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Le lac de nos craintes

Avec Falcon Lake, Charlotte Le Bon se lance dans la réalisation.

Marie Prince | Le Délit

Le Festival du nouveau cinéma (FNC) ne s’est pas trompé en ouvrant sa 51édition par une œuvre qui a fait partie de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier. Celle-ci est réalisée par Charlotte Le Bon, déjà connue pour sa carrière à l’écran d’une dizaine d’années, et pour la réalisation du court-métrage Judith Hôtel (2018). Cette année, le FNC a présenté une programmation entièrement en présentiel pour la première fois depuis trois ans, et l’excitation était à son comble au Cinéma Impérial le 5 octobre dernier. Cette première représentation a su prolonger l’été et réveiller une nostalgie chez ceux et celles qui sont familier·ère·s des lacs des Laurentides. Les rôles principaux sont joués par Joseph Engel, acteur français, qui paraît dans La Croisade (2021) et Sara Montpetit, connue pour son rôle dans l’adaptation de Sébastien Pilote de Maria Chapdelaine (2021).

L’histoire commence à l’arrivée de Bastien, jeune garçon français de 13 ans, et de sa famille au chalet d’une amie de sa mère, la mère de Chloé. Après une première rencontre houleuse, les deux adolescents développent une complicité qui change le cours de leur été. Chloé fait part à Bastien de la présence d’un fantôme qui hanterait le lac, ce qui le rend encore plus captivant et imprévisible. Bastien, le plus jeune, se retrouve attiré dans ces expériences nouvelles qui marquent la transition vers l’adolescence comme les premières amours et les premiers partys. Le Bon nous fait, à sa manière, le portrait de cet âge d’exploration et d’insouciance qui se situe entre l’enfance et l’adolescence. À travers sa caméra, elle a su capturer à la perfection ces moments de jeunesse où les pulsions sexuelles dominent et où les inquiétudes sont inexplicables. Équilibré par des silences bien orchestrés et accompagnés de bruits de la nature environnante, ce film offre même de la beauté à nos oreilles à travers la bande sonore qui nous enveloppe dans ce monde naïf et mélancolique.

« Le Bon fait le portrait de cet âge d’exploration et d’insouciance »

Entièrement tourné dans la nature québécoise, cette dernière s’impose dans l’œuvre comme un personnage important. Un autre personnage principal, inattendu, apparaît sous la forme du lac. Son rôle s’accentue d’autant plus que les deux jeunes ont des interactions ressenties et intimes avec celui-ci. C’est ce qu’on remarque lorsqu’ils y confessent leurs craintes et même les surmontent. 

Capturé en 16 mm, le film se caractérise par son grain, et le charme des couleurs captées, telles que les bleus et les contrastes de verts. Le jeu des acteurs est rendu remarquable en particulier grâce à la justesse et la vraisemblance de l’utilisation d’un langage habituellement parlé entre les jeunes de cet âge. En effet, s’ajoutent à l’histoire les origines différentes des personnages et donc d’une langue française qui nécessite d’être adaptée
dans les dialogues. Charlotte Le Bon a raconté dans une entrevue à Radio-Canada que, malgré le script, il y avait une place à l’improvisation et l’approbation des dialogues par les acteurs.

Ce long-métrage de Charlotte Le Bon se démarque par sa douceur et le souci du détail qui contribuent à distinguer son style. Jusqu’à la fin, elle prend le soin de nous léguer son univers enchanté et fascinant. C’est sa manière d’agencer, avec succès, tous les éléments d’une même scène qui parvient à émouvoir et donner
des frissons. Cette réalisatrice québécoise, qui a très bien su faire son entrée dans le monde cinématographique, est à garder à l’œil pour les années à venir.

Falcon Lake est en salle au cinéma depuis le 14 octobre. 


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