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Soirée au Festival de films féministes

Six courts métrages, six histoires d’émancipation et de courage.

Marco-Antonio Hauwert Rueda | Le Délit

La dernière soirée du Festival de films féministes de Montréal (FFFM) s’est tenue le 22 septembre dernier et avait pour titre « Points de vue racisés ». Le fait même qu’un tel festival existe mérite un article, surtout lorsqu’on sait qu’il s’agit de sa troisième édition et que celui-ci ne bénéficie toujours pas de subventions. Les organisateur·rice·s sont tous·tes bénévoles, et les profits sont distribués aux réalisateur·rice·s. Dans cet esprit, le moins que l’on puisse faire est de souligner la grande qualité des six courts métrages présentés. Les œuvres étaient d’une grande variété, autant en style qu’en sujets discutés. C’est d’ailleurs la diversité des histoires racontées, dans lesquelles plusieurs identités entraient souvent en jeu, qui a donné à la soirée un caractère profondément intersectionnel et riche en émotions. Il est donc difficile de discuter de l’événement en général et c’est pourquoi chaque court métrage est critiqué séparément, afin d’en préserver l’originalité.

The Tigress Masque par Gowri Neelavar

Ce film très court (seulement 2 minutes et 30 secondes) est saisissant par son rythme et par la beauté qui se dégage des corps en mouvement. En effet, dans des plans très colorés, on voit des hommes se peignant le corps afin de se transformer en tigres. Les plans, très beaux, baignent dans une lumière quasiment magique où les hommes ont disparu et ne sont plus que des animaux sauvages. Le film est aussi empreint d’une grande poésie puisque tout le long, le poème d’une jeune fille qui est en admiration devant ces créatures est récité par-dessus les images. Elle rêve de se transformer en tigre elle aussi et de parvenir à tuer le chasseur, ce qu’aucun tigre n’a jamais réussi jusqu’alors.

Game par Jeannie Donohoe

Cette fiction de quinze minutes raconte l’histoire d’une étudiante androgyne qui souhaite rejoindre l’équipe masculine de basketball de son école. Le film est extrêmement bien réalisé, car le·a spectateur·rice est tant absorbé·e par l’histoire qu’il·elle a vraiment l’impression d’assister à l’entraînement de basket en même temps que les personnages. Le jeu des acteur·rice·s est remarquable, car en peu de dialogues, les conflits intérieurs des personnages se font ressentir. C’est un film qui illustre magnifiquement le courage nécessaire pour atteindre ses rêves. Il est puissant, tout en y allant avec subtilité.

Brother, Move On par Antshi von Moos

Ce documentaire plonge le·a spectateur·rice dans un New Delhi très animé qui met de l’avant le caractère patriarcal de la société indienne. Le personnage principal est une jeune fille qui est devenue chauffeuse de taxi « pour les femmes et par les femmes ». Elle raconte le harcèlement constant qu’elle subit dans la rue, surtout la nuit où « elle ne peut pas sortir du taxi même si la voiture tombe en panne ». La dure réalité des femmes dans la capitale indienne étant soulignée, le·a spectateur·rice peut pleinement saisir le courage de cette femme. Cette ode à l’émancipation nous prouve, en mettant l’accent sur le côté très patriarcal de la société en question, qu’il est possible de surmonter même les plus grands défis quand il s’agit d’acquérir son indépendance.

Samira par Lainey Richardson

Le programme du Festival décrivait ce film comme étant « le portrait d’une femme de 19 ans qui n’a pas froid aux yeux », et l’objectif est habilement accompli.  Ce portrait est certes simple, mais réussi, car il donne une idée claire de qui est Samira. C’est une jeune fille déterminée, consciente de sa propre force et qui cherche constamment à repousser ses propres limites. C’est ainsi qu’elle décide d’être la première fille à intégrer l’équipe de football américain de son université. Ce film donne envie de rencontrer Samira et de conquérir des montagnes.

Me Time par Iyabo Boyd

Cette fiction est hilarante de par sa spontanéité et son audace. Le film met en scène une jeune femme en pleine conversation intérieure avec trois facettes de sa personnalité à propos de la masturbation. Les trois facettes sont poussées à l’extrême sans jamais pour autant devenir grotesques. Il était très facile de s’identifier au personnage principal et de se retrouver dans ce conflit intérieur que beaucoup de femmes partagent. Ce film est rafraîchissant dans une époque où être féministe peut parfois s’apparenter à de perpétuelles justifications et explications. Pour finir, l’on peut lever notre chapeau aux actrices pour avoir eu le courage de se dévoiler face à la caméra avec autant de franchise afin de briser le tabou de la masturbation. 

Skies Are Not Just Blue par Lysandre Cosse-Tremblay

Le dernier film à l’honneur a été réalisé par un Montréalais, qui était présent à la projection. Ce documentaire de 25 minutes est remarquable, car il donne une voix à quatre personnes queer et musulmanes. Cette identité est peu discutée sur la scène publique et, pour une fois, ces personnes étaient au premier rang pour parler de leurs expériences, ce qui a donné au film une poignante sincérité. Le court métrage, en alternant des scènes un peu plus légères et des scènes beaucoup plus dures, réussit à souligner la multitude de façons par lesquelles les protagonistes vivent cette identité. Le documentaire ne cherche pas à apporter de réponse définie ou à établir des généralisations entre chaque personne ; il raconte plutôt la réalité de ces quatre individus tels qu’ils la vivent : en proie à des doutes, des questionnements et surtout sans cesse en changement, comme chacun de nous. 

En somme, on ressort de cette soirée avec un désir de changer le monde et surtout incapable d’élire son court métrage préféré ! Le FFFM reviendra pour une quatrième édition l’année prochaine. 


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