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Silence, on intègre !

L’individu, la culture et l’étranger en Suède.

On parle peu des pays scandinaves. Et lorsqu’on les invite à une table de discussion quelconque sur la société, on les décrit inévitablement comme des modèles en matière de politiques domestiques, comme leaders des sphères sociales ou environnementales. Pourtant, même les « elfes du Nord » doivent désormais faire face à des défis relevant du monde des mortels : l’immigration.

Alors que celle-ci a littéralement écrit l’histoire du Canada, la Suède n’a accueilli ses premières vagues de nouvelles cultures que tout récemment. En effet, pendant des centaines d’années, le pays d’Ingmar Bergman est resté plutôt imperméable aux mouvements de population qui ont caractérisé l’histoire du monde. Comment approche-t-il un phénomène aussi récent ?

L’histoire d’une immigration suédoise
Certes, la Suède a accueilli au fil du temps un nombre important d’arrivants de pays voisins comme la Finlande, la Norvège et le Danemark. Cependant, la proximité géographique et le passé étroitement lié des pays nordiques —la Suède a dominé à travers l’histoire l’entièreté ou des parties du territoire de ses voisins— ont minimisé les défis inhérents à la cohabitation. Les véritables enjeux d’une population nationale multiculturelle se sont présentés avec le flot de réfugiés qui se sont accumulés au pays à partir des années 1960, issus des grandes zones de conflits qu’ont été successivement le Moyen-Orient et les Balkans.

C’est donc dans les dernières décennies seulement que le Royaume de Suède a fait face à ses premiers véritables débats en termes d’intégration et de multiculturalisme. Les premières réactions ont été souvent radicalement négatives. Les différentes recherches sur le sujet parlent d’une Suède à cheval entre le rejet total de toute forme d’immigration (porté par des slogans tels que « La Suède aux Suédois » dans les années 1950) et l’intégration totale des nouveaux arrivants dans un moule national excluant toute possibilité d’exprimer sa culture d’origine.

Aujourd’hui, sans pour autant ouvrir ses portes sans restrictions, la Suède suit le cours du temps en devient plus accueillante. En termes de statistiques, elle comptait près de 12% d’immigrants à l’aube des années 2000. Un chiffre considérablement « moderne » si on le compare aux quelque 16% de résidents nés hors-pays au Canada pour la même période.

Les débats qui construisent la réalité suédoise aujourd’hui sont partagés par d’innombrables sociétés à travers le globe, le Québec en tête. Des discussions portant sur la minorité immigrante font la une des quotidiens depuis les derniers mois. Le Parti libéral parle de « contrat social » entre l’État et les immigrants et propose des cours obligatoires pour apprendre les « valeurs de la société suédoise ». Une perspective rejetée par plusieurs, notamment par Åsa Peterson du média Aftonbladet, qui la taxe de « discriminatoire » en se demandant si l’on serait aussi exigeant envers les Suédois de naissance. Le Parti social démocrate a de son côté avancé la possibilité de « choisir » d’avance la ville de résidence des nouveaux arrivants. Selon les représentants du parti, il serait ainsi plus facile de situer les réfugiés dans des régions aptes à combler leurs besoins en termes de logement et d’emploi. Plusieurs Suédois expriment également des craintes concernant l’emprise de l’anglais sur l’éducation supérieure et discutent du droit à l’éducation dans la langue d’origine, qui se trouve autorisée en Suède depuis les années 1970.

La suite la semaine prochaine.


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