Aller au contenu

Ambiguïté sombre

Le Théâtre Denise-Pelletier reprend La Métamorphose de Franz Kafka.

Gunther Gumper

Du 22 septembre au 16 octobre, le Théâtre Denise-Pelletier présente la pièce La Métamorphose de Franz Kafka, dans une adaptation écrite et mise en scène par Claude Poissant. La pièce met en vedette Geneviève Alarie dans le rôle de la Mère, Alex Bergeron dans le rôle de Gregor, Myriam Gaboury dans le rôle de Greta, Alexander Peganov dans les rôles de FP et du Locataire et Sylvain Scott dans le rôle du Père. Gregor, un vendeur de tissus, se réveille un matin et réalise qu’il est devenu un insecte. 

Éclairages pertinents

Dans l’œuvre originale de Kafka, le « monstrueux insecte » que Gregor devient n’est jamais nommé, de sorte que le lectorat ignore son apparence exacte. L’adaptation de Claude Poissant conserve cet aspect du récit original à l’aide d’une mise en scène qui explore la distance psychique, voire dimensionnelle qui sépare Gregor du reste de sa famille – les monologues du personnage ne sont jamais entendus par sa famille et, lorsque cette dernière interagit avec « l’insecte », Gregor réagit et répond en aparté vers l’auditoire. La mise en scène de Poissant emploie des éclairages précis qui appuient et renforcent l’ambiance grave et mystérieuse de la pièce. Un jeu d’ombres vers le milieu de la pièce est particulièrement bien réussi ; lors d’un monologue où Gregor sombre tranquillement dans la folie en détaillant la progression de sa métamorphose, l’éclairage renforce le puissant monologue livré par Alex Bergeron en modifiant l’ombre projetée par ce dernier sur l’un des murs du décor. Ainsi, au moment où Gregor subit une transformation spasmodique, l’ombre derrière lui se déforme énormément de sorte que même si l’interprète est vêtu d’un complet brun, l’auditoire ne sait plus si la figure de Gregor est toujours humaine. 

« L’auditoire ne sait plus si la figure de Gregor est toujours humaine »

Un vert chargé de sens

Le décor de la pièce est composé de plusieurs tons rougeâtres dans lesquels les costumes aux couleurs chaudes des personnages se fondent très bien, à l’exception du costume vert criant de Greta, la sœur de Gregor, qui détonne avec le reste de la mise en scène. Ce choix judicieux contribue à souligner l’humanité que Greta manifeste envers Gregor, une humanité qui contraste avec la froideur violente dont font preuve les autres personnages à l’égard de l’insecte. Cependant, lorsque le « lien spécial » entre Greta et Gregor est brisé par l’abandon de Greta, qui finit par renier son frère et le traiter avec la même distance que ses parents, elle quitte la scène et revient dans un costume rosé qui se fond avec le décor et les autres costumes. Dans la dernière scène de la pièce, le costume redevenu vert de Greta augmente la cadence dramatique de la pièce et renforce l’ultime rebondissement de l’adaptation de Claude Poissant.

Somme toute, cette adaptation de La Métamorphose est réussie et les changements textuels et narratifs renforcent la puissance de l’histoire sans dénaturer le texte de Kafka. Les performances des comédiennes et comédiens sont justes et précises et la touche d’humour ajoutée dans certaines scènes allège agréablement l’atmosphère sans nuire à la progression narrative.


Dans la même édition