption, et porte-parole en matière d’éducation supérieure.

Il est normal, soutient Éric Laporte, que la campagne électorale actuelle n’ait pas trop porté sur les enjeux en éducation supérieure, en raison de la conjoncture économique. Il précise en outre « qu’un des gros problèmes se situe aux niveaux primaire et secondaire, avec le taux de décrochage qui est énorme. C’est normal qu’on en parle davantage, mais ça ne veut pas dire que les études supérieures, ce n’est pas important pour nous. »

L’autonomie de pain –et le beurre- de l’ADQ
Le mot d’ordre adéquiste de cette campagne –l’ « autonomie»– est encore une fois apprêté, cette fois-ci à la sauce éducative. M. Laporte dénonce les visions péquiste et libérale, « trop centralisatrices ». Le réseau de l’Université du Québec (UQ) est un « palier de trop », qui doit être démantelé, et qui « n’apporte pas de valeur ajoutée ». Il cite en exemple l’ETS, qui serait désavantagée par rapport à la Polytechnique, parce qu’elle doit à la fois « rendre des comptes à l’UQ et au gouvernement ». M. Laporte propose de conserver la gestion en commun, lorsque cela est bénéfique, mais de réformer l’UQ, de sorte à avoir des « universités en réseau », plutôt qu’un « réseau d’universités ». Il déclare à cet égard avoir le soutien « d’une majorité de recteurs », qu’il refuse cependant de nommer.

La production industrielle des diplômés
La semaine dernière, lors d’un point de presse, un groupement d’associations étudiantes dénonçait la dérive des universités, désormais axées sur la production en série de diplômés, plutôt que sur le savoir. Bien que le programme de l’ADQ emprunte souvent des expressions chères au langage de l’efficacité économique, M. Laporte cherche à se montrer conciliant envers ces revendications. « En voulant donner plus d’autonomie aux universités, ça va plus dans le sens de faire des universités un lieu de savoir, plutôt qu’une usine à diplômés. » Il explique en affirmant qu’une plus grande autonomie permettrait aux universités d’entreprendre des projets spécifiques, susceptibles de leur donner une identité propre.
Malgré cela, il n’hésite pas à soutenir « qu’il faut valoriser la formation professionnelle », et faciliter l’entrée des jeunes dans les programmes techniques, comme moyen de contrer le décrochage. En précisant que l’ADQ n’a pas de position officielle sur le sujet et qu’il parle à titre personnel, il se montre ouvert à « discuter » d’une abolition des cours de philosophie et de littérature dans les formations techniques. Il pense « qu’il est important d’avoir des connaissances générales », tout en soulignant que « s’il y a des gens qui proposent le changement, nous, on est ouverts à ça. »

Le financement étudiant
L’ADQ se dit sensible au problème du sous-financement universitaire, et souhaite y remédier en augmentant la part relative du budget consacrée à l’éducation, tout en haussant les contributions étudiantes. Bien que M. Laporte refuse de donner des chiffres précis quant au réinvestissement gouvernemental, il assure que l’ADQ se contenterait d’indexer les droits de scolarité à l’inflation, afin d’éviter « que les universités s’appauvrissent ». Le régime des prêts et bourses serait également indexé, mais M. Laporte admet qu’il y aurait à terme plus d’argent dans les coffres des universités, « puisque ce ne sont pas tous les étudiants qui ont besoin de bourses ».

La représentation
M. Laporte énonce ensuite sa vision du rôle des étudiants dans les prises de décision du gouvernement et des universités. « Je suis d’accord avec la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec), qui demande plus de place pour les étudiants ». Concrètement, il dénonce le projet de la ministre sortante Michelle Courchesne (mort au feuilleton le 4 novembre), qui voudrait augmenter aux deux tiers les membres des conseils d’administration qui viendraient de l’extérieur de l’université. « Nous, on voudrait une majorité, ce qui laisserait assez de place pour les étudiants sur le CA. »

Le Parti québécois

Les précisions sur le programme du Parti québécois (PQ) en éducation ont été fournies par Marie Malavoy, députée sortante de Taillon et porte-parole péquiste en matière d’éducation.

Mme Malavoy, justifiant le silence relatif de cette campagne en ce qui a trait à l’éducation supérieure, admet que le PQ s’est fait forcer la main par le martèlement libéral du thème économique : « On a été contraints d’emboîter le pas un peu, même si on ne voulait pas parler que de ça. Dans notre esprit, les questions de l’enseignement supérieur sont très importantes. » Le projet du PQ s’inscrit dans une continuité avec ce que le parti a toujours proposé : elle insiste notamment sur la « responsabilité forte » de l’État dans le domaine de l’éducation. « À toute contribution étudiante, doit concorder un effort soutenu de l’État. On est fiers qu’au Québec, les études coûtent moins cher que partout ailleurs en Amérique du Nord », affirme-t-elle.

Financement
La promesse principale du PQ est de réinvestir –à terme, c’est-à-dire à la fin d’un premier mandat– 400 millions de dollars dans le réseau postsecondaire. En précisant que ce n’est là qu’une coutume et non une loi, Mme Malavoy souligne que la tradition veut que 60 p. cent des réinvestissement aillent aux universités, et 40 p. cent aux cégeps. Une autre mesure proposée permettrait aux étudiants de reporter le paiement de leurs frais de scolarité après l’obtention de leur diplôme. Des calculs préliminaires –qui doivent être peaufinés– estiment le coût temporaire de cette promesse à cinq cent millions de dollars. « En gros, ça pourrait être une avance de 500 millions de dollars, qui à terme se paierait d’elle-même [lorsque les diplômés remboursent]», explique Mme Malavoy.

Le PQ s’engage en outre, dans son programme, à tenir un sommet « sur le financement des études postsecondaires, et de geler les frais de scolarité jusqu’à sa tenue ». Mme Malavoy suggère prudemment qu’une augmentation des droits de scolarité serait vraisemblablement envisagée, dans la suite des choses : « Dans ce sommet, on pourrait discuter de la hauteur de la contribution étudiante. Si vous voulez que je vous donne une image –on a pas encore pris de décision– on pourrait fixer la contribution étudiante à 15 p. cent [des coûts totaux en éducation]. » En 2004–2005, le pourcentage des contributions étudiantes aux revenus des universités s’élevait à 11,3 p. cent. On comprend peut-être alors que « Mme Marois n’[ait] pas voulu faire la bataille pour faire reculer le gouvernement Charest sur la question du dégel des droits de scolarité ».

Étudiants étrangers
Le PQ souhaite une meilleure coopération entre les universités et les services d’immigration, afin d’augmenter le nombre d’étudiants étrangers, particulièrement en région. « Ce n’est pas encore très détaillé, mais ça pourrait vouloir dire qu’on facilite le paiement des frais de scolarité pour les étudiants étrangers qui vont en région. Éventuellement, ce qu’on a en tête, c’est que ces gens-là pourraient vouloir s’y établir plus tard. »

Le rôle des universités
Mme Malavoy patauge un peu et refuse de prendre position clairement par rapport à la demande adressée le 27 novembre aux différents partis, par un regroupement de six associations étudiantes, qui demande de cesser de considérer les universités « comme des usines à diplômés ». Elle se contente de répondre que « les universités ne sont pas des entreprises comme n’importe quelles entreprises [sic]. Il faut qu’il y ait un lien entre les diplômés et le marché du travail, mais au-delà de cela, les universités ont un rôle de transmission du savoir. »

Quant à la promesse de mieux encadrer le travail étudiant afin de favoriser la réussite scolaire, il n’est pas encore question de le faire par l’entremise du Code du travail. Elle parle plutôt de « mesures incitatives fortes », notamment pour que les employeurs s’engagent à ne pas demander d’heures supplémentaires aux étudiants qui sont en période d’examen.

Le Parti vert du Québec

Le parti vert conçoit sa politique en matière d’éducation comme le centre du politique.

En matière d’éducation, le Parti vert ne propose pas des mesures précises, mais plutôt une relecture du rôle de l’éducation dans la société. D’abord, le constat : le système d’éducation au Québec est dans une situation pitoyable, surtout aux niveaux primaire et secondaire. S’ensuit une politique qui propose une somme de sept cents millions de dollars pour remédier aux lacunes du système, ou du moins pour rejoindre la moyenne nationale d’investissement gouvernemental par étudiant.

L’éducation de prime abord
« L’éducation est au cœur de la société pour le Parti vert », souligne Patrick Daoust, candidat du parti dans la circonscription de Westmount-St-Louis. « C’est un changement paradigmatique de la conception politique. L’éducation est au centre de la politique du Parti vert parce qu’elle a un impact sur tous les autres aspects de la vie », affirme-t-il. L’éducation n’est pas un élément parmi d’autres de la politique, mais il en est le point central.

Au sujet de l’éducation post-secondaire, il est difficile de cibler les propos du Parti vert. Ce dernier opte plutôt pour une vision générale de l’éducation. Comme le mentionne Samuel Dupéré, agent des communications du parti, « on a un plan global qui va de la pré-maternelle à l’université ». Par contre, des sept cents millions que propose le parti, presque la moitié serait dédiée à l’éducation post-secondaire, atteste M. Dupéré.

Le débat
Par ailleurs, le parti est sensible aux besoins des étudiants postsecondaires. Cela dit, l’éducation postsecondaire soulève un débat au sein du parti. « D’un point de vue philosophique, on opte pour la gratuité scolaire, mais d’un point de vue pragmatique, les écoles primaires et secondaires sont en grand besoin », dit M. Daoust. Le parti s’engage toutefois toujours en faveur de l’accès aux études post-secondaires. « Si le Parti vert était au pouvoir pour au moins deux mandats, il serait possible de mettre en place un système qui assure que les étudiants ne s’endettent pas », affirme M. Daoust.

Le programme intégral
Le parti adopte une vision intégrale. C’est pourquoi il propose un plan qui combine des économies environnementales avec des dépenses supplémentaires dans des programmes gouvernementaux. « On se vante d’avoir un programme intégré, donc l’argent qu’on va dégager des économies en énergie, on va l’investir dans le postsecondaire ensuite », promet M. Dupéré. De plus, le parti rappelle l’importance des investissements qui auront des impacts immédiats pour les étudiants. M. Dupéré mentionne, par ailleurs, une augmentation des investissements dans les infrastructures.

Si l’éducation est si importante pour le Parti vert, c’est qu’elle est capable d’assurer une meilleure qualité de vie. M. Dupéré soutient que « l’éducation a une fonction première dans toutes les autres sphères du gouvernement. L’éducation, c’est notre priorité de développement économique, c’est notre priorité aussi pour améliorer la santé des gens, donc on voit l’éducation dans une perspective plus large. » Ce serait donc avec l’éducation que le gouvernement pourrait accomplir ses autres engagements politiques.

L’éducation pour le Parti vert est en quelque sorte un projet social, qu’on ne peut soustraire des autres aspects de sa politique. La politique du Parti vert l’explicite clairement : « C’est uniquement avec des diplômés de qualité que nous pourrons prospérer dans l’économie du savoir ».

Québec solidaire

Québec solidaire conçoit sa politique en matière d’éducation comme un projet de transformation sociale.

Québec solidaire se démarque par sa politique d’accessibilité à l’éducation et propose une politique qui se veut attrayante pour les étudiants postsecondaires. Le parti envisage l’élimination des frais de scolarité ainsi qu’une réforme du système d’aide financière. Le parti propose également une série de mesures fiscales pouvant bénéficier aux étudiants, notamment la reconnaissance de l’autonomie financière des étudiants dès le départ du domicile familial, et le report du remboursement des prêts pour les étudiants en période périnatale et les étudiants à temps partiel à faible revenu.

La gratuité scolaire

Nadia Alexa, candidate du parti dans la circonscription de Westmount-St-Louis, affirme que le parti est pour la gratuité scolaire. « On croit que tout le monde a le droit d’être scolarisé, que ce soit des jeunes ou des vieux. » L’éducation est perçue par les verts comme un but à atteindre, voire un instrument de progrès social à répandre à l’ensemble de la population.

À la question de savoir d’où proviendront les fonds pour financer des promesses si ambitieuses, Québec solidaire préfère nous mettre en garde contre l’état actuel du système fiscal québécois. Mme Alexa fait remarquer que « nous avons un système fiscal de Robin des Bois à l’envers. On prend aux pauvres pour donner aux riches ».

Le financement
« Favoriser l’éducation par le biais de la redescente [sic] de la pauvreté » est, selon Mme Alexa, une priorité. Un projet de transformation social est donc envisagé, sur la base d’un constat voulant que l’ordre actuel des choses ne permette pas l’accès de tous à une éducation abordable et de qualité. Comme le souligne Mme Alexa, « il faut mettre de l’argent là-dedans. Les choses ne se font pas toutes seules. »

Mme Alexa déplore que plusieurs compagnies établies au Québec fassent des profits exorbitants tandis que la classe moyenne et les plus démunis en pâtissent. « Il y a des compagnies qui font des profits faramineux, qui ne paient pas d’impôts, qui ont des paradis fiscaux, des échappatoires fiscaux. Ça ne retourne pas aux contribuables », explique Mme Alexa.

Renversement fiscal
À ses détracteurs, qui soutiennent que les mesures proposées par Québec solidaire feraient fuir les entreprises, Mme Alexa rappelle les mesures prises par certains gouvernements européens, qui ont dû faire face à des situations similaires. En Allemagne, par exemple, les compagnies ont eu le choix entre rester, ou partir et repayer tous les investissements et les avantages fiscaux octroyés par le gouvernement. Les compagnies ont finalement décidé de rester.

Un des plus grands problèmes, soutient Mme Alexa, est que « les compagnies privées, tout ce qu’elles veulent faire, ce sont des profits ». En ce sens, les intérêts véritables des Québécois ne sont pas tenus en compte. Il faut, affirme-t-elle, envisager une transformation du fonctionnement de notre société pour qu’enfin tous puissent avoir accès à une éducation  « hors pair ».


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