Aller au contenu

« Stagiaires précaires en colère ! »

Des étudiant·e·s de l’UQAM en grève pour de meilleures conditions de stage.

Béatrice Vallières | Le Délit

Le 25 octobre dernier, l’Association des étudiantes et des étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (ADEESE-UQAM) a diffusé un communiqué comportant une lettre signée par 1 100 de ses membres. Cette dernière déplore entre autres le manque de protection des stagiaires contre le harcèlement et la charge de travail inéquitable qui leur est imposée. Les étudiant·e·s de la Faculté d’éducation sont maintenant en grève depuis plus de deux semaines, manifestant chaque jeudi en scandant des slogans tel que « Un pas en avant, deux pas en arrière, c’est la politique du gouvernement ! » ou « Stagiaires précaires en colère ! », dans les rues de Montréal. Malgré l’énorme manque d’enseignant·e·s dans le système d’éducation québécois, le travail des stagiaires dans ce domaine n’est toujours pas, selon l’Association, reconnu à sa juste valeur. Le Délit a pu s’entretenir avec Danaë Simard, chargée des communications de l’ADEESE-UQAM et étudiante au baccalauréat en enseignement du français au secondaire.

« On a des enseignants déjà fatigués qui entrent dans des classes déjà surchargées »

Danaë Simard

Une protection insuffisante

« Souvent, le gouvernement et les institutions vont compter sur le fait que l’enseignement, c’est un métier de passion, c’est une vocation », regrette Danaë Simard, mettant en lumière la précarité non seulement financière, mais aussi psychologique vécue par beaucoup de stagiaires en enseignement. L’UQAM, en effet, n’a aucune politique sur la protection des stagiaires en dehors des murs de l’Université, souligne Simard. Les situations de harcèlement ou de surcharge de travail sont traitées au cas-par-cas. L’expérience de stage des stagiaires, alors, est complètement dépendante de leur superviseur et de leur enseignant associé, une situation qui est renforcée par le système de notation utilisé : « On est aussi évalués et jugés par rapport à notre comportement envers l’enseignant ou l’enseignante associé·e. […] Si, pour une raison quelconque, j’ai une condition particulière et que mon enseignant associé ne comprend pas ça et ne valide pas mon besoin, ma note de stage va être pénalisée », soutient Danaë Simard. Ces circonstances peuvent engendrer un épuisement important pour les stagiaires : « On a des enseignants déjà fatigués qui entrent dans des classes déjà surchargées. »

Des règlements contradictoires

En réalité, il y a bel et bien une protection légale pour les stagiaires en enseignement. Par exemple, la loi prévoit que les stagiaires ont droit à 10 jours d’absence par année, qui n’auraient pas nécessairement à être motivés. Par contre, le Bureau de la formation pratique (BFP) de l’UQAM exige la justification de chaque jour d’absence, ce qui n’est pas possible pour tous : « Si tu es un parent étudiant qui a un enfant qui a la gastro, vas-tu aller voir le médecin pour avoir un billet pour le montrer à ton enseignant associé ? Si tu as un problème de santé mentale, et que tu ne peux simplement pas sortir de chez toi ce jour-là, tu ne peux pas aller chercher un billet [médical, ndlr]. Si tu as un problème de santé chronique, tu ne peux pas non plus », affirme Danaë Simard. L’ADEESE veut étendre son mouvement en dehors des murs de l’UQAM. Toutefois, Danaë Simard admet qu’il y a certaines difficultés à cet égard. En effet, contrairement au combat pour la salarisation des stagiaires, qui est un combat de longue haleine, les demandes exigées par l’ADEESE sont très spécifiques à la situation de l’UQAM. Cependant, Danaë Simard encourage les autres universités à formuler leurs propres demandes et à se joindre à leur cause. Avec la collaboration des autres universités, dont McGill, cette mobilisation pourrait se transformer en réel mouvement de masse, et un vrai changement pourrait ainsi être atteint, soutient Danaë Simard. L’UQAM n’a pas répondu à la demande de commentaire du Délit.


Dans la même édition