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De la lassitude démocratique

La semaine dernière, des membres et sympathisants des organisations étudiantes et syndicales du campus ont marché ensemble jusqu’au James Administration Building, brandissant des revendications aussi légitimes qu’urgentes, avec plus ou moins d’humour.  L’habituel porte-voix, manié par une étudiante hyperactive, lance un slogan minimaliste à une foule conquise d’avance : « Quel campus ? », et nous de répondre en chœur : « Notre campus ! » Cette fois-ci, la foule traînait peut-être un peu plus le pas que d’habitude. Mais n’ayez crainte, comme le veut la coutume, la marche s’est achevée par un festin végétalien servi par Midnight Kitchen à une file de bipèdes armés de tupperwares. Pour changer, cependant, le personnel non-enseignant du campus se joignait à nos camarades revendicateurs.

Malgré cette petite différence, tout cela avait un air de déjà-vu pour quiconque a passé trois longues années à ingurgiter tantôt des cours, tantôt des falafels dans l’enceinte des portes Roddick. Difficile d’être vraiment interpelé par les propos scandés par les porteurs de pancartes. Les effectifs peu nombreux de la marche laissaient penser que beaucoup d’étudiants ont préféré soigner leur apathie dans leur falafel en regardant du coin de l’œil le porteur de pancarte. Le porteur de pancarte, bien souvent, se distingue par des caractéristiques simples. Généralement issu d’un département de sciences humaines, il porte en lui le souci du bien commun. Si vous le voyez porter une pancarte à une manifestation, vous le reverrez à la prochaine et l’avez déjà vu à la dernière (si vous le voyez si souvent, vous êtes sans doute porteur vous-même).

Les sujets reviennent et les questions irrésolues se succèdent. La question du local de prière de l’Association des étudiants musulmans figurait dans le tout premier Délit que j’ai cueilli d’un présentoir et a refait surface régulièrement depuis. Celle des auxiliaires d’enseignement, toujours à l’honneur aujourd’hui, a fait et refait l’objet d’une couverture assidue au printemps dernier. Mais là encore, ma lassitude est peut-être doublée du désarroi d’avoir failli perdre la vie à vélo en passant devant les piquets de grève qui attiraient mon regard. J’aurai beau accuser ma maladresse notoire, il reste qu’il est peu judicieux de réclamer la justice à un croisement de rue…

Bref, on a beau mettre les revendications sous l’emballage d’une nouvelle coalition, d’un nouveau syndicat, il reste que les mêmes problématiques reviennent, avec, semble-t-il, les mêmes porte-voix. La démocratie, à McGill comme partout, est un processus lent, ennuyeux, et qui semble tenir à cœur aux mêmes têtes. Le jour où une assemblée générale de l’Association étudiante rassemblera une proportion décente d’étudiants en sciences ou en gestion, peut-être alors la lassitude passera-t-elle. D’ici là, la lassitude me gagne.


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