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Des économistes de McGill discutent de la crise financière

La régulation excessive serait à l’origine du désastre.

Mardi dernier, l’Association des étudiants en gestion de McGill organisait un panel de discussion avec les professeurs Thomas Velk et Jagdish Handa pour discuter des facteurs qui contribuent à la crise financière aux États-Unis.

Un rappel des événements s’impose. Le 7 septembre dernier, les sociétés du crédit immobilier Freddie Mac et Fannie Mae sont prises en charge par le Trésor américain, ne pouvant pas faire face à la dévaluation de leurs subprimes (titres hypothécaires à haut risque). Le 15, la prestigieuse banque Lehman Brothers dépose un bilan concluant que l’institution d’investissements n’est plus solvable, elle qui avait pourtant survécu à la crise de 1929. Entre le 15 et le 18 septembre, l’indice du Dow Jones perd 800 points. Enfin, le 26 septembre, le président américain, George W. Bush, annonce un plan de sauvetage face à la crise qui secoue Wall Street.

Les événements s’enchaînent alors à une telle vitesse que l’on se demande jusqu’où ceux-ci vont mener. Selon M. Handa, cette crise s’est produite en trois étapes, en commençant par la crise des subprimes, suivie d’une crise de la confiance, et enfin d’une crise économique.

D’où cette crise provient-elle à l’origine ? Le professeur Handa a expliqué que « personne ne pouvait anticiper la bulle [spéculative]» qui a mené à une dévaluation des subprimes. En effet, cette crise a pour origine la conjonction de deux phénomènes. D’une part, la demande de logement a été amplifiée dans les années 2003–2005, et, d’autre part, une réponse rapide y a été donnée de la part des promoteurs immobiliers. Ce phénomène a pris place lorsqu’Alan Greenspan était à la tête de la Réserve Fédérale américaine, qui prônait une politique monétaire de taux d’intérêts faibles. Entreprises et ménages ont pu emprunter à moindre coût et ce, jusqu’à l’été 2007, moment où les ménages ne sont plus parvenus à rembourser leurs subprimes. Les ménages ont été pris par surprise, puisqu’ils pensaient voir leurs maisons prendre de la valeur. Ils espéraient pouvoir les revendre par la suite, générant par le fait-même un bénéfice qui leur aurait permis de rembourser leur crédit.

M. Handa a dressé un parallèle avec les années trente, et M. Velk a mentionné la mauvaise gérance des politiciens et les effets néfastes des régulations. Et alors que M. Handa évoquait Keynes, M. Velk, lui, dit admirer le secrétaire au Trésor américain Henry Paulson. Aux dires de M. Velk, ce sont les régulations qui « ont créé le problème. » Il a aussi tenu à rappeler que ce n’est qu’une infime tranche de la population américaine–de l’ordre de 3 à 4 p. cent–qui a été touchée par la crise des subprimes.

« La situation n’est pas plus rose outre-Atlantique », a soutenu M.Velk. « Les Européens sont d’autant plus touchés par la situation qu’ils se plaignent de leur sort : save us, moi ! » a‑t-il ironisé avec emphase. Et ce n’est pas pour rien, puisque les bourses européennes ont pour la plupart clôturé dans le rouge cette semaine. L’Europe est en récession, avec pour seule exception la France, qui a enregistré une croissance de 0,1 p. cent au troisième semestre, tandis que l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie enregistraient une baisse de 0,5 p. cent.
À la question de savoir ce qui devrait être fait, aucun des professeurs n’a semblé certain. M. Velk se préoccupe de la confiance des investisseurs envers les places boursières, durement ébranlées : « Il n’est pas gagné d’avance qu’on puisse la retrouver de sitôt », lance-t-il.
Au final, cette crise résulte d’un « problème historique et non pas théorique », comme l’a noté M. Velk, qui dit avoir « foi en ce que l’économie réelle américaine est toujours en bonne forme. » Les professeurs Handa et Velk n’ont pas voulu être alarmistes ou pessimistes. M. Handa a fini par remarquer qu’ « il est dans la nature du capitalisme d’avoir une crise » de temps à autre. Il a aussi voulu rassurer l’assistance. D’après lui, « il y aura une récession, mais il n’y aura pas de dépression. » Il a pourtant indiqué en début de discussion que « cette récession sera plus profonde et plus longue que celle de la Grande Dépression » des années trente. Et alors que M. Handa se contredit, M. Velk, lui, martèle que les dirigeants ne tirent « aucune leçon du passé. »


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