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Secrets de campus

Aux confins du territoire mcgillois.

Aymeric Tardif et Louise Toutée

À l’occasion de notre édition spéciale secrets, Le Délit est parti à la rencontre de perles architecturales et d’endroits inusités sur le campus mcgillois. Nous vous en présentons six dans ce photoreportage.

La maison Lady Meredith et l’annexe Meredith

Ancienne résidence de Sir Vincent Meredith et Lady Isabella Meredith, ce bâtiment construit en 1897 et baptisé à l’origine Advarna a hébergé des soldats en convalescence durant la Première Guerre mondiale, puis des infirmières de l’hôpital Royal Victoria jusqu’à son acquisition par McGill en 1975. En 1990, des individus sont entrés par effraction dans la maison Lady Meredith et l’ont incendié. Heureusement, le service de sécurité incendie a pu intervenir rapidement : les dommages ont été limités et la structure a été majoritairement préservée. Le bâtiment a depuis été restauré et héberge aujourd’hui le Centre de médecine, d’éthique et de droit de McGill, qui se penche notamment sur le droit de la santé et de la bioéthique.

Située en contrebas se trouve l’annexe Meredith, l’ancienne maison du cocher. Elle abrite des espaces loués par l’Association étudiante de médecine qui y tient des réunions d’associations étudiantes, des conférences, des cours, ainsi que d’autres événements parascolaires. Elle abrite également des espaces de détente pour les étudiants·e·s en médecine.

Aymeric Tardif et Louise Toutée

L’Institut Allan Memorial

D’abord baptisé Maison Ravenscrag par son premier propriétaire en 1863, l’Institut Allan Memorial, qui surplombe la rue McTavish, a été donné à l’hôpital Royal Victoria en 1940 et abrite depuis le Centre de recherche en psychiatrie de l’hôpital et du Centre universitaire de santé McGill. L’Institut a ouvert ses portes en 1944 sous la houlette du premier directeur, le tristement célèbre Dr Donald Ewen Cameron, jusqu’alors professeur de psychiatrie à l’Université McGill. En effet, on se rappelle aujourd’hui du Dr Cameron comme étant un acteur montréalais du programme de recherche psychiatrique MK-Ultra financé par la CIA entre les années 1950 et 1970. Ce dernier avait pour but de développer des techniques de contrôle mental qui visaient ultimement la création de super soldats et à la manipulation de dirigeant·e·s étanger·ère·s, au plus fort de la guerre froide.

Électrochocs, LSD, privation sensorielle, privation de sommeil, coma artificiel, torture et exposition à des messages répétitifs : c’est le sort réservé à nombre de patient·e·s québécois·es non consentant·e·s du Dr Cameron. La CIA a mis en place ce programme lorsque des combattant·e·s américain·e·s qui avaient été fait prisonnier·ère·s durant la guerre de Corée s’étaient, à leur retour, montré·e·s critiques à l’égard du mode de vie américain. L’agence de renseignement américaine avait alors inféré que la Chine et l’URSS avaient développé des techniques de lavage de cerveau. La CIA a donc lancé MK-Ultra dans l’espoir de faire elle aussi de telles percées scientifiques.

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Le Pavillon Birks et sa chapelle

Construite entre 1929 et 1931, Divinity Hall, maintenant connu sous le nom de Pavillon Birks, héberge la Faculté des études religieuses de l’Université McGill. On y trouve également une très jolie chapelle pouvant accueillir jusqu’à 110 personnes. Les fenêtres à claire-voie qui l’ornent représentent les blasons d’universités des îles britanniques et du Canada. À droite, face à l’autel, on y reconnaît les emblèmes des Universités de Dublin, de St Andrews, de Glasgow, d’Édimbourg, de Manchester, de Londres, de Cambridge et d’Oxford. À gauche, on retrouve celles des Universités Dalhousie, de Colombie-Britannique, du Manitoba, de la Saskatchewan, d’Alberta, Queen, de Toronto et McGill. Au-dessus de l’autel s’élève un grand vitrail représentant l’Ascension.  La chapelle, ouverte au public, pourrait s’avérer être un parfait endroit pour écrire un travail de session : silencieuse et sombre, c’est un lieu tout indiqué d’épiphanie pour l’étudiant·e en manque d’inspiration.

Aymeric Tardif et Louise Toutée
Aymeric Tardif et Louise Toutée

Thomson House

Anciennement connue sous le nom de Maison Charles-Édouard Gravel, Thomson House a été, en 1934, le dernier manoir du Mille carré doré à être construit. Le bâtiment fut racheté en 1968 à la famille Gravel par McGill pour la somme de 378 000$, l’équivalent d’un près de 2,9 millions de dollars aujourd’hui. Thomson House abrite depuis l’Association étudiante des cycles supérieurs de l’Université McGill (AÉCSUM). L’endroit est donc réservé aux étudiant·e·s des cycles supérieurs et à ceux et celles en droit et en médecine et offre à ses membres des salons d’étude, des salles de conférence, un restaurant, un bar et un patio.

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La salle de lecture de la Collection des livres rares

Au 4e étage de la bibliothèque McLennan se trouvent les « livres rares et autres collections spécialisées » de l’Université McGill : un lieu méconnu de la population étudiante, renfermant de nombreuses richesses historiques.  Le Délit s’est entretenu avec Christopher Lyons, bibliothécaire en chef et Jennifer Garland, assistante-bibliothécaire en chef, tous·tes deux responsables des livres rares et des collections spécialisées.

M. Lyons raconte que depuis les années 1850, McGill a accumulé par dons et acquisitions plus de 250 000 documents rares faisant partie de diverses collections. En 2016, les livres rares et collections spécialisées, la bibliothèque Osler de l’histoire de la médecine, la collection d’arts visuels (responsable de toutes les œuvres d’art disséminées sur le campus) et les archives de McGill fusionnent en un seul groupe, le ROAAr, qui tient son nom de l’acronyme anglais des différentes organisations qui le composent. ROAAr est entre autres chargée de rendre les pièces historiques uniques qu’elle possède accessibles aux chercheur·se·s, étudiant·e·s et visiteur·se·s.

« Nous possédons la deuxième plus grande collection de livres rares au Canada », explique M. Lyons, collection qui comprend nombre de manuscrits du Moyen-Âge, de tablettes assyriennes et babyloniennes, ou encore de travaux de Platon et d’Aristote imprimés à la Renaissance. « Ces pièces anciennes témoignent souvent de l’histoire en soi, des choses du quotidien, comme des inventaires et des factures. Notre plus vieille pièce est une tablette qui a environ 4 000 ans », poursuit le bibliothécaire en chef. Ce dernier souligne que les portes de la collection sont toujours ouvertes pour les membres de la communauté mcgilloise qui aimeraient consulter une pièce rare ou utiliser la salle de lecture dans laquelle sont exposés certains objets historiques. Le grand public peut également bénéficier des ressources de la collection. Le 4e étage est de surcroît un endroit tout désigné pour se détendre ou lire devant l’exposition d’arts visuels qui y est présentée.

Aymeric Tardif et Louise Toutée La salle de lecture de la Collection de livres rares

À cet étage se trouve également le Laboratoire des arts du livre (Book Arts Lab en anglais), ouvert depuis 2020, où travaille Jennifer Garland. « La mission de cet endroit est l’enseignement de l’histoire des livres à travers les outils avec lesquels ils étaient produits à l’époque de leur publication », explique-t-elle.  Le Délit a pu avoir un aperçu du fonctionnement de ce laboratoire.

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Le bibliothécaire en chef Christopher Lyons posant avec la presse à imprimer Columbian, qui pèse plus de 90 kg. Elle date de 1821 et est la plus vieille de ce type en Amérique du Nord.

Ce texte a été imprimé sur la presse Columbian. « Préparer un texte pour la presse à imprimer, c’est comme faire de la cuisine : il y a beaucoup de préparation et on applique l’encre pour imprimer seulement à la fin, avant de devoir tout nettoyer », nous dit Mme Garland. « Tous les espaces entre les lettres et les ornements doivent être mesurés et il faut réfléchir à l’envers ; c’est un processus complexe qui demande de l’épreuvage, autrement dit des tests d’impression avec une presse particulière, pour s’assurer de ne pas faire d’erreurs lors de l’impression. » Selon Mme Garland, l’impression d’un simple mot peut prendre une journée complète alors que l’impression d’un livre de 100 pages pourrait prendre de six mois à un an.

Aymeric Tardif et Louise Toutée

Cette boîte contient de nombreux tiroirs, nommés casiers, dans lesquels sont classés par police et par taille les caractères de plomb. Les compartiments servent à séparer chaque lettre de l’alphabet. Les polices de caractères sont souvent les mêmes que l’on retrouve aujourd’hui dans les logiciels de traitement de texte comme Microsoft Word, nous explique Mme Garland. Le casier que l’on peut voir sur la photo contient des lettres en police Garamond et en taille 12. Les compartiments inférieurs du casier (case, en anglais) contiennent les lettres minuscules alors que les compartiments supérieurs contiennent les lettres majuscules. C’est de là que proviennent les traductions anglaises de lowercase (minuscule) et uppercase (majuscule).

Aymeric Tardif et Louise Toutée Un caractère de plomb représentant la lettre Y en italique, en taille 24.
Aymeric Tardif et Louise Toutée Cette règle permet de déterminer la taille des caractères de plomb. Ici, la taille de ce caractère représentant la lettre Q est de 36 points.

Outre la presse Columbian, le Laboratoire de l’art du livre possède de nombreuses autres presses à imprimer qui lui permettent de reproduire l’impression propre à diverses époques. Il possède par exemple une reproduction d’une presse en bois utilisée au 15e siècle. Le Laboratoire aimerait éventuellement tenir des ateliers avec des étudiant·e·s pour leur permettre de venir tester les anciennes techniques d’impression. Vous pouvez suivre les archives de McGill sur Instagram au @mcgill_rare et pour toutes les publications du Laboratoire des arts du livre, recherchez le mot-clic #McGillBookArtsLab.

Le Musée médical Maude Abbott

Le Délit s’est entretenu avec Joan O’Malley, assistante-directrice et Dr Richard Fraser, directeur du Musée médical Maude Abbott, sur l’histoire et la mission de ce musée.

Situé au deuxième étage du pavillon Strathcona d’anatomie et de médecine dentaire, le musée médical Abbott n’existe sous sa forme actuelle que depuis 2013 ; cependant, certains des échantillons qui y sont exposés datent de près de 200 ans. Ouvert gratuitement au public tous les mercredis et vendredis de 13 h à 16 h, il permet aux curieux·se s d’observer des collections de squelettes, de moulages ainsi que de divers organes conservés dans du formol. Moins morbide que cela pourrait sembler, le Musée offre surtout une fenêtre fascinante sur l’intérieur du corps humain et sur les différentes pathologies que peuvent rencontrer les médecins dans l’exercice de leur profession.

Toujours utilisés par les étudiant·e·s de médecine à des fins pédagogiques, les spécimens du musée sont aussi employés pour la recherche : des analyses moléculaires génétiques ont par exemple été effectuées sur des échantillons collectés dans les années 1910 pour chercher à comprendre pourquoi la grippe espagnole, qui a ravagé la planète entre 1918 et 1921, frappait si sévèrement les populations plus jeunes. Finalement, les spécimens du musée servent aussi à des buts artistiques.  Dans le cadre d’un projet de médecine narrative intitulé « Immortalisons le mortel », les étudiant·e·s de médecine sont chaque année invité·e·s à représenter l’histoire d’un spécimen au moyen du médium de leur choix ; des sculptures, des peintures, et même des danses ont déjà été réalisées. 

Aymeric Tardif et Louise Toutée
Aymeric Tardif et Louise Toutée

Des élèves de littérature sont parfois aussi invité·e·s à écrire un poème à propos d’un spécimen particulier,  un cœur noirci – bien que propice à la métaphore, cette couleur relève d’une mauvaise conservation et pas d’une quelconque faute morale de son hôte.

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Proclamé « le plus vieil auxiliaire d’enseignement de McGill », ce squelette aide depuis des décennies à la formation des étudiant·e·s en médecine. Il s’agit du squelette d’un homme : on peut le déterminer grâce à la largeur des os du bassin.

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Cet étrange spécimen n’est pas un organe en tant que tel. Il appartenait à une patiente atteinte de troubles psychotiques qui avait comme obsession de manger ses cheveux. Ceux-ci se mirent à s’accumuler dans son ventre, jusqu’à former la boule de cheveux en forme d’estomac qui est aujourd’hui exposée.

Aymeric Tardif et Louise Toutée

La salle de lecture en face du musée, réservée exclusivement aux étudiant·e·s d’anatomie.

Aymeric Tardif et Louise Toutée

Le cœur d’Holmes est particulier de plus d’une façon. D’un point de vue anatomique, ce cœur a la caractéristique extrêmement rare de ne pas avoir quatre ventricules, comme c’est d’habitude le cas, mais seulement trois. D’un point de vue historique, c’est aussi le premier spécimen du Musée dont on peut retracer l’origine. Le Dr Andrew Holmes, tout premier doyen de la Faculté de médecine de McGill, a donné son nom à ce cœur en faisant lui-même l’autopsie de ce dernier en 1822 et en le conservant à des fins d’enseignement. 


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