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Sang d’encre

Il y aura du sang, de Paul Thomas Anderson, s’annonce déjà comme un favori dans la course aux Oscars.

Boum pétrolier californien, tout début du XXe siècle. C’est avec des airs de western que Paul Thomas Anderson signe son cinquième film, Il y aura du sang. Une tension, une urgence angoissante nous tiennent en haleine tout au long de cette aventure au cœur d’une Amérique où règnent les valeurs familiales, religieuses et, bien sûr, l’éternel rêve américain, celui de faire fortune. À tout prix.

Les vingt premières minutes de ce long-métrage, exemptes de dialogues, sont ponctuées de prises de vue à couper le souffle. Une mine perdue dans le désert du Nouveau ‑Mexique, un homme seul se battant contre le roc. Une ambiance loin d’être rassurante, où la musique joue pour beaucoup. Du grand cinéma.

Daniel Plainview (Daniel Day Lewis) est un prospecteur que le hasard a mené vers le pétrole. Avec un enfant de dix ans, il visite de petits propriétaires en vue de leur acheter leurs terres, sachant qu’elles regorgent d’or noir. Il présente son entreprise comme une affaire familiale, lui et son fils devant continuer leur route seuls depuis que sa femme est morte en couches. Mais cet enfant, que Plainview a recueilli des années plus tôt (son père ayant été victime d’un accident sur un de ses chantiers),  n’a pour rôle que d’inspirer confiance à ces gens pour mieux les arnaquer.

Daniel Day Lewis incarne de façon magistrale un être tourmenté, obsessif et cupide, qui a une véritable aversion pour l’ensemble de l’humanité. La richesse qu’il recherche n’a d’ailleurs pour but que de lui donner les moyens de s’éloigner des autres. Il symbolise, à lui seul, ce capitalisme sauvage qui n’a rien d’humain. La dure réalité de ceux qui ont peuplé les terres arides de l’Ouest américain est dépeinte par des images qui, encore une fois, laissent pantois. Quand ils ne sont pas en train de se faire exploiter par le prospecteur pétrolier, les pauvres gens qui suivent Plainview sont sous le pouvoir religieux du fanatique Eli Sunday (Paul Dano), un berger qui s’est proclamé prophète de son Église de la troisième révélation. Un étrange duel va se dessiner entre les deux personnages…

La trame sonore a été réalisée par Johnny Greenwood (guitariste de Radiohead), qui a fait un excellent travail. La musique parfaitement agencée à la succession des scènes maintient une atmosphère inquiétante, voire angoissante par moments, laissant présager le pire. La scène apocalyptique d’un puits en feu la nuit, à laquelle Plainview assiste en riant, ne fait que renforcer ce climat et donne au personnage des airs démoniaques qui lui collent à la peau tout au long de son ascension vers le statut de magnat du pétrole.

Avec Il y aura du sang, Paul Thomas Anderson a réussi une superbe adaptation du roman d’Upton Sainclair, Oil ! There Will Be Blood (1926). Aucune longueur, le rythme est tel qu’il est difficile de croire que l’on vient de passer deux heures et demie dans une salle de cinéma. Seule note discordante, la finale. Aussi abrupte qu’inattendue, elle fait plus que détonner avec le reste de l’œuvre, s’accordant néanmoins avec son titre.…


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