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Après la pluie…

Un « avant-après » qui laisse entrevoir le futur

On a vu ce concept de l’«avant-après » mille et une fois. Pour rendre compte de kilos perdus, de maisons rénovées ou de visages qui rajeunissent. Mais pour afficher les effets d’un désastre naturel, l’idée sort un peu plus du lot.
Dans l’exposition « La mémoire de l’eau » signée par Michel Huneault, le photographe documentaire indépendant s’est appuyé sur l’impact instantané du style « avant-après » pour montrer les effets de l’inondation à Venise-en-Québec. Le désastre, qui a eu lieu au printemps 2011 lorsque la rivière Richelieu et le lac Champlain sont sortis de leur lit, a été pour beaucoup l’évidence de la fragilité de notre milieu face au réchauffement climatique. Dans l’exposition, présentée jusqu’au 5 février à la Maison du développement durable, Huneault montre en une série de tableaux les effets de l’inondation.
Pourtant, le photographe n’a pas voulu exhiber les conséquences du désastre, mais a plutôt cherché à préserver l’intimité des gens qu’il a rencontrés. On ne voit donc pas les effets insidieux de l’eau qui a pourri les sous-sols, détruit des fondations et bouleversé des vies. Les photos de Michel Huneault montrent, de manière très simple, très sobre, un « pendant » et un « après » les inondations qui ont forcé 1 000 personnes à considérer la relocalisation. Il veut décrire une situation en laissant supposer les conséquences. Son travail passe par l’évocation de la splendeur de la région pour sous-entendre pourquoi certains résidents se sont battus pour rester sur place.

Images frappantes de l’ordinaire
Sur chaque tableau, deux photographies. L’image de gauche est une photo de différents éléments pendant les inondations (un bateau qui navigue dans une rue, une borne-fontaine au trois-quarts submergée, un petit chalet dont on ne voit que le toit). L’image de droite, elle, est un cliché banal du quotidien lorsque la vie est revenue à la normale à l’été et lors de l’automne 2011 : des rues, des bancs de parc, des maisons. Indépendantes l’une de l’autre, les photos ne sont pas particulièrement frappantes. Mais c’est leur cohabitation qui fait passer un message.
Le plus intéressant dans cette histoire c’est que le projet personnel de Michel Huneault se voulait sans envergure. Pourtant, les réactions sont allées au-delà des attentes du photographe. Il s’est rendu compte que son travail suscitait un grand intérêt : celui de voir de manière concrète les effets des changements climatiques.

L’art comme « arme »
Quand on y regarde de plus près, l’exposition de Michel Huneault n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg de l’art comme outil de sensibilisation. « L’art
devrait servir d’arme contre les menaces actuelles à la survie, comme les changements climatiques et les crises environnementales », explique Paul Shrivastava, chercheur de l’Université Concordia, pour qui l’art et le développement durable sont des sujets indissociables. Il a d’ailleurs cosigné un article dans la revue International Journal of Technology Management : « C’est par les récits, les histoires, la musique et les images que nos premiers ancêtres mettaient en garde leurs pairs contre les prédateurs et les catastrophes naturelles. L’art les aidait à acquérir des mécanismes de défense », insiste-t-il.
Le directeur du centre d’études David‑O’Brien sur la durabilité des entreprises croit que Montréal a le potentiel d’être à l’avant-garde dans le domaine de l’«art du développement durable ». D’ailleurs, Montréal et plusieurs grandes villes du monde comme Barcelone, Buenos Aires, Lille et Stockholm ont décrété la culture comme étant le 4e pilier du développement durable en novembre 2010. Depuis, le cas de la métropole québécoise est un exemple, et a été présenté comme tel lors du Colloque international culture et développement durable en novembre 2012 à Paris.

Même les Japonais sont Vénitiens
L’art montréalais rayonne si bien que même ce qui ne devait être qu’un projet personnel pour Michel Huneault a été apprécié à l’étranger. Après avoir pris ses photos à Venise-en-Québec, son travail de photographe indépendant l’a mené à Fukushima après le séisme et la catastrophe nucléaire de 2011. Au Japon, il a montré ses clichés de Venise-en-Québec. Devinez quoi ? Les gens se reconnaissaient dans le désastre du Richelieu. Comme quoi l’inquiétude suscitée par les changements climatiques est universelle et l’art peut rallier sous une même bannière ceux qui ne veulent pas voir ces bouleversements planétaires.


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