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Le Délit : « un laboratoire dont il faut savoir profiter »

Marc-Antoine Godin, rédacteur en chef du Délit 1997 et journaliste à La Presse.

Je vais vous faire une confidence. S’il y a le même nombre de lecteurs du Délit qu’à l’époque, je suis sûr qu’il s’agit d’une confidence.

Lorsque j’ai été embauché à La Presse, je n’ai même pas eu besoin de justifier le fait que je n’avais jamais étudié en journalisme. « À nos yeux ton expérience au journal étudiant vaut bien un bacc en journalisme. » Woah, ok !

Ce n’est pas vrai que l’Université McGill n’a aucun programme en journalisme ; c’est juste qu’on n’y trouve aucun cours, aucun professeur et aucune théorie. Le programme du Délit français est entièrement pratique ! Je vous assure que ça recèle plus d’avantages que vous ne le croyez. Car si les grands principes du journalisme demeurent, les façons de faire, elles, changent continuellement. Apprendre les façons de faire sur les bancs d’école peut s’avérer une perte de temps si, au moment d’entreprendre le boulot, l’industrie est déjà passée à d’autres méthodes. C’est en tout cas ce qu’ont dit certains collègues qui, du bout des lèvres, regrettaient leurs études.

De mon expérience au Délit, il n’y a rien à regretter. C’est un laboratoire dont il faut savoir profiter. Au départ, c’est la chronique qui me venait le plus aisément. Je voulais teinter mes articles de mon point de vue. Je me prononçais pompeusement sur des sujets que je ne maîtrisais pas tout à fait. Je cherchais le style d’abord et le sujet ensuite. Tsk tsk tsk. Mais il a fallu passer par là pour me rentre compte que plus on en sait, plus il nous en reste à apprendre…

Ça fera bientôt 20 ans que j’ai quitté McGill. Ma cohorte a été parmi les dernières à faire ses études sans internet. Saint-Wiki n’était pas là pour nous sauver. Les choses n’ont changé qu’en apparence. Aujourd’hui, autant dans les cours qu’au journal, il y a certes un fond d’informations facilement accessible, un Astroturf de savoir qu’on étend sur le plancher de nos sujets. Mais après ça ? Après il reste la vraie histoire à raconter, celle pour laquelle il faut fouiller, questionner… Il faut sortir, parler aux gens — les faire parler surtout — et être les porte-voix d’une réalité pas toujours belle mais néanmoins réelle. Là où il y a de l’authenticité il n’y aura pas de fake news.

J’ai appris à McGill deux conseils qui ne me quittent plus. Tout d’abord cette citation d’Yvon Deschamps : « on ne veut pas le savoir, on veut le voir ». Rien à ajouter ! Et puis cette riche idée que mon directeur de mémoire m’a transmise : « le plus petit contient le plus grand ». En d’autres mots, inutile de vouloir décrire une réalité dans son ensemble, en trop de mots et en trop de façons de s’y perdre. Trouvez un petit exemple probant et, si vous l’exprimez bien, il va irradier une vérité beaucoup plus grande.

Sur ce, je vous laisse. Vous avez un monde à changer et moi une fille à aller chercher à la garderie.


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