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Clin d’oeil à un festival francophone : Cinémania

Le festival Cinémania fait venir à Montréal les meilleurs films français de la dernière année. Voici quelques suggestions de notre collaboratrice Andreea Iliescu pour l’édition 2008.

La Jeune fille et les loups 

Ce film de Gilles Legrand, récipiendaire du prix du public au Festival du film français au Japon en 2008, se veut une critique de la société française de l’entre-deux-guerres. Laetitia Casta y incarne Angèle, une jeune fille qui rêve de devenir la première femme vétérinaire de France. Lors d’un voyage avec l’aventurier russe Zhormov, qui recherche des animaux sauvages pour sa foire, ils sont victimes d’un accident d’avion et se retrouvent dans la forêt, sous la neige, en proie aux loups.

Gilles Legrand donne à son film une facture proche de celle du documentaire, tout en s’inspirant du poème La Mort du loup d’Alfred de Vigny. Avec Stefano Accorsi dans le rôle de Giuseppe, un jeune montagnard vivant parmi les loups, le film s’attache au mode de vie de ces bêtes, à leur « nature libre et sauvage », pour citer Gilles Legrand, et à la façon dont les loups sont perçus par la société.

Le film accentue aussi l’aspect social et historique en exposant les mœurs des années 1920 et le combat d’une femme pour exercer un métier non conventionnel. Mais Angèle lutte également pour défendre ses idéaux : sauvée par les loups à la suite de son accident, elle voudra leur rendre leur geste, tandis que son fiancé décide de les tuer afin de rendre la forêt plus propice à l’exploitation touristique. Le film retrace le destin de la dernière meute de loups de la région et pose un regard historique sur l’extinction des loups en France et la maîtrise de la nature par l’homme.

Laetitia Casta, un peu trop ingénue dans un rôle qui se veut celui d’une femme forte, offre néanmoins une prestation appréciable dans son jeu avec les loups, lors de scènes remarquables dans la forêt enneigée. Traversé d’un souffle romanesque, ce que recherchait le réalisateur, le film est un clin d’œil à une époque révolue, celle où les loups habitaient encore les forêts de France.

Notre univers impitoyable 

Que feriez-vous si vous vous retrouviez en compétition avec votre fiancé(e) dans une course qui mène au poste d’associé dans un cabinet d’avocats ? Comment cela affecterait-il la relation avec votre partenaire ? Notre univers impitoyable aborde cette problématique sur le ton de la comédie. Le film, réalisé par Léa Fazer, met en scène Alice Taglioni et Jocelyn Quivrin, partenaires dans la vie, qui interprètent le couple de jeunes avocats. Les deux personnages se retrouvent en compétition directe après la mort de l’un des associés du cabinet pour lequel ils travaillent.

Figurant dans la sélection officielle du festival City of lights, City of Angels (Col-Coa) de Los Angeles en 2008, cette comédie, rendue encore plus attrayante par l’alchimie extraordinaire qui existe entre les acteurs principaux, n’est pas que légèreté. Elle cache des sujets actuels, tels que la bataille des sexes, le contraste entre famille et carrière, et les défis qui accompagnent l’ascension sociale.

L’énergie du film est assurée par un va-et-vient continu entre les histoires parallèles de Margot et de Victor, sous forme de séquences à travers lesquelles le spectateur peut suivre ce qui arriverait si Margot devenait associée et ce qui pourrait se passer si Victor était choisi. Les impacts sur la vie personnelle et sur les relations de travail de chacun sont explorés.

L’histoire est, il est vrai, un peu simpliste et les clichés n’y manquent pas, comme les avances d’une secrétaire à l’endroit de Victor et celles du patron dans le cas de Margot. Le courant passe néanmoins très bien entre Alice Taglioni et Jocelyn Quivrin et l’aspect comique l’emporte sur l’histoire elle-même. Le film, assez court (87 minutes), est une comédie rythmée et mouvementée.

Le Silence de Lorna

Les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne ont remporté la Palme d’or du Festival de Cannes à deux reprises, en 1999 pour Rosetta et en 2005 pour L’Enfant. Ils sont présents cette année au festival Cinémania avec le lauréat du prix du meilleur scénario en 2008 à Cannes, Le Silence de Lorna.

Découverte lors d’un casting organisé par les frères Dardenne en Albanie, Arta Dobroshi incarne une immigrante albanaise qui, dans sa quête d’une vie meilleure, décide d’obtenir la nationalité belge en organisant un faux mariage avec Claudy, un belge toxicomane. Dans le rôle de Claudy, le spectateur pourra voir un Jérémie Rénier incomparable. À la suite de leur union, Lorna rêve de divorcer et d’ouvrir un casse-croûte avec son copain albanais, Sokol. Mais Fabio (Fabrizio Rongione), en charge des faux mariages, a d’autres projets. Il veut impliquer la jeune femme dans un second mariage avec un homme de la mafia russe. Lorna se rendrait donc complice de la mort de Claudy, mais osera-t-elle parler ?

Les réalisateurs jettent un regard politique sur une société dans laquelle le seul moyen de changer de vie est l’argent, et où la vie d’une personne compte très peu lorsqu’on peut en tirer un profit quelconque. L’importance du corps est mise de l’avant dans ce film, que ce soit durant les crises de sevrage de Claudy ou dans les transactions mercantiles de Fabio, accentuant ainsi la déshumanisation.

Le Silence de Lorna est aussi un film imprévisible qui présente un aller-retour entre faute et rédemption, entre brutalité et humanité. Il s’agit bien sûr pour Lorna d’accepter ou de refuser la mort de quelqu’un, mais aussi du sentiment de pitié que le personnage développe à force de vivre avec Claudy. Lorsque ce sentiment se transforme en une attirance incompréhensible, les conséquences sont inattendues.

Malgré une discontinuité qui peut gêner à quelques reprises, les émotions fortes que le spectateur ressent, témoignant du long travail avec les acteurs, de même que l’actualité de ce film, font de lui un incontournable.


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