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Texte moi quand t’es rentrée

Retour sur la fausse promesse des dispositifs anti-viol. 

Capucine Lorber, Alexis Fiocco

Cette semaine encore, une nouvelle attaque. Un homme identifié comme très grand, blanc, vêtu d’une Parka Canada Goose Noire aurait attendu devant les portes de la bibliothèque McLennan, avant de suivre une étudiante dans le but de l’agresser. Bien que McGill reste et sourde et muette face à celle-ci, la réalité des violences sexuelles sur les campus universitaires persiste. Cette jeune femme est malheureusement loin d’être la seule à avoir vécu ce genre « d’expérience malencontreuse », un euphémisme très répandu pour désigner le harcèlement sur les campus. La presse nationale, à l’image de Radio Canada, dénonce quant à elle une « culture du viol » : le harcèlement sexuel est devenu un « lieu commun ». Si celui-ci est dénoncé, très peu voire aucune procédure administrative n’est lancée, encore plus, semble-t-il, lorsque les agresseurs comptent parmi le corps professoral.

Face à cette épée de Damoclès planant de manière perpétuelle, de nombreux ingénieurs mettent à profit leurs connaissances pour développer des dispositifs anti-viol plus performants. Si ceux-ci sont de plus en plus répandus, ils n’ont pourtant rien de nouveau. Au 15ème siècle, la célèbre ceinture de chasteté connaissait un succès important. Cinq siècles plus tard, en 1979, un dispositif placé à l’intérieur du vagin permet l’insertion d’un sédatif dans le pénis du violeur. En 1993, le « Trap » voit le jour. Il s’agit d’une poche en caoutchouc munie de lances en plastiques, placée à l’intérieur du vagin, qui viendrait se resserrer autour de l’extrémité du pénis du prédateur.

Ces méthodes ont suscité et suscitent toujours la contestation et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, elles laissent uniquement aux femmes la lourde tâche qu’est d’empêcher une potentielle agression. Ensuite, ces procédés ne fonctionnent que lorsqu’il y pénétration. D’autres formes d’agressions sexuelles, comme le touché non consenti, ne peuvent être prévenus par ce genre de dispositifs. Les innovations technologiques récentes à ce sujet ont perçu l’une de ces problématiques et se sont intéressés à prévenir les agressions sexuelles en intervenant plus tôt. Par exemple, les applications sur téléphone intelligent comme OnWatch, peuvent, en une seule touche, envoyer votre position aux personnes présélectionnées comme contacts d’urgence. Si une situation louche est appréhendée, ce genre d’applications permet également d’envoyer un texte et un emplacement aux contacts favoris lorsque le compte à rebours atteint zéro. Autrement dit, si vous n’êtes pas rentré.e à une heure estimée, l’application se charge d’avertir vos proches. En parallèle à ce développement interactif, des dispositifs insolites voient le jour. En 2014, une équipe de recherche entièrement masculine de l’université d’État de la Caroline du Nord a reçu une subvention pour développer un vernis à ongles, Undercover Colors, qui change sa couleur pour indiquer la présence de « drogues du viol » dans un verre.

Cependant, bien que l’intention soit des plus bonnes, aucune de ces technologies ne peut être l’ultime solution pour mettre un terme aux violences sexuelles. Ces dispositifs et innovations technologiques asservissent d’autant plus la fameuse « culture du viol », dans la mesure où ceux-ci renforcent l’idée sexiste et paternaliste selon laquelle la femme n’est pas en sécurité, et a besoin d’assistance pour l’obtenir. Ces dispositifs l’encouragent donc à modifier son comportement pour éviter toute agression depuis que le viol a été reconnu comme un crime. Le vernis, les anneaux vaginaux, les applications mobiles interactives : toutes ces technologies perpétuent l’idée que la prévention du harcèlement sexuel est un travail de femme. En vérité, il serait plus adapté de décourager les agresseurs potentiels de commettre une offense, par le biais d’initiatives éducatives ou en insérant des procédures administratives et judiciaires plus strictes contre les agresseurs, et ce, quelque soit leur status. À McGill, c’est ce que l’AÉUM s’efforce de faire, en réclamant la mise en place d’une enquête indépendante sur le processus de gestion des plaintes pour violences sexuelles contre les membres du corps professoral de la Faculté des Arts.

Que ce soit à McGill, sur d’autres campus, ou plus généralement à l’échelle internationale, nous n’avons pas encore trouvé l’Invention qui permettra de lutter contre les agressions sexuelles à un niveau dit plus systémique, un procédé qui permettrait de protéger chacun et chacune, tout en pénalisant drastiquement les offenseurs. En attendant que ce jour soit là, s’il-te-plaît, texte moi quand t’es rentrée.


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