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Un mix intello-artistique

Entrevue avec Bridge & Law, DJ à Montréal et étudiant à McGill.

Lucas Ranalli, plus connu sous son nom de scène Bridge & Law, est un producteur de musique électronique et DJ originaire de Toronto. Étudiant en troisième année d’économie de McGill, il s’est notamment fait connaître grâce à son remix de « Pumped Up Kicks » de Foster The People.

Le Délit : Tout d’abord, l’artiste Avicii était au Frosh de McGill il y a deux ans, que penses-tu de lui, de son travail ?

Bridge & Law : Alors, c’est sûr que du point de vue d’un producteur, je le trouve très critiqué. Je connais beaucoup de gens qui ont tendance à cracher sur lui à cause de son flair. C’est vrai qu’il a commercialisé sa musique pour un public beaucoup plus large, notamment les gens qui aiment l’électro plus standard ou la deep house. Il fait aussi beaucoup de « top 40 », de succès populaires mais je pense qu’il le fait très bien. La preuve : sa nouvelle chanson « Wake me up », a une influence country est très bien ficelée. Tout le monde l’aime, ma mère l’aime, ma sœur l’aime. Je le définirais comme un « DJ économique » par rapport au fait que son approche artistique est tout de même liée au business, mais qui fait un travail génial en général. J’applaudis sincèrement ses efforts.

LD : Qu’en est-il de la scène électro du début des années 2000 ? Qu’est-ce que des noms tels que Justice ou Daft Punk évoquent pour toi ?

B&L : C’est les premiers trucs que j’ai écoutés ! Mais pour quelqu’un qui entend ça aujourd’hui, ça doit sonner beaucoup plus impétueux. Les sons sont plus déformés et tordus que ceux qu’ont trouve aujourd’hui. L’une des premières chansons que j’ai entendues était « Mille cigarettes » de Masterkraft, un morceau bien brut mais révolutionnaire, en ce qui me concerne, du moins. Après il y a eu Justice et toute la musique d’Ed Banger très influencée par le rock. J’adore tout ça, je joue encore ce genre de morceaux parfois dans mes sets, pour rendre hommage à cette génération. Mais je ne pense pas que ton fan typique d’EDM (electronic dance music) aujourd’hui, qui va à des festivals d’électro genre Ultra à Miami, apprécie vraiment cette musique. Sûrement parce qu’il n’a pas baigné dans cette génération et n’a pas été exposé à ces morceaux autant que la nôtre l’a été. Mais ces artistes sont incroyables. J’aime vraiment ce qu’ils font et ce qu’ils ont fait !

LD : Du coup, tu t’intéresses à quel type de musique en ce moment ? Que produis-tu ?

B&L : Je me suis pas mal éloigné de ce que je faisais habituellement. Je travaille avec de nouveaux sons, je conçois aussi mes propres sons pour qu’ils soient un peu plus adaptés à un style plus « profond », avec plus de basses. Les gens autour de moi me disent que ça ressemble à Disclosure mais j’ai vraiment envie de garder l’aspect mélodique dans mes chansons. En parlant d’Avicii, je veux moi aussi être très polyvalent et ouvert à un grand marché. Je veux jouer ma musique pour quelqu’un qui est plus âgé ou plus jeune. Donc je me concentre sur une musique que j’aime personnellement, mais que je peux aussi montrer à tout le monde dans la rue et espérer qu’ils ressentent la même chose. Fondamentalement, beaucoup de sons deep, mais toujours avec une mélodie enracinée qui fait qu’on peut chanter mes morceaux facilement.

LD : Qu’en est-il d’autres influences musicales telles que le rap ? Je pense à un remix que tu as fait avec Ain’t No Love intitulé « Love me Lots ». 

B&L : Je suis probablement le mec qui a une connaissance du hip-hop la plus restreinte des gens que je connais. La raison pour laquelle j’ai fait ce remix est que le producteur de Ain’t No Love est l’une des premières personnes que j’ai rencontrées à Montréal. Il m’a appris à peu près tout ce que je connais en matière de production. C’est un ami, un mentor, un mec vraiment bien. Bref, il avait commencé à bosser sur un projet parallèle avec Ain’t No Love et avait besoin de quelqu’un pour faire un remix. Il m’en a parlé et j’ai accepté direct. Je ne sais pas si c’est vraiment comme ça qu’il l’avait prévu, mais j’ai gratté l’instrumentale et le chant tout en changeant complètement la dynamique de la chanson et ça a plutôt bien marché. Pour moi comme pour eux.

LD : Et maintenant, il a plus de 1 000 000 vues sur Youtube…

B&L : Ce qui est complètement barge ! (rires). Quand je travaillais sur ce morceau, j’étais encore à Molson, une résidence universitaire de McGill. Je travaillais dessus dans ma chambre,  sans doute en train de réveiller tout l’étage. Et puis, quand je l’ai mis sur internet j’étais vraiment content car il y a eu 1000 lectures en moins d’une semaine. Après ça, certains blogs l’ont utilisé, l’effet domino a commencé et la magie a opéré. Je ne peux toujours pas le croire.

LD : Question plus pratique, comment gères-tu ton temps entre ta vie de DJ et ta vie d’étudiant ?

B&L : Je ne le fais pas. (rires). C’est dur. C’est pourquoi je suis un peu dans un « vide musical » en ce moment car j’essaie de savoir ce que je veux faire avec mes études et ma carrière. À un moment, l’année dernière, j’ai même pensé à arrêter McGill pour devenir producteur ou peut-être aller à Concordia trouver une sorte de programme en technologie de la musique. J’ai pesé le pour et le contre, j’ai calculé les coûts des différentes opportunités et je me suis dit que c’était une mauvaise idée d’abandonner à cet âge alors que je suis à la moitié de mon diplôme. Je me suis dit que j’allais assurer mon baccalauréat puis voir où le vent me mènerait. Mais bon, la gestion du temps n’est pas mon point fort. Je crois que je fais trop la fête et que je n’étudie pas assez…

LD : Tes projets d’avenir ?

B&L : Eh bien, comme je l’ai dit, je suis un peu en baisse en ce qui concerne la production. J’ai deux chansons sur lesquelles je travaille en ce moment  qui devraient pas mal marcher. L’une d’elles est une reprise de The Cure. C’est comme une interprétation EDM de leur chanson. Elles devraient sortir d’ici trois ou quatre mois. En attendant, je vais probablement faire des représentations à Montréal et à Toronto.

LD : J’allais oublier, Bridge & Law, ça sort d’où ?

B&L : On me pose toujours la question. En réalité, ce nom ne détient aucune valeur symbolique réelle. En gros, au lycée, mon ami Spencer et moi-même avons commencé un duo DJ/production et ce nom vient d’un raccourcis du nom de ses parents… Par la suite, on a réalisé qu’il ressemblait un peu à un blaze deep house prétentieux. Quand Spencer est parti, j’ai choisi de garder le nom parce qu’il s’était déjà fait une petite réputation. De plus, je préfère être reconnu comme un musicien et passer moins de temps à trouver une définition philosophique clichée de ce que ma musique représente.

 

Le questionnaire du Délit

Ton mot préféré : Catastrophe. Même si je ne veux pas que ça soit lié à ma musique de quelque manière que ce soit (rires), mais je dois dire que l’accent roule bien sous la langue. C’est un mot cool.

Un mot que tu détestes : Bouillie

Un son que tu aimes : J’adore le son d’une alarme qui sonne dans une grande salle. Je l’utilise dans mes chansons. Crescendo et decrescendo, pas de discrimination.

Un son que tu détestes : La corne de brume.

Ton juron préféré : Tabernacle ! Juste pour dire une chose en français dans toute cette entrevue ! (rires).

Ta drogue préférée : La tise ! (ndlr l’alcool)

Si Dieu existe, qu’aimerais-tu qu’il dise après ta mort : J’approuve et soutiens Bridge & Law.


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