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La pilule : cadeau empoisonné ?

La prise du moyen de contraception n’est pas anodine et doit être remise en question.

Niels Ulrich | Le Délit

Moyen de contraception incontestablement populaire, la pilule contraceptive est considérée comme un symbole de l’émancipation des femmes. Or, derrière la contraception hormonale se cache une réalité inquiétante.

Le réflexe pilule

Peu importe l’âge, la pilule contraceptive est conseillée presque automatiquement aux femmes et jeunes filles qui cherchent un moyen de contraception. En fait, il s’agit du moyen le plus prescrit et compte parmi les médicaments les plus consommés par les Canadiennes selon l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé. Au moyen d’hormones comme l’œstrogène et la progestérone, la pilule contraceptive bloque l’ovulation et le cycle menstruel pour empêcher la nidation, soit l’implantation de l’embryon. Si adéquatement utilisée, son taux d’efficacité est évalué à 99%, tout comme le timbre contraceptif, le stérilet hormonal, l’anneau vaginal et l’injection intramusculaire. Aussi, la pilule est couramment prescrite pour atténuer l’acné des jeunes femmes, réduire le syndrome prémenstruel et régulariser les règles. Bien que le·a pharmacien·ne ou le·a médecin doit informer sa patiente des effets secondaires possibles, ces derniers sont caractérisés comme mineurs et sont justifiés par les bénéfices qu’apporte la pilule. Pourtant, rarement, si ce n’est jamais, l’on entend parler des conséquences dangereuses et parfois même mortelles dues à la prise de ce moyen contraceptif. Celles habituellement mentionnées sont la prise de poids, des changements d’humeur, la baisse de libido, des ballonnements ou encore des étourdissements. En effet, la majorité des femmes (70%, selon l’enquête indépendante menée par la journaliste Sabrina Debusquat) prenant la pilule contraceptive souffrent de ces symptômes. Or, le moyen de contraception le plus populaire au Canada cache une histoire et des répercussions alarmantes ; un silence plane quant aux effets nocifs et étonnamment fréquents que cause la pilule à la gente féminine.

Effets plus qu’indésirables

En 2015, la famille de Florence Aumont-Légaré, 28 ans, a découvert les dangers que comporte la pilule sous de tragiques circonstances. Quelques jours après une douleur au mollet qui semblait d’abord anodine, Florence perd connaissance et est rapidement transportée à l’hôpital. Malheureusement, le soir même, Florence décède malgré les soins hospitaliers. Les analyses ont démontré par la suite qu’une embolie pulmonaire était en cause. La première question qui fut posée aux parents de Florence était si elle prenait la pilule contraceptive. La question fut évoquée par tout·e·s les spécialistes interrogeant ses parents qui, eux, n’avaient jamais été informés du danger que courait leur fille par la prise de la contraception orale. Le cas de Florence Aumont-Légaré n’est pas un cas isolé, bien au contraire. Les chiffres les plus précis proviennent de France, par le rapport de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), qui rapporte une moyenne de 2 529 accidents et 20 décès annuellement dus à la formation de caillots dans le sang provoquée par l’utilisation de la pilule. Pour ce qui est du Canada, entre 2007 et 2008, Santé Canada a relaté la mort de 23 jeunes femmes liée à la pilule anticonceptionnelle de la marque Yaz et Yasmin. Thrombose veineuse, embolie pulmonaire ou encore accident vasculaire cérébral (AVC), le risque de troubles sanguins avec la prise de cette contraception est connu depuis les années 1960 par le corps médical. Pourtant, la formation de caillots sanguins est rarement mentionnée pour prévenir les jeunes femmes des effets possibles de la pilule et de plus, peu d’entre elles ont été formées à reconnaître les signes d’un tel symptôme.
Et les effets indésirables ne s’arrêtent pas là. La contraception hormonale peut avoir une incidence sur la santé mentale ; on l’associe de plus en plus à la dépression. Cette corrélation est plutôt récente puisque les rares études menées antérieurement démentaient toute association entre l’utilisation de la pilule et le risque de dépression. Cependant, ces études s’étaient penchées sur des femmes plutôt âgées qui prenaient la pilule depuis longtemps. Une étude danoise a quant à elle étudié le cas d’un million de jeunes femmes dans la période suivant leur première utilisation de la contraception hormonale. Les résultats démontraient une hausse significative, allant jusqu’à 80%, de l’occurrence de dépression chez les femmes utilisant un contraceptif hormonal.

Le réflexe pilule doit disparaître pour laisser place à la discussion

 

Sexisme chez les scientifiques

Si la femme témoigne de symptômes désagréables durant la prise de la pilule, le·a médecin est encouragé·e, sans être toutefois obligé·e, de rapporter ces effets à Santé Canada. Ainsi, il se forme un décalage énorme entre l’expérience qu’ont de nombreuses femmes prenant la pilule et le discours médico-scientifique dominant. Ce manque d’écoute et de considération face à l’avis des femmes pourrait s’expliquer entre autres par la sous-représentation du genre féminin en science. Tant dans la recherche en laboratoire que dans la production scientifique, le professeur de l’Université de Montréal Vincent Larivière dénonce depuis une dizaine d’années le manque de femmes dans la production d’articles scientifiques. Plus précisément, moins d’un tiers des auteur·e·s des plus grandes revues scientifiques américaines comme la Public Library of Science et l’American Geophysical Union sont des femmes et ce phénomène se répète à l’échelle mondiale. Cette inégalité dans la hiérarchie scientifique n’est évidemment pas récente ; rappelons-nous qu’il n’y a pas si longtemps, les femmes n’avaient pas accès aux cours de mathématiques et de sciences puisqu’elles étaient confinées à l’enseignement ménager. Bien que cette mentalité rétrograde ait perdu de sa force avec le temps, elle reste tout de même ancrée dans les perceptions sociales, engendrant une tendance chez les femmes à s’orienter vers des métiers à caractère social. Il n’est ainsi pas surprenant de constater que les études concernant la pilule contraceptive ont été majoritairement guidées par des hommes.

L’écosystème affecté

En plus de causer préjudice à la santé des femmes, la pilule œstroprogestative apporte des effets dommageables pour l’environnement. Les hormones libérées dans le sang sont évacuées par l’urine dans les nappes d’eau souterraines, les rivières et les lacs. La présence de telles hormones dans l’environnement aquatique perturbe le comportement sexuel des poissons, diminue leur fertilité et crée un phénomène de féminisation des mâles, c’est-à-dire la transformation des poissons mâles en femelles. Ces perturbations affectent tout autant les mammifères et les oiseaux aquatiques comme le canard, le goéland et l’oie.

Émancipation sexuelle illusoire

Alors que la pilule est considérée comme un emblème féministe, il suffit de se pencher sur la genèse de sa commercialisation pour y découvrir une histoire peu glorieuse. C’est d’abord une infirmière et sage-femme américaine, Margaret Sanger, qui a fait la promotion de la pilule contraceptive et a cherché à convaincre les décideurs américains de financer cette nouvelle découverte scientifique. Elle était certes féministe mais flirtait aussi avec l’idéologie eugéniste et voyait en la contraception orale un moyen de limiter les naissances de certaines minorités ethniques. Dans un contexte de Guerre froide, des milliardaires américains furent charmés par l’idée de contrôler le taux de reproduction des femmes au nom de « l’amélioration du patrimoine génétique » et financèrent le projet de Sanger. Des essais cliniques ont d’abord été menés dans les années 1950 sur des femmes américaines sans toutefois leur mentionner l’effet contraceptif de la pilule. Dû aux effets secondaires insoutenables tels que des changements d’humeurs et des caillots sanguins, un nombre élevé de participantes abandonnèrent l’étude, et l’équipe de recherche se tourna vers Porto Rico où le phénomène de surpopulation commençait à inquiéter. Des Portoricaines furent soumises de force à l’étude malgré les effets secondaires dénoncés. Les résultats furent néanmoins concluants, la pilule contraceptive démontrait un taux d’efficacité de 100%. La quantité d’hormones fut par la suite diminuée pour faciliter sa commercialisation aux États-Unis.

Il faut prendre en considération le fait que la prise d’hormones n’est pas l’unique solution contraceptive.

Sans diaboliser la pilule contraceptive, il faut tout de moins prendre conscience de ses conséquences au niveau de la santé physique et mentale ainsi qu’au niveau environnemental. Bien que sa découverte scientifique est considérée comme un point central de l’émancipation sexuelle de la femme, il ne faut pas oublier que cet instrument de libération fut d’abord orchestré par l’homme. Évidemment, grâce à la contraception, la femme a un plus grand contrôle de son corps et il est impératif de ne pas obstruer cette autonomie. C’est pourquoi il faut prendre en considération le fait que la prise d’hormones n’est pas l’unique solution contraceptive. Une méthode au taux d’efficacité similaire à celui de la pilule est le stérilet en cuivre. Ce dispositif intra-utérin en forme de T est introduit dans la cavité utérine, processus médical qui ne prend qu’une dizaine de minutes. Certaines femmes optent quant à elles pour une méthode naturelle en suivant leur cycle d’ovulation à l’aide d’un calendrier, d’un thermomètre ou d’un moniteur symptothermique. Avec toutes ces alternatives, le réflexe pilule doit disparaître pour laisser place à la discussion. C’est aux professionnel·le·s de la santé, médecins, infirmier·ère·s, pharmacien·ne·s, d’être à l’écoute de leurs patientes, de prendre le temps de répondre à leurs questions et de les mettre en garde sur les conséquences qu’implique leur choix de contraception. Car si l’on prend en considération le bien des femmes et de l’environnement, la pilule devient plus difficile à avaler.

 

À lire aussi : Infographie sur la contraception masculine. Où en est-on ?

 


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