Jade Jasmin - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/j-jamsin/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 19 Mar 2024 19:13:46 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 Le Mont Analogue : épopée à l’Espace Go https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/le-mont-analogue-epopee-a-lespace-go/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55208 Une exploration interdisciplinaire du conte de René Daumal.

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Le Mont Analogue, spectacle faisant partie de la dernière programmation de Ginette Noiseux, était présentée à l’Espace Go – théâtre contemporain et féministe au coeur de Montréal, du 27 février au 10 mars.

Tirée du roman d’aventures alpines du français René Daumal, adaptée pour la scène par l’artiste et chorégraphe canadienne Wynn Holmes, cette pièce a su captiver le public par son mélange de danse, de musique et de théâtre, offrant une exploration envoûtante de thèmes philosophiques et mystiques.

Écrite entre 1939 et 1944, en pleine seconde guerre mondiale, l’histoire fictive raconte l’ascension du Mont Analogue, une montagne mythique et symbolique, censée être la plus haute au monde et ne pouvant être aperçue que par ceux prêts à la voir. Ce mont est inspiré par plusieurs montagnes sacrées de différentes mythologies comme le mont Kailash, le mont Fuji ou le mont Olympe ; et abriterait des animaux étranges et symboliques tels que les griffons ou les sphynx. La gravir constituerait un voyage initiatique, capable de nous transformer spirituellement.

La pièce de théâtre se déroule trois mois après la publication d’un article sur le Mont Analogue dans la Revue des Fossiles. Malgré la difficulté de son ascension, les écrits suggèrent que son escalade révélera les secrets spirituels les plus profonds de l’humanité. Motivés par cette promesse ou par l’envie d’éprouver le mythe, une équipe hétéroclite d’alpinistes, composée de scientifiques, de linguistes et d’artistes, se lance dans une expédition vers cette montagne légendaire à bord du navire L’Impossible. Situé quelque part au coeur du Pacifique, le Mont Analogue est invisible, caché derrière une coque d’espace courbe – un phénomène physique inventé qui courbe l’espace autour du Mont Analogue pour le rendre invisible à tous ceux qui ne sont pas conscients de sa présence. Cependant, le soleil crée à son lever et son coucher l’ouverture d’un passage, grâce auxquels le groupe va pouvoir entrer.

Pour atteindre leur objectif d’ascension de la montagne, les membres de l’équipage doivent se défaire de leurs
doutes et idées préconçues pour se laisser guider par leur intuition et leur imagination. Cette quête vers le sommet mystérieux promet une aventure poétique dont la magie peut nous rappeler les mondes imaginaires de l’enfance.

Cette production est le fruit d’une collaboration entre BOP Ballet Opéra Pantomime, LFDT Lo-Fi Dance Theory – une troupe de danse performative – et Espace Go. La pièce est à la croisée de plusieurs disciplines artistiques, offrant une expérience immersive où musique, danse et théâtre s’entremêlent pour créer un univers captivant. La direction artistique est prodigieuse, les jeux de lumière et d’ombre permettent au public de vivre pleinement avec les personnages ce voyage initiatique. Au vu de l’ovation debout qui a salué le spectacle, le Mont Analogue a été chaleureusement accueilli par le public. Ce qui rend ce spectacle émouvant c’est avant tout le portrait très juste
qu’il fait de notre relation à l’absolu, et la manière dont cela impacte nos relations interpersonnelles. Les relations se font et se défont au cours du périple, ce qui pose les questions de la place des quêtes individuelles au sein d’un groupe ou plus largement de la nature humaine confrontée aux mystères de l’univers et de la conscience. À travers cette exploration théâtrale, Wynn Holmes et son équipe ont réussi à capturer l’essence du roman de René Daumal. Ils ont offert au public une expérience artistique inoubliable, témoignant du pouvoir de l’art pour éveiller nos questionnements existentiels et notre imagination.

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Une pyramide au cœur de Montréal https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/une-pyramide-au-coeur-de-montreal/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55046 Visite de l’Horizon de Khéops au Centre des sciences de Montréal.

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Depuis le 16 février, le centre des Sciences de Montréal, musée scientifique, est devenu le théâtre d’une aventure hors du commun. l’Horizon de Khéops, une expérience de réalité virtuelle conçue par Excurio, branche d’Emissive, une société française spécialisée dans la production de réalité virtuelle, invite ses participants à s’immerger dans l’Égypte antique et à découvrir la majestueuse pyramide de Khéops.

Dès le début de l’expérience, les visiteurs sont transportés dans un monde où la magie de l’ancienne Égypte prend vie sous leurs yeux. Une égyptologue maladroite, Mona – acronyme d’Amon, une des principales divinités du panthéon égyptien – nous guide sur plusieurs centaines de mètres afin de nous faire découvrir les secrets de la dernière merveille du monde antique. C’est une expérience absolument extraordinaire, avec des décors précis et fidèles qui nous font presque oublier qu’il s’agit d’une expérience de réalité virtuelle. La visite de l’exposition 10 culture n’a duré que 45 minutes pourtant nous avions tous l’impression d’avoir fait un grand voyage, d’avoir vécu quelque chose d’incroyable. Nous sommes sortis de l’exposition émerveillés, en se disant qu’il fallait absolument faire une visite en Égypte pour retrouver l’essence de ce que nous venions de vivre.

Derrière cette réalisation technologique et artistique, deux ans de production et près de six mois de pré-production ont été nécessaires afin de se familiariser pleinement avec la culture et de concevoir un projet scénaristique et une direction artistique qui répondent à l’ambition du projet. Pour rendre l’expérience la plus complète possible, Excurio a réuni pour ce projet une équipe pluridisciplinaire, composée de graphistes spécialisés dans l’environnement, de programmeurs et d’experts en scénario et direction artistique, qui ont travaillé ensemble pour créer cette expérience immersive et authentique. Beaucoup de travail a également été fait afin de guider correctement le spectateur dans l’espace, à l’aide du son, des images, et de la lumière. En effet, cette véritable recherche sur les sensations permet de rendre le parcours le plus réaliste possible.

L’aspect éducatif de l’Horizon de Khéops est également notable. Toutes les reconstitutions de la pyramide antique et du plateau de Gizeh ont été réalisées après des recherches approfondies. Les informations présentées ont été validées par des experts en archéologie, tout comme les personnages, leurs habits ou le fond sonore du Caire. La collaboration avec Peter de Manuelian, archéologue et professeur à Harvard, a été cruciale dans le développement de ce projet : « Il fournit beaucoup de documentations et nous réfléchissons et soumettons des idées pour arriver à créer un scénario », nous explique Fabien Barati. « On crée la pyramide, les temples, les personnages, et on lui soumet les visuels. S’ensuit beaucoup d’aller-retours pour valider les différents éléments ». Il s’agit ainsi d’un véritable parcours didactique qui permet d’en savoir plus sur les traditions et la culture de l’Égypte antique.

Le succès de l’exposition ne se limite pas à Montréal. L’Horizon de Khéops est également disponible en France, à Londres et en Chine. À chaque étape, des améliorations sont apportées, comme l’ajout de langues pour rendre l’expérience plus accessible.

Selon Fabien Barati, l’Horizon de Khéops , ce n’est que le début. « Les technologies immersives vont continuer à se développer et continuer de partager la culture de manière de plus en plus efficace et engageante grâce aux développement des nouvelles technologies. » Il semblerait donc que nous puissions nous attendre à voir ce format se démocratiser dans le futur, nous offrant de nouvelles perspectives pour l’exploration du patrimoine culturel mondial.

L’exposition l’Horizon de Khéops est disponible jusqu’au 31 mai au 2 rue de la Commune Ouest. Les places sont limitées.

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Identité et tragédie collective https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/identite-et-tragedie-collective/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55097 Critique de la pièce Because of The Mud.

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La pièce Because of The Mud, présentée au théâtre La Chapelle du 19 au 22 février, raconte l’histoire de quatre trembles, un type de peuplier, faisant partie du même petit bois. Leurs identités se confondent dans ce bosquet commun et elles portent toutes le même prénom : Roberta. À leurs côtés, deux roches : l’une en granit et l’autre en quartz. Ils vivent tous sous une pluie incessante, symbole des conséquences du changement climatique. Cette mise en scène, orchestrée par le chorégraphe Nate Yaffe, marque la première représentation du texte éponyme écrit par Corinne Donly. La pièce est jouée en anglais avec des sous-titres français.

L’idée au coeur de la représentation est belle et originale. Le scénario pose des questions cruciales sur la manière dont les identités se fondent lors de catastrophes qui touchent tout un groupe, et la difficulté d’exprimer son besoin de se singulariser dans ce contexte. La pièce touche à des sujets très actuels, qui font échos à la crise climatique comme à de nombreuses tragédies collectives. Le choix de la métaphore du bosquet et des roches qui dépérissent sous la pluie incessante est très poétique et imagé.

Cependant, j’ai trouvé que certains éléments intéressants manquaient parfois quelque peu de développement, qui aurait été nécessaire afin d’avoir l’impact désiré. Par exemple, à la fin de la pièce, l’un des trembles choisit de s’appeler Robert plutôt que Roberta. Je pense qu’il est très intéressant d’avoir voulu aborder le sujet de la transidentité mais que la pièce aurait gagné à développer un peu plus là-dessus. Le discours de Robert sur son mal être de faire partie des Robertas était un peu trop général. Ce mal-être s’est perdu dans celui de toutes les Robertas, accablées de faire partie d’un bosquet qui dépérit sous la pluie, sans pouvoir exprimer leurs identités individuelles. J’ai parfois eu l’impression que la pièce essayait de dire trop de choses en trop peu de temps.La force de certaines propositions était atténuée par leur juxtaposition avec d’autres idées fortes, ce qui faisait que certains sujets pouvaient parfois sembler être amenés maladroitement.

De plus, bien que les acteurs portaient le texte avec un enthousiasme certain, j’ai trouvé que leur jeu sonnait parfois un peu faux. Leur ton et leurs expressions m’ont semblé parfois un peu exagérés, dans un style qui aurait pu tout à fait convenir à un public jeunesse, mais qui apparaissait surjoué pour le public adulte qu’il veut cibler. J’ai trouvé que le manque d’authenticité et de sincérité des personnages rendait assez difficile la tâche de s’attacher à eux, ce qui empêche de ressentir pleinement les enjeux du texte. De plus, certaines blagues manquaient un peu de subtilité et étaient un peu convenues. Quelques spectateurs riaient, mais ce n’est définitivement pas le genre d’humour qui pourrait plaire à tout le monde.

En revanche, la direction artistique était remarquable. L’obscurité constante, interrompue par de brèves éclaircies, plonge les spectateurs dans le même désespoir que les protagonistes qui attendent et espèrent l’arrivée du soleil. Au centre de la salle coule un filet d’eau incessant qui rend l’atmosphère humide.

Si certains acteurs manquent parfois un peu de justesse, ils compensent largement par leur corporalité. Leur manière de danser et d’occuper l’espace est des plus intéressantes. Alexis O’Hara a fait une belle prestation musicale sur scène, très particulière et appropriée à la pièce.

Certains éléments étaient très touchants. La relation entre la Roberta plus âgée et la Roberta plus jeune reflétait bien l’écart intergénérationnel qu’il peut parfois y avoir entre une mère et sa fille. Il y avait beaucoup de justesse dans la représentation de cette relation, avec ses silences, ses paroles, son manque de compréhension mutuelle et sa culpabilité. C’était une facette très juste et sincère, qui fut pour moi la lumière de la pièce.

Because of The Mud possède tous les éléments d’une bonne pièce de théâtre. Bien que j’aie regretté le manque de développement sur certains aspects, la pièce a su aborder un sujet profond et actuel de manière très originale, et l’exploiter avec une direction artistique qui lui a rendu honneur.

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Le pouvoir du silence au théâtre https://www.delitfrancais.com/2023/10/25/le-pouvoir-du-silence-au-theatre/ Wed, 25 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52983 La pièce corde. raide de debbie tucker green : l’enjeu des nouveaux espaces aseptisés.

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« On n’est pas là pour moi », déclare Trois, protagoniste de corde. raide de debbie tucker green, présentée à l’Espace Go. Cette dystopie met en lumière des questions d’actualité sur le modèle d’une société néolibérale négligeant les minorités. C’est une pièce marquante de par la justesse des enjeux qu’elle défend, bien que certains éléments nuisent un peu à la puissance de son message.

Des personnages en minuscule

L’autrice debbie tucker green a écrit la pièce de théâtre corde. raide en 2015. Son pseudonyme, debbie tucker green, est en caractères minuscules, pour faire référence à bell hooks, une militante américaine ayant théorisé le black feminism. Comme elle, debbie choisit de le calligraphier ainsi dans l’objectif de faire passer « la substance du livre » avant sa propre identité. La pièce semble suivre la même idée. En effet, elle désigne ses personnages « en minuscule », en ne nous donnant pas assez d’éléments sur eux pour que l’on puisse s’y attacher suffisamment. On sait très peu de choses sur les personnages (ils
sont appelés Une, Deux et Trois) et les dialogues très brefs ne nous permettent pas d’en apprendre davantage sur leurs caractères. Le décor est également très simple : quatre chaises et une fontaine à eau. Cela laisse toute la place au message véhiculé par la pièce.

Mettre en scène un traumatisme

La pièce se déroule dans un futur proche. Trois (Stephie Mazunya), le personnage principal, est une femme qui a subi une agression violente. Elle doit choisir la façon dont va mourir son agresseur. La nature de l’agression n’est jamais dévoilée dans la pièce. Trois n’est pas accompagnée de proches pour prendre sa décision, elle est plutôt entourée de deux fonctionnaires maladroits, qui tentent de la mettre à l’aise, en suivant le protocole qui leur a été enseigné. Leur empathie aseptisée offre peu de soutien à la femme, qui échangera le moins possible avec eux. Les fonctionnaires ne sont là que pour connaître la décision de Trois. Comme eux, on attend sa réponse durant l’heure et demie que dure la représentation.

La construction de la pièce rappelle beaucoup l’état dissociatif qui peut succéder à un traumatisme : un moment de latence un peu hors du temps, qui ne s’inscrit dans aucun contexte. Les dialogues sont, la plupart du temps, très minimalistes, presque détachés de la réalité. Comme sous l’emprise d’une boucle, les mêmes sujets et les mêmes phrases sont souvent répétés, comme s’ils ne parvenaient pas à s’ancrer dans le réel et qu’il fallait les dire plusieurs fois pour qu’ils prennent leur sens.

« La subtilité de la pièce est donc ce silence de la protagoniste, ce manque d’explication sur sa situation, cette absence

de proximité avec elle »

Si la mise en scène est très réussie et parvient bien à rendre compte des enjeux du texte, le jeu de l’actrice principale peut parfois manquer un peu de puissance et de sincérité. La scène où elle explose enfin et raconte à Une et Deux la réalité de son quotidien depuis son agression n’a peut-être pas été portée aussi loin qu’elle aurait pu l’être. Cela se comprend, car c’est un rôle difficile, qui demande de garder une intensité constante. Malheureusement, dans une pièce aux décors et aux dialogues relativement épurés, la performance n’était pas toujours suffisante pour habiter l’espace.

Des réalités décalées

Il y a un grand décalage entre la gravité de la situation de Trois et les préoccupations futiles des deux fonctionnaires (remplir les verres d’eau ou accrocher le manteau au porte-manteau). Il y a beaucoup de pudeur et de retenue autour de son traumatisme, une sorte de tension qui n’explose jamais – même lorsqu’elle s’énerve, elle semble toujours garder contenance. Son drame contraste avec le bruit qu’il y a autour. Chaque bruit trop fort résonne dans la salle et semble provoquer un retour en arrière, symbolisé par un jeu de lumières, qui ramène Trois au moment de l’agression. Les deux agents, inconfortables devant le silence
de la protagoniste, semblent vouloir le meubler à tout prix. Ils lui posent de nombreuses questions, et leurs déplacements dans la salle s’accompagnent du bruit des claquettes qu’ils portent à leurs pieds. Si cela permet d’apporter une note comique à une pièce à l’atmosphère autrement très tendue, cela marque également leur incapacité à répondre de manière appropriée à la souffrance de la protagoniste. Les deux fonctionnaires ne semblent pas comprendre Trois. En effet, à la douleur de son agression, s’ajoutent des micro-agressions dues à son genre et à sa couleur de peau, que les deux fonctionnaires n’ont jamais vécues. L’écart entre le protocole qu’ils doivent mettre en application et le support dont a besoin la protagoniste nous montre l’incapacité de nos institutions à considérer les réalités auxquelles font face les minorités.

Le message de la pièce se trouve dans le silence et la retenue. À cause des micro-agressions subies par le personnage principal et l’incapacité du système à offrir des services adaptés aux minorités, Trois n’a pas d’espace où parler et où se montrer vulnérable. La subtilité de la pièce est donc ce silence de la protagoniste, ce manque d’explication sur sa situation, cette absence de proximité avec elle. Est-ce que la société aseptisée que nous sommes en train de développer peut vraiment répondre aux besoins humains fondamentaux?

« À une période où l’on réfléchit beaucoup sur la reconstruction de notre société, c’est une pièce nécessaire, car elle aborde des problématiques intrinsèques à ces changements. »

À travers un texte puissant, debbie tucker green nous fait prendre conscience de la nécessité de réévaluer nos institutions sociales, pour qu’elles correspondent davantage à nos réalités plurielles. À une période où l’on réfléchit beaucoup sur la reconstruction de notre société, c’est une pièce nécessaire, car elle aborde des problématiques intrinsèques à ces changements.

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Un verre à la grande beauté des femmes https://www.delitfrancais.com/2023/09/13/un-verre-a-la-grande-beaute-des-femmes/ Wed, 13 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51987 Le solo brillant de Guylaine Tremblay dans Les étés souterrains.

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C’est dans l’ambiance intimiste de la salle de la Grande Licorne, au théâtre La Licorne, que Guylaine Tremblay nous livre un solo bouleversant. Elle y incarne une professeure de littérature à Montréal, chez qui une maladie dégénérative va progressivement altérer les capacités physiques et mentales. Deux moments de sa vie se répondent tout au long de la pièce : ses étés en Provence qu’elle passe accompagnée de ses amis, et sa solitude dans un centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD).

Une pièce qui se joue sur deux tableaux

La pièce dure 1h40 sans entracte. Le décor est minimaliste : une table, des oranges, des fleurs et un écran. Une toile presque vierge qui laisse toute la place à l’actrice pour nous faire passer des cigales de la Provence au silence du CHSLD. Le jeu de contraste des lumières oranges et bleues nous accompagne également dans les transitions entre ces deux moments de vie. Le texte a été conçu spécifiquement pour l’actrice par Steve Gagnon. Il y dépeint une « femme rare » à laquelle peuvent s’identifier toutes les femmes. C’est un personnage extrêmement vivant, on s’attache à son caractère franc et plein d’humour. Elle prend de la place, danse la salsa, exprime à voix haute ses opinions. Féministe, elle n’hésite pas à traiter ses amis de misogynes s’ils n’ont pas un comportement approprié envers les femmes. Derrière son franc-parler, la protagoniste a une grande pudeur dans l’expression de son affection. C’est au CHSLD qu’elle se fait un devoir d’aller jusqu’au bout de ce qu’elle a vécu avec ses proches pour qu’il n’y ait « rien à regretter ». Elle parlera de son amour pour ceux qui l’entourent jusqu’à ce que la maladie la rende aphone. Ce qu’elle redoute dans sa maladie, c’est la dépendance aux autres, elle qui nous avoue ne jamais avoir appris à être fragile. Mais c’est cette vulnérabilité qui va lui permettre de s’ouvrir et d’exprimer son amour sincèrement. Le contraste entre les scènes se déroulant en Provence et celles qui se passent dans le CHSLD est ainsi d’autant plus marqué qu’il met en scène la protagoniste sous deux aspects opposés : d’un côté, son imperméabilité dans sa force joyeuse, de l’autre, sa sensibilité touchante lors de sa maladie.

Une véritable lettre d’amour aux autres et à la vie

C’est une pièce qui parle d’amour, et, en cette qualité, qui met en lumière les relations interpersonnelles qui entourent la protagoniste. On est touchés par l’affection qu’elle porte à sa fille, alors que la protagoniste nous confie qu’elle a été dure avec elle afin qu’elle ne soit pas « une victime ». Elle parle de leur décalage dans leurs façons différentes de voir la vie, puis de leur éloignement. Pourtant, au CHSLD, les fleurs de sa fille sont les seules qu’elle accepte dans sa chambre, et quand elle évoque son absence dans son monologue, c’est pour dire qu’elles s’aiment « de la bonne manière ».

On y parle aussi de sa relation avec ses amis, qu’elle part rejoindre chaque été, de l’affection qu’ils se portent malgré leurs désaccords et l’évolution de leurs relations. Enfin, on y voit son amour pour Arthur, son compagnon. Elle qui a eu tant de mal à se montrer vulnérable dans sa relation avec lui — c’est le dernier à qui elle annonce sa maladie — elle exprime au CHSLD toute la tendresse qu’elle lui porte. Ses dernières paroles contemplent la beauté des moments qu’ils ont vécu ensemble.

« La lumière s’allume, Guylaine Tremblay commence à parler, et la magie s’opère »

Cette pièce participe à la mission du théâtre La Licorne, soit de créer un lien avec le public à travers un échange, de voir « l’autre comme révélateur de nous-même », tel que l’exprime le directeur artistique et général du théâtre, Philippe Lambert.

On le voit lors des soirs de représentation. La lumière s’allume, Guylaine Tremblay commence à parler, et la magie s’opère. La salle rit, la salle s’émeut. Un échange a lieu entre l’actrice et les spectateurs. En nous invitant à « continuer à parler fort », elle témoigne de la nécessité de prendre de la place, de ne pas se taire, car on « bâtit avec la parole ». Les étés souterrains est une pièce nécessaire dans son injonction à vivre.

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ChatGPT : une nouvelle façon d’apprendre? https://www.delitfrancais.com/2023/02/08/chatgpt-une-nouvelle-facon-dapprendre/ Wed, 08 Feb 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50750 L’intelligence artificielle prend de plus en plus de place dans le milieu éducatif.

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L’intelligence artificielle ChatGPT de OpenAI a révolutionné la manière dont nous interagissons avec
les ordinateurs. Formé sur des milliards de lignes de textes, ce modèle de traitement du langage peut générer du texte en réponse à des questions, fournir des informations précises et même effectuer des tâches complexes. Les élèves de l’Université McGill sont de plus en plus conscients des avantages que peut leur apporter l’utilisation de ChatGPT dans leur apprentissage. Grâce à sa capacité à comprendre le langage naturel, ChatGPT peut aider les élèves à clarifier leurs doutes, à approfondir leurs connaissances et à résoudre des problèmes de manière autonome. Cet article se concentre non seulement sur les bénéfices concrets que les élèves de McGill tirent de l’utilisation de ChatGPT dans leur apprentissage, mais également sur leur vision de l’avenir de l’utilisation de l’IA dans l’éducation et sur la place que cela prend dans leur vie quotidienne.

Le ton peut sembler un peu rigide, mais qui, en lisant cette introduction, devine que l’auteur n’est autre que l’intelligence artificielle ChatGPT elle-même?

Sortie le 30 novembre 2022, elle compte aujourd’hui plus de 100 millions d’utilisateurs actifs. Sa capacité à rédiger des textes quasi-instantanément et à accéder aisément à une vaste étendue de connaissances en fait un outil incroyablement performant et capable de répondre à la plupart de nos questions. L’IA peut produire en quelques secondes ce qui prend à un humain des heures.

C’est pour cette raison qu’elle est de plus en plus utilisée chez les étudiants. Cette popularité soulève de nombreux questionnements dans le milieu académique. On entend en effet de plus en plus de professeurs manifester leur crainte de ne plus pouvoir vérifier l’authenticité des devoirs de leurs élèves. Chat GPT Detector, une entreprise montréalaise permettant de vérifier si l’IA est l’autrice d’un texte, a même été développée dans l’objectif de répondre à ces inquiétudes. Cependant, certains tiennent un discours opposé : pourquoi se priver d’un outil aussi puissant quand on pourrait apprendre à bien s’en servir pour développer l’enseignement supérieur?

Plusieurs étudiants de différentes facultés de McGill ont accepté de témoigner de leur utilisation de ChatGPT, et ont été sondés sur les conséquences qu’ils entrevoient pour le système éducatif futur.

«ChatGPT pourrait nous offrir une nouvelle expérience d’apprentissage et de vulgarisation interactive»

Eglantine, étudiante à la Faculté des arts

Eglantine, étudiante de la Faculté des arts, a récemment découvert ChatGPT en jouant avec son frère. Elle estime que l’IA fournit des réponses trop simples qui ne correspondent pas aux standards des essais demandés par les professeurs de la Faculté des arts, et ne pourrait donc pas se substituer à ses rendus. Elle regrette cependant que les professeurs n’utilisent pas cette ressource comme outil dans l’apprentissage des étudiants. « ChatGPT pour- rait nous offrir une nouvelle expérience d’apprentissage et de vulgarisation interactive. »

Murad, étudiant à la Faculté de génie, a appris l’existence de ChatGPT peu après sa sortie en décembre dernier. C’est un événement qui a provoqué beaucoup d’enthousiasme dans les cercles de codeurs dont il fait partie. Il l’utilise très fréquemment dans son quotidien, pour ses travaux académiques comme pour ses activités extrascolaires. «Je l’utilise pour m’aider à répondre à des questions sur des sujets que je ne comprends pas bien à l’école, pour répondre à des mails. Je l’utilise même pour générer la description des évènements de l’Engineering Socials Committee. Cependant mon utilisation préférée – et la plus prometteuse – c’est sa capacité à générer du code. C’est absolument remarquable, les choses que cela peut créer en quelques secondes. L’IA peut faire un projet en quelques minutes qui aurait pris à une équipe des mois à finir. »

Il prend l’exemple d’un projet de groupe qu’il devait faire avec une équipe de 10 personnes. Son équipe a entré les consignes dans ChatGPT qui a commencé à générer le code qui était demandé. Il s’agit d’un devoir qui doit prendre à l’équipe un semestre à compléter. L’utilisation de l’IA fait l’objet de débats au sein du groupe.

«Certaines personnes dans l’équipe veulent faire le travail elles-mêmes, mais je ne suis pas d’accord. Pourquoi écrire du code quand il peut être généré pour vous? Les ingénieurs logiciels utilisent des outils qui leur facilitent la vie depuis des décennies. C’est les mêmes concepts de base, mais sous stéroïdes. »

ChatGPT est un outil extrêmement puissant, qui va probablement provoquer de nombreux changements dans notre façon de vivre, d’enseigner et d’apprendre. S’il y a définitivement un décalage dans la façon dont certains craignent cette innovation et l’aide immense qu’elle pourrait pourtant nous apporter, ce n’est, selon Murad, qu’une question de temps avant que l’outil soit intégré à l’apprentissage scolaire.

«Il faut juste que ça rentre dans les mœurs. Avant, les calculatrices n’étaient pas toujours bien acceptées en cours, mais elles le sont de plus en plus parce qu’on accepte qu’on vit dans un monde où les calculatrices sont accessibles à tout moment. L’IA va s’intégrer doucement dans la façon dont on enseigne et on apprend, et ça reflétera la façon dont ça va s’intégrer dans la société. »

En effet, comme le dit Murad, à mesure que l’IA s’intégrera à la société, elle risque de provoquer des changements importants dans la forme de l’enseignement et ses objectifs. Le doyen des étudiants Robin Beech, a envoyé un courriel aux McGillois pour leur inter- dire l’utilisation de ChatGPT dans leurs rendus. Comme il l’a souligné, l’IA est encore en processus d’amélioration et n’est pour l’instant pas en mesure de fournir des réponses fiables. Cependant, au vu de ses progrès rapides, on peut imaginer le potentiel d’évolution de ChatGPT, jusqu’à devenir un outil académique incontournable.

«Pourquoi écrire du code quand il peut être généré pour vous? Les ingénieurs logiciels utilisent des outils qui leur facilitent la vie depuis des décennies. C’est les mêmes concepts de base, mais sous stéroïdes »

Murad, étudiant à la Faculté de génie

Les écoles devront alors s’adapter et intégrer l’IA dans leurs programmes d’apprentissages pour que leurs enseignements continuent de correspondre au monde qui les entoure. Mais seront-elles en mesure de le faire? Bien qu’enrichi de nouveaux formats, le système scolaire n’a pas tant évolué depuis sa création. La capacité de ChatGPT à synthétiser une grande quantité d’informations renverse le rapport au savoir entre l’enseignant et l’élève. Face à des bouleversements aussi importants, on peut se demander si le système éducatif va réussir à s’adapter ou s’il s’agit d’une innovation de rupture qui va le forcer à se réinventer. Les inquiétudes qu’a soulevées la popularisation de l’IA est peut-être le symptôme d’un mal plus grand : le décalage qui existe entre la vitesse d’évolution des technologies et la difficulté des institutions qui se sont pérennisées aut-our de principes obsolètes à absorber ces changements.

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