Catherine Légaré - Le Délit Le seul journal francophone de l'Université McGill Thu, 18 Nov 2021 19:32:43 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 Délier la poésie (Partie 3) https://www.delitfrancais.com/2021/11/18/delier-la-poesie-partie-3/ Thu, 18 Nov 2021 19:29:06 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45618 Sélection de poèmes pour conclure la troisième édition du concours.

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Vous trouverez, dans les prochaines pages, les cinq textes finalistes de la troisième édition du concours de poésie organisé par Le Délit. Le·a gagnant·e sera annoncé·e lors de notre édition du 24 novembre et se méritera le recueil de poésie Les univers parallèles de Laurie Bédard, gracieusement offert par la librairie Alire.

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alexandre gontier

Anaël Bisson

Les baleines à brosses

Les algues dans ta trachée

te rappellent les arômes de ton enfance

te rappellent ton père

viscosité des souvenirs passés date

qui te collent à la peau comme le sable te colle aux pieds

Petite, il te disait de regarder par la fenêtre du wagon de métro

entre les traces laissées par tes doigts

pour mieux voir les tortues de mer 

qui peuplaient les souterrains imaginaires

de cette ville engloutie par vos eaux 

Tu ne savais pas qu’il noierait ton innocence

sous les rues de Montréal

que l’intérieur de tes poumons serait habillé de mousse verte     et de ménés grisâtres

que le fleuve s’infiltrerait                     dans ton corps à toi

par les crevasses qu’il tailladerait                 dans ses bras à lui

avec les mille et un fragments d’un seul corail 

Tu ne savais pas que les espèces marines de la ligne verte s’éteindraient

pour faire plus de place        aux fous qui errent sur les quais

   plus de place         à tes vomis de lendemain de veille

après avoir léché trop de sel sur tes poignets 

pour mieux te rappeler l’océan et oublier tout le reste

pour faire plus de place        à ses pulsions occasionnelles

d’apprendre à nager le crawl sous les rails

                à tous ses plongeons manqués 

                ses frousses soudaines du tremplin jaune

devant le regard blasé des opérateurs

qui savent qu’il n’aime pas la sensation de l’eau dans ses narines

    qu’il a peur de la décharge électrique

    que les gens comme lui ne sautent jamais

Depuis tes douze ans et trois quarts

tu te vantes d’avoir vu toutes les stations

comme si ça voulait dire autre chose

qu’aidez-moi-je-ne-vais-nulle-part

comme si tu ne connaissais pas comme seule étreinte

que celle du métal des tourniquets sur ton corps-calcaire

comme si la STM n’avait pas arraché le soleil à ta peau

comme si tu ne trouvais pas refuge dans la voix féminine 

qui bégaie code 904 sur la ligne orange

        on attend l’autorisation pour peut-être repartir mais

        ne t’impatiente pas

        de toute façon personne ne t’attends nulle part 

        code 904 sur la ligne orange

dans le creux de ton oreille

Quand tu remontes à la surface

tu prends les escaliers roulants 

tu laisses la voix des passants 

remplacer les bourrasques dans ta tête

Tu respires enfin 

et dans les rues bondées 

on te regarde comme si tu n’étais pas née 

d’un ricochet manqué        galet difforme

d’un french sans écume dans le parking du cinéma Imax

après un documentaire trop bleu sur les créatures abyssales

d’un interlude silencieux entre deux apnées de poudre

on te touche comme si tu n’étais pas née 

sous huit couches des sédiments        de moitiés d’hommes 

sous la pression de leurs jointures    sur les côtes de leurs femmes 

Stromatolithe 

conservée sous les couches de bouchons de lièges

de je-vous-salue-Marie chuchotés dans le placard    et d’éclats de verres old-fashioned 

moulée par les vibrations 

des cris et des tirs d’un fusil de chasse

on te parle comme si tu n’étais pas 

un grain de sable dans une palourde vide

une presque perle         qui ne brille pas 

Tu oublies que c’est avec des morceaux de ton corps

qu’ils ont fait l’île Sainte-Hélène

que c’est toi qui es crucifiée sur le Mont-royal

que les bateaux du Vieux-Port

baignent dans les larmes de ta mère

Le soir, dans ta chambre

tu tournes sans fin

en espérant que la force centrifuge

enlève l’eau dans tes poumons       

et la mette à tes pieds

comme la mer qui les lavait

du sang sur lesquels ils ont marchés

avant même qu’il ne coule

Ton corps est troué

tu le remplis de mauvais poèmes et de lait 

le vent siffle au travers

tu hurles par dessus

chuchote ce qu’il manque     au pli

de ton coude

le verre est toujours vide     tu le cales et tu coules

les îles qui s’y glissent

Dérivent entre tes seins

les absences qui élargissent tes hanches

Dorment en cuillère avec toi la nuit

tu ne sais plus habiter la ville

tu l’embrasses les yeux fermés

lui invente des passants recousus

pour qui tu n’as pas de visage

ça résonne au-dedans de toi

comme tous leurs silences d’ailleurs

et le sel 

remonte dans ta gorge.

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Délier la poésie (Partie 2) https://www.delitfrancais.com/2021/11/18/delier-la-poesie-partie-2/ Thu, 18 Nov 2021 19:25:41 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45616 Sélection de poèmes pour conclure la troisième édition du concours.

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Alexandre Gontier | Le Délit

Catherine Légaré

Le corps au calme

Tu penses 

comme tu respires

les grands airs salins

tu confonds un littoral avec ta mémoire

tu inventes des souvenirs

pour les hommes 

qui s’échouent près de tes cuisses

tes narines sont

des cavernes de cristal

où des noms résonnent en écho

un cri un SOS un appel à hier 

l’infini traverse ta poitrine

une route galeuse

qui mène aux versants marins 

c’est tout le fleuve qui coule entre tes jambes

tous les tremblements qui partent de ton corps

tout le monde qui s’abreuve à toi

la gorge au large tu hurles

et les albatros se reposent sur ta langue 

on fait des trésors de tes seins

des nénuphars de tes yeux

des pétales de tes lèvres

tu es observée au loin

une presqu’île aux mille légendes

ta bouche est un secret sur lequel je me repose

et j’ai un océan entier pour te bercer.

***

Pierre-Olivier Bergeron-Noël

Le fracas de tes ravages

Me cacher        vivre sous les ronces   

quand ta langue déverse sa rouille 

dans mes affres à vifs 

feu garroché

tempête de sable dans la gorge

tout tangue

tu aboies 

la sauvage calcification 

de tes douleurs aux ombres d’écueils 

l’asphyxie banalisée 

ton épieu 

plongé entre la glace et ton reflet 

*

tu nous décomposes

et la bile renaît 

sous la guillotine

entre les jours 

mon visage ondule 

près de ma carcasse étirée sur la rive

à l’odeur du soleil absent 

je goûte le fer de mes gémissements

la lente corrosion des scarabées

l’incendie attendu

ton étreinte comme des barbelés

tes crachats         

me trouent les viscères 

nos corps 

se brodent au mercure brûlant des heures 

qui passent sans retour 

*

la nuit dans mes rêves 

le fer de ta coque se déchire 

sur ta chair 

 j’en arrache les lamelles 

comme des lattes pourries 

tu hurles mais j’étouffe le fracas de tes ravages  

avec des planches 

et toute une artillerie de battements de cœur

que tu ne croyais plus jamais entendre 

de mon vivant 

***

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Délier la poésie (Partie 1) https://www.delitfrancais.com/2021/11/18/delier-la-poesie-4/ Thu, 18 Nov 2021 16:33:56 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45587 Sélection de poèmes pour conclure la troisième édition du concours.

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Angelina Guo

Tu ne sais plus habiter ton corps

le lieu : to burst

ton corps est troué

le vent siffle au travers

chuchote     ce qu’il manque au pli

de ton coude

les îles qui s’y glissent

les absences élargissent tes hanches

tu ne sais plus habiter la ville

lui inventes des passants recousus

ça résonne au-dedans de toi 

et le sel

remonte dans ta gorge

and bursts

into a hollow knot

tu ne sais plus habiter ton corps

sa surface qui s’épluche

ne sais même plus

de quand date ce vent

de quel équilibre

est faite ta tête

même les hommes

qui parcourent tes artères

se plaignent de tes failles

ton toucher osseux

chuchotent 

au creux de ton ventre

    j’entends la mer

    je n’y crois plus 

et tandis que ton coude

s’enroule

autour de leur faim

le lieu se dissipe

ton armure rétrécit

ne laissant sur le lit

qu’une pelure de pomme 

***

Amélie Ducharme

Presque là

sens-tu que 

je fonds sous 

la couette que 

je baigne dans 

ce chaud de  

5 heures 57 

mais il manque 

ton oreiller 

je sais t’habiter 

me sens-tu qui 

sors les doigts puis saisis ce petit toi 

appels récents 

favoris j’ai 

le choix 

de fermer 

les yeux 

et fondre 

allo? 

à deux pas mais  

me sens-tu 

presque là 

lève la couette et 

tends-moi  

l’oreiller

***

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