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La (mal)bouffe à McGill

L’université en plein remaniement des services alimentaires sur le campus.

Depuis plusieurs années, le répertoire des services de restauration offerts sur le campus de McGill a énormément changé. Pour qui aurait suivi la situation depuis longtemps, cela paraîtrait évident, mais pour la population étudiante, constamment en renouvellement, l’exercice de reconnaissance est plus difficile. En novembre 2002, Alan Charade, le directeur des Services auxiliaires de McGill, annonçait que son département allait prendre le contrôle de la cafétéria Good Bytes, située dans l’édifice McConnell. Jusqu’alors exercé par l’Association des étudiants en génie (EUS), le contrôle de cette cafétéria est passé à l’entreprise Chartwells, une filiale du Groupe Compass Canada (GCC).
Ce conglomérat au chiffre d’affaires annuel d’un milliard de dollars (CAN) opère des services de restauration dans plus de 800 hôpitaux canadiens, plusieurs installations sportives à travers le Canada, dont le Centre Bell à Montréal, une plateforme pétrolière au large d’Inuvik (T.N.-O.) et un « vaste chantier relié aux sables bitumineux de l’Alberta », entre autres. Bref, on trouve GCC « partout où il y a des gens à servir », selon le site Web de la compagnie.

Sur les treize points de services alimentaires qui sont gérés par les Services auxiliaires du campus du centre-ville, neuf sont opérés en sous-traitance par Chartwells. Les quatre autres le sont par Matteo, une entreprise familiale montréalaise. Le Café d’architecture, jadis administré par l’Association des étudiants d’architecture, est sous le contrôle des Services auxiliaires depuis ce semestre, mais est toujours opéré par des étudiants… du moins pour le moment. Cette répartition du pouvoir est documentée dans le Sustainability report Card 2007, un rapport étudiant sur la durabilité de McGill, écrit l’automne dernier. Alexandre Poisson, étudiant en environnement, a rédigé la partie du rapport traitant des services alimentaires.

La répartition du pouvoir est loin de plaire à tout le monde sur le campus. Ainsi, GRASPÉ McGill (Groupe d’action et de sensibilisation au pouvoir étudiant) organisait vendredi dernier un premier jour d’action pour dénoncer ce qu’il qualifie de « corporatisation des services alimentaires sur le campus, et notamment la présence de Chartwells ». Le groupe s’est associé à Midnight Kitchen pour servir un dîner gratuit aux étudiants à l’extérieur de la bibliothèque Redpath (et de sa cafétéria Chartwells). Cette journée d’action, écrivait GRASPÉ dans un courriel envoyé à ses membres, visait à « démontrer l’importance des alternatives étudiantes, non capitalistes et respectueuses de leurs employés » et à préparer le terrain pour un boycott général des services alimentaires corporatifs du campus, prévu pour les 27 et 28 mars de cette année.

« Il y a plusieurs problèmes avec les services de nourriture à McGill », commente le président de l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM), Jake Itzkowitz. « Le plus grave est celui des prix trop élevés, qui se situent à environ 10$ le repas. Le deuxième est celui de la variété. […] Pour un vaste campus situé au centre-ville de Montréal, McGill devrait fournir beaucoup plus de diversité à sa communauté en termes de qualité, de coût et de diversité de la nourriture disponible dans ses cafétérias », écrit-il dans un courriel dont Le Délit a obtenu copie.

Des problèmes qui ne trouveront vraisemblablement pas leur solution dans la convergence des services vers un seul fournisseur, comme le souhaite l’administration de McGill. Déjà, en 2002, le vice-directeur aux Services auxiliaires, David Strutz, expliquait au McGill Tribune : « À long terme, on aimerait que tous les services alimentaires du campus soient regroupés en une seule entité, afin de mieux utiliser les ressources matérielles et physiques ». En 2008, force est de constater que cette vision devient réalité. Strutz ajoutait à l’époque que cette intention cadrait dans la vision d’offrir une plus grande sélection de nourriture à partir de plus de localisations sur le campus. Aujourd’hui, comme le laissent entendre les commentaires d’Itzkowitz et le mécontentement de GRASPÉ, rien ne paraîtrait moins sûr.

Cet article est le premier d’une série d’explorations dans l’univers des services alimentaires des universités canadiennes, et particulièrement à McGill. La semaine prochaine : la bouffe universitaire ailleurs au Canada et les commentaires de l’administration.


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