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Jeu de passe-passe hydraulique

Les centrales hydrauliques réversibles offrent une solution pour stocker l’énergie.

Capucine Lorber | Le Délit

Il y a quelques semaines, j’écrivais sur l’importance de l’électricité et la difficulté de conserver l’énergie renouvelable. Une des formes d’énergie renouvelable les plus facilement stockables est l’énergie hydraulique. Le principe est simple. Il suffit de construire un barrage sur une rivière ou fleuve afin de créer un réservoir d’eau. Cette masse d’eau est ensuite relâchée grâce à des canaux à l’intérieur desquelles sont placées des hélices. L’eau fait tourner les hélices, ce qui produit de l’électricité — qui est ensuite envoyée dans le système électrique national. 

Il est certain que les barrages sont des installations particulièrement perturbatrices pour les écosystèmes avoisinants, et qui ont déjà inondé des terres autochtones au Canada. Cependant, il se pourrait que ce type d’installation permette de stocker le surplus d’énergie de source renouvelable qui est, par nature, difficile à stocker. Ainsi, grâce au barrage, il serait possible de relâcher de l’énergie originellement éolienne ou solaire, sous forme d’électricité, les jours gris sans une once de vent. 

Un potentiel bien réel

Ce tour de magie, ou plutôt d’ingénierie, est rendu possible grâce à un certain type de barrage nommé « pompage turbinage », une technologie développée dans les années 1980. Le concept est simple.  Au lieu d’avoir un seul bassin supérieur qui relâche ses eaux dans la continuation de la rivière ou du fleuve, un deuxième bassin, dit « inférieur », est construit à la sortie des canaux d’évacuation d’eau.  Nous avons donc deux bassins placés à une différente altitude, un supérieur et un inférieur.  En temps normal, l’eau coule du bassin supérieur au bassin inférieur, créant de l’électricité grâce à des turbines, comme dans un barrage hydraulique normal. Or, la spécificité des barrages de type pompage-turbinage est qu’en plus des turbines, une pompe est installée, ce qui permet d’hisser l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur.  Ainsi, l’eau placée en altitude pourra à nouveau être déversée dans les canaux d’évacuation, actionnant les turbines, produisant de l’électricité, etc. 

Transformer l’électricité en électricité

Ce système permettrait de stocker le surplus d’énergie renouvelable difficilement stockable. En période de surplus d’électricité d’origine éolienne par exemple, ladite électricité pourrait être utilisée pour alimenter la pompe. Somme toute, l’énergie éolienne — dans ce cas — est transformée en énergie potentielle de l’eau. Ainsi, cette énergie potentielle de l’eau pourrait être retransformée en énergie électrique en période de sous-production ou de surconsommation. Cette forme de conservation d’énergie n’est toutefois pas une réponse exhaustive au problème des énergies renouvelables. La création de deux bassins modifie le relief et l’hydrologie d’une région. De plus, dans le processus de transaction entre les différentes formes d’électricité, entre 15% et 30% de l’énergie est perdue. Cependant, cette énergie serait perdue dans tous les cas s’il n’y avait aucun moyen de la stocker.  L’avenir des énergies renouvelables passera aussi par l’intelligence des ingénieur•e•s à passer d’une forme d’énergie à une autre afin de la conserver. Selon les mots de Lavoisier, et avant lui d’Anaxagore (preuve que l’énergie nous est vitale depuis un petit bout de temps), « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Alors transformons notre modèle de production électrique. 


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