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Mâche-Mâche

Chronique d’un ventre en vrac.

Alexandre Gontier | Le Délit

Malheuresement, j’ai la nausée mais je ne suis pas permis de dire pourquoi. Le temps presse et vous avez faim. On connaît tous·tes, sur les réseaux sociaux, ces comptes très commandités qui partagent au moins une liste des « meilleurs restaurants de Montréal » par semaine. L’objectif de cet article est de proposer des recommandations plus crédibles et inattendues. Par conséquent, découvrez quelques suggestions de déjeuners incontournables, selon moi, et une liste des endroits bien gardés où l’on peut m’apercevoir caché en train de hurler, de dessiner et, ne l’oublions pas, de déjeuner.

Mon déjeuner préféré à Montréal se résume en peu de mots. Il doit être accessible n’importe quand et il est souvent spécifique. Mon choix de prédilection serait le bagel nature (sans graines de sésame) ou celui au romarin de chez Saint-Viateur (263 Rue Saint-Viateur O., Montréal, QC H2V 1Y1). À chaque fois que j’y vais, en pleine nuit le plus souvent, l’odeur et la texture élastique de la pâte entre les mains des boulanger·ère·s au travail me font oublier que le paiement ne se fait qu’en argent comptant. Ils ont un guichet automatique, mais les frais valent un bagel.

« On ne peut parler du Miami Deli sans mentionner le décor aquatico-floral, improbable, déconcertant et flamboyant »

Chez Miami Deli (3090 Rue Sherbrooke E., Montréal, QC H1W 1B5), ils ont de tout, et leur service 24h/24 avec des livreur·se·s de bonne humeur redonne le sourire. Cette enseigne est une alternative qui évite les innombrables frais additionnels des plateformes en ligne. Il faut y aller pour l’interminable menu et les desserts très copieux qui vous achèveront. On ne peut parler du Miami Deli sans mentionner son décor aquatico-floral, improbable, déconcertant et flamboyant.

Dans la même veine, on retrouve le plus silencieux Alto (3469 Avenue du Parc, Montréal, QC H2X 2H6), où le personnel vous fait vous sentir en famille. C’est très bon pour un prix très raisonnable, c’est ouvert même la nuit, et, là-bas aussi, le menu est très versatile.

Il y a aussi l’Orange Julep (7700 Boulevard Décarie, Montréal, QC H4P 2H4), dont l’installation en forme du fruit éponyme reste accessible et allumée jusqu’à 3 heures du matin. Le stationnement en soi est devenu un lieu de rassemblement pour les commerçant·e·s de Facebook Marketplace et autres insomniaques.

Enfin, un indispensable, et de renommée mondiale : Patati Patata (4177 Boulevard Saint-Laurent, Montréal, QC H2W 1Y7). Il est aussi appelé « friterie de luxe », et sa salle à manger ferme à 2 heures du matin. Il est presque trop bon pour les sorties de boîte de nuit. Essayez-le, mais mettez vos vêtements en quarantaine quand vous rentrez chez vous, sinon l’odeur embaumera votre logement (et vous ne voulez pas vivre dans une poutine).
Vous connaissez peut-être ces restaurants parce que la faim dévoile les secrets les mieux gardés. Mais vous ne connaissez pas mon favori ultime : la man’oushi du 3934 rue Saint-André. La boulangère y réside au troisième étage, et elle est très occupée. Elle essaie de maintenir le rythme de ses commandes tout en vivant sa tradition familiale. Une liste dans l’entrée de l’immeuble vous permettra de laisser votre commande et vos renseignements. Elle prend en général trois jours pour répondre, et parfois elle ne répond pas. Dans les deux cas, l’attente vaut le coup.

« Pour se sentir seul·e au monde et bien caché·e, à toute heure de la nuit, rendez-vous en haut de la tour Lévis sur l’île Sainte-Hélène »

Si je n’y suis pas, vous me retrouverez les poches remplies de gâteaux dans les passages clandestins en route vers mes endroits isolés favoris. La station Square Victoria-OACI sur la ligne orange vaut le détour. Elle donne accès à un passage ondulé entre la sortie du métro et le Centre de commerce mondial. Ce chemin souterrain est selon moi très agréable, l’éclairage jaunissant et l’impossibilité de voir l’autre bout du tunnel lorsqu’on y entre limitant le nombre de passant·e·s qui le fréquentent. Au-delà du passage se trouve un morceau du mur de Berlin et l’allée commerçante très peu empruntée du Centre de commerce mondial. Sa fontaine et l’acoustique des lieux permettent aux chanceux·ses qui s’y retrouvent de s’affranchir de la routine. L’accès est au croisement des rues Saint-Jacques et Saint-Pierre.

Pas loin, deux musées tout petits et inconnus sont propices à l’introspection. Découvrez l’insolite et minuscule Musée de la monnaie (129 rue Saint-Jacques). Il est rattaché à la Banque de Montréal. Le Musée de la douane à l’Agence des services frontaliers (400 Place d’Youville), passe inaperçu mais donne à ses visiteur·se·s de nuit l’impression d’être seul·e au musée, un peu comme dans le film.

Si vous continuez sur la place d’Youville, vers la rue de la Commune, il y a dans une ruelle en pierre entre deux imposants immeubles un tout petit café sans places assises qui sert de délicieuses crêpes… à vous de le découvrir, donner son nom serait trop facile.

Pour se sentir seul·e au monde et bien caché·e, à toute heure de la nuit, rendez-vous en haut de la tour Lévis sur l’île Sainte-Hélène. 170 marches à gravir pour une vue imprenable de Montréal et se percher dans les arbres. Une autre option dépaysante est la maison Nivard de Saint-Dizier à Verdun. Idéal pour faire passer les envies de vomir.

Cette nuit, je ne sais pas où je serai. J’attendrai celui ou celle qui se sera rendu·e à toutes ces adresses avant de lui demander : « Puis-je être ton dernier repas ? »


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