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The Apocalypse in Your Bedroom

Rêves d’un·e enfant queer.

Caroline Hayeur

James Knott nous dévoile sa pièce de théâtre The Apocalypse In Your Bedroom derrière un drap blanc, assis·e sur une chaise ; sa petite lampe, que l’on retrouve tout le long, projette l’ombre de ses doigts qui claquent au rythme d’une musique écrite et interprétée par l’artiste. Une vidéo commence ; dès les premières secondes on comprend que le voyage va être singulier et fascinant.

Allongé·e devant nous sur des cubes blancs qui lui servent de lit, et de bien d’autres choses, James nous donne accès à iel-même, comme si nous étions dans sa chambre. La vidéo nous plonge dans ses rêves, dans ses terreurs et ses fantaisies ; « who am I or what am I ?», les questions résonnent et nous submergent, nous sommes ensemble rattrapé·e·s par les inquiétudes du passé.

La pièce touche à cette nostalgie des adolescences queer, qui vont à l’encontre des modèles dominants. Elle raconte la solitude de James, incarnée par une mouche sortie tout droit de son imagination. Elle lui sert de compagnon de sommeil, elle initie la conversation, elle est la seule à connaître ce que James ne peut avouer à personne.

S’ensuit une série de saynètes, comme des rêves fous, déchaînés, des performances ancrées dans le camp, cette expression anglaise difficile à définir qui souligne l’artificialité des codes, notamment de ceux du genre. Le corps est mis en avant avec l’observation de ses traits, de sa forme et il est mis en scène habillé, dénudé, le visage maquillé. La projection nous montre une secrétaire, des génies : le genre est performatif, il devient un art, celui de se déguiser, d’enfiler un costume pour exprimer une pensée. Le tout est entrecoupé de scènes de dessins animés. James est le reflet de la méchante reine dans Blanche Neige, cette femme codée queer, codée camp ; James est Blanche Neige, iel se penche dans le puits, appelle quelqu’un. Qui pourrait comprendre son malaise ?

Iel nous replonge complètement dans son enfance ; nous avons accès à son histoire, sa pièce est personnelle, emplie de photos de famille, et du souvenir de tout ce qui participe à la construction de soi, de l’identité. James regarde son passé et nous le partage, nous hochons la tête, nous comprenons son mal-être. Cette mélancolie est chantée à travers de multiples mélodies renforçant le côté joyeux et dramatique de la pièce, elles font de sa nuit une comédie musicale parsemée de désirs utopiques. Elles nous accompagnent pendant une heure, tout le long d’une réprésentation dans laquelle nous entrons avec envie, et d’où nous ressortons satisfait·e·s, nos attentes assouvies par cet humour queer bienveillant.

Quelques minutes avant la fin, un écran noir apparait ; on y lit un clin d’œil : « For the gaybies and the babies. Queers with fears. For smiles and for tears, my dears », (Pour les gaybies et les bébés. Les queer qui ont peur. Pour les sourires et les pleurs, mes cher·ère·s, tdlr). Je me tourne vers mon amie, on se sourit et je crois que quelque chose a changé. Un jour on parlera de nos histoires, on rira de notre enfance, du rêve de cette vie interdite. Ce soir, on s’identifie à celle d’un·e autre, heureuses d’être queer, entourées et comprises.

La thèse de The Apocalypse In Your Bedroom est à retrouver sur le site knottart​.com. The Apocalyse In Your Bedroom a été présenté dans le cadre du Festival Phénomena, qui se poursuit jusqu’au 21 octobre prochain, avec les spectacles Mixtape le 19 octobre, Cabaret Dalida sans Dalida le 20 octobre, et Music Sensation (Battle Waacking) le 21 octobre.


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