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Frontenac contre Goliath

Vous êtes-vous amusés cette fin de semaine d’Halloween ? De mon côté, après une courte soirée costumée sous le thème des clowns où le scotch a remplacé les bons vieux jujubes récoltés chez les voisins, et deux heures perdues à m’offusquer devant les dialogues insipides de Iron Man 2, l’apogée de ma fin de semaine a été de m’asseoir avec la toute nouvelle édition gratuite de Rue Frontenac.
Jeudi dernier, les employés en lock-out du Journal de Montréal ont donc lancé cette première publication papier, un poing de plus dans cette lutte qui dure maintenant depuis plus de vingt mois. La grande compagnie Quebecor, qui publie le « plus grand quotidien francophone en Amérique du Nord », avait décidé qu’il n’avait pas besoin d’autant de journalistes ou de photographes pour publier le Journal de Montréal.
La plume de ces locked-out n’est pas restée longtemps au chômage : ils créèrent rapidement le site Internet ruefrontenac​.com. Comme l’a écrit Michel David du Devoir dans un commentaire en réponse à un lecteur : « il est désolant de voir [qu’on veut nous] faire croire qu’on peut faire un “grand journal” avec les maigres effectifs que Quebecor voudrait maintenir. S’il faut absolument comparer avec la restauration, même un McDo a besoin d’un minimum de personnel pour fonctionner » (20 octobre 2010).
Cependant, ne nous martèle-t-on pas sans cesse que le journal papier est voué à sa perte, que l’avenir est dans le 2.0 ? Pourquoi Rue Frontenac a‑t-il décidé de faire ce pas que certains pourraient dire contre le sens de la marche ? Jean-Philippe Décarie, ancien rédacteur en chef du Journal de Montréal et rédacteur à Rue Frontenac, nous rappelle que les employés en lock-out sont des « gens issus du papier », que cet univers solide a été « leur quotidien pendant quinze, vingt, trente ans ». C’était donc un « retour aux sources ».
Monsieur Décarie explique que les responsables leur reprochaient leur « peu de flexibilité à aller vers le mode numérique », mais ce qui rebutait ces rédacteurs, c’était surtout de voir leurs textes « intégrés à Canoë, dans un tout commercial ». Une simple visite sur ruefrontenac​.com démontre bien que le web et le multimédia ne sont pas un réel obstacle à ces locked-out.
Enfin, Jean-Philippe Décarie précise que la version papier était aussi, bien sûr, un moyen de rentabiliser l’opération de Rue Frontenac. Les publicités web, c’est bien, mais ça ne nourrit pas toute une « salle d’une quarantaine de rédacteurs ». Avec son tirage à 75 000 exemplaires, Rue Frontenac fait maintenant partie des plus importants concurrents du Journal de Montréal. Quebecor, qui aurait « épargné 50 M$ en suspendant la rémunération de ses 253 employés durant deux ans, [et qui aurait réalisé] au bout du compte un profit net de 30 M$», n’a qu’à bien se tenir. David contre Goliath, la lutte n’est pas terminée. Et heureusement.
Lorsqu’un conglomérat médiatique tel que Quebecor décide qu’une information de « qualité » du « plus grand quotidien francophone » nécessite moins de mains que le 24 heures, que « les étudiants bon marché », ce bétail « plus docile et plus malléable », comme le dit Monsieur Décarie sans aucun cynisme, le journalisme est en voie d’extinction.
Heureusement, il existe encore des médias indépendants qui jugent nécessaire de marcher caillou dans le soulier et de refuser d’être des pantins. 

Vous pouvez trouver des exemplaires de Rue Frontenac à ces différents points proches du campus :
– Basha, coin Université et Sherbrooke,
– le dépanneur sur Milton entre Aylmer et Lorne,
– le Presse Café au coin de Milton et du Parc,
– le supermarché Metro sur avenue du Parc. 

***

Ne manquez pas les nombreuses activités organisées pour vous dans le cadre de la Semaine du journalisme étudiant. 

Notamment la table ronde « Percer dans le journalisme 2.0 » avec Florent Daudens, Gabrielle Duchaine, Anne-Marie Lecomte, Tristan Péloquin et Jozef Siroka. 

Programme complet de la Semaine du journalisme étudiant à McGill 


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