Aller au contenu

Une gommette sous un bleuet

Le Délit rencontre Catherine Côté, photographe culinaire.

Catherine Côté

Catherine Côté est photographe culinaire et réalise notamment des projets pour des producteur·ice·s alimentaires, des chefs, des restaurants et des livres de recettes. Le Délit l’a rencontrée afin de discuter de sa pratique artistique et du processus de création derrière les projets de photographie culinaire. 

Le Délit (LD) : Parlez-nous un peu de votre parcours. Pourquoi êtes-vous devenue photographe culinaire ?

Catherine Côté (CC) : J’ai étudié en Intégration multimédias au Cégep de Sainte-Foy, puis j’ai débuté mon parcours professionnel en tant que développeuse web. J’ai fait de la programmation de sites Internet pendant environ sept ou huit ans et en travaillant pour trois agences publicitaires. Ensuite, j’ai commencé à développer un intérêt pour la photo de nourriture ; ça a débuté par des soupers entre ami·e·s, où je prenais en photos des plats et partageais des recettes. Puis à un certain moment, comme je savais créer des sites web, j’ai créé un blogue culinaire. À Québec, il y a une espèce de communauté de gens qui adorent la nourriture et les restaurants qui se sont ensuite mis à parler de mon blogue. Un peu grâce à ces réseaux-là, l’éditeur de Québec Amérique a éventuellement repéré mon blogue et m’a offert mon premier contrat de photos culinaires.

Me lancer en photo culinaire n’était pas nécessairement un « vrai plan » au départ, mais tranquillement, les contrats se sont mis à arriver, puis à un certain moment, j’ai commencé à travailler un peu moins pour les agences publicitaires afin d’avoir plus de temps à consacrer à ces contrats. J’ai fait le saut vers la photographie culinaire à temps plein à la fin 2012, début 2013. 

« Au final, chaque photo me prend environ une heure, mais la première photo de la journée sera toujours plus longue et prend parfois le double du temps à réaliser »

LD : Quel est le rôle du·e la photographe culinaire dans le procesus de création d’une photo ?

CC : C’est souvent un travail d’équipe. Le·a photographe est responsable du bon déroulement des choses et de la satisfaction de tout le monde. C’est aussi d’essayer de penser d’avance au look des aliments : est-ce qu’on a pensé à tout ce qu’il fallait ? Est-ce que j’ai posé toutes les questions aux client·e·s afin de ne pas avoir de surprises une fois rendu·e·s à la séance photo ? Puis c’est aussi d’apporter des idées et d’écouter, il faut toujours tâter un peu le pouls de ce que le·a client·e a besoin et de ce qu’il·elle aime. Chaque photographe a aussi habituellement un style, une signature, mais c’est sûr que j’aime croire que je suis assez polyvalente. Par exemple, certains projets peuvent nécessiter des photos un peu plus foncées, tandis que d’autres, des styles super colorés ou très éclairés. Ensuite, une fois sur le plateau de photos, il y a beaucoup de feeling aussi, parfois ça ne sert à rien de prévoir d’avance un style trop préparé non plus ; sur place, on joue avec les décors, avec la vaisselle, on teste plein de combinaisons différentes pour voir ce qu’on peut faire de beau, dépendamment du style voulu. 

LD : Quelle est la durée moyenne de la réalisation d’un projet photo culinaire ?

CC : Pour la plupart des photos dans mon portfolio, j’essaie de ne pas dépasser six à huit photos par jour. Parfois, ce n’est pas toujours possible selon les contrats et si la complexité des concepts n’est pas trop grande, il m’arrive d’aller jusqu’à 10 photos par jour. Au final, chaque photo me prend environ une heure, mais la première photo de la journée sera toujours plus longue et prend parfois le double du temps à réaliser, comme on doit s’installer et décider de la direction du style des photos, qui donnera ensuite un peu le ton au reste du projet. Un livre de cuisine, par exemple, prendra en moyenne 10 jours de séances photos, pour environ 60 à 80 photos par livre. 

LD : Y a‑t-il certains aliments ou types de recettes qui sont particulièrement difficiles à photographier ?

CC : Oui, les lasagnes et les pâtés, comme le pâté chinois ou les pâtés à la viande, c’est ce que je trouve le plus difficile à rendre « beau ». Ce qui est difficile, mais très plaisant à photographier cependant, ce sont les hamburgers et les sandwichs ; on doit prendre notre temps afin que tous les étages soient bien visibles et parfois ajouter un cure-dent en arrière et créer des tourniquets de viande. Tout l’effort se finit par un très beau résultat.

« Sur place, on joue avec les décors, avec la vaisselle, on teste plein de combinaisons différentes pour voir ce qu’on peut faire de beau »

LD : Vous arrive-t-il de revisiter certaines recettes, par exemple en ajoutant certains ingrédients qui ne sont normalement pas utilisés, afin de changer la texture d’un plat pour qu’il paraisse mieux à la caméra ?

CC : Une fois, j’ai eu un contrat de photos de crème glacée, où on devait faire des formes particulières, donc ce n’était vraiment pas une option de travailler avec de la vraie crème glacée ; on a plutôt fait une recette de fausse crème glacée, avec de la purée de pommes de terre Betty Crocker et de la margarine. Dans ces moments-là, je fais souvent affaire avec des stylistes culinaires ; pendant les premières années, je m’occupais moi-même de styliser les aliments, mais avec le temps, c’était important pour moi d’avoir une personne responsable de cela sur les plateaux, afin que je puisse me concentrer sur le reste. Parfois aussi, lorsque quelque chose doit être en hauteur ou bien tenir d’une certaine façon, je peux, par exemple, mettre une gommette en dessous d’un bleuet, un cure-dent par-ci, un morceau de papier collant par-là. 

Comme mes client·e·s sont des producteur·ice·s alimentaires et des chefs, on n’altère pas vraiment leur nourriture, ce sont des photos naturelles. Et ce qu’on prend en photos, on risque de le manger pendant l’heure du dîner, donc c’est rare qu’il y ait beaucoup d’altérations. Parfois aussi, je mets quelques sous en dessous des verres pour changer un peu leur angle et éviter un effet lightbulb, c’est-à-dire l’effet créé par le fait que plus la caméra est loin, plus les objets ont un peu l’air de tomber.

LD : En lien avec ce que vous venez de mentionner concernant la nourriture que vous mangez le midi, avez-vous des stratégies implantées en photographie culinaire pour éviter le gaspillage des aliments ?

CC : C’est beaucoup le ou la chef qui s’en occupe, mais souvent, je dirais que les séances photos sont aussi du « développement recettes » pour les client·e·s, donc ils et elles vont aimer ce qui est cuisiné et vont vouloir le manger pour dîner. L’horaire des photos tient très souvent compte de cela. Par exemple, on va planifier ce qu’on mange pour dîner et prendre les photos de la recette en question juste avant la pause. Sinon, c’est sûr que ça arrive que j’aie beaucoup de restants provenant de séances photos dans mon frigo, je vais parfois les porter dans les frigos de partage en basse-ville de Québec, ou sinon il m’arrive d’appeler des ami·e·s en leur disant par exemple : « J’ai beaucoup de saucisses dans mon frigo, je ne vais pas m’en sortir toute seule ». Je suis toujours contente de faire profiter les gens autour de moi. Je dirais que les restants de nourriture sont quand même un « beau problème » de mon travail, que j’arrive habituellement à gérer. Je fais attention au gaspillage le plus possible, mais par contre, si je prends une photo d’un plat avec de la viande et que ce plat reste pendant des heures sur la table, je ne prends pas de chances non plus. 

Vous pouvez suivre les prochains projets de Catherine Côté sur son site web, sa page Facebook et sa page Instagram.


Dans la même édition