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L’«affaire Sadikov »

Il faut mettre fin à l’hystérie collective et renouer avec le dialogue.

Mathilde Chaize | Le Délit

Le 6 février dernier, un étudiant mcgillois, Igor Sadikov, publie sur son compte Twitter privé « punch a zionist today » (« frappe un sioniste aujourd’hui », ndlr). L’étudiant étant un représentant de la Faculté des arts auprès du Conseil législatif de l’Association des étudiants en premier cycle de l’Université McGill (AÉUM), les voix se sont alors élevées pour dénoncer son propos comme une incitation à la violence, puis pour exiger sa démission.

Au cours de la même semaine, une remarque raciste envers l’une des représentantes de l’AÉFA, a mené à l’annulation de l’hebdomadaire Bar des Arts à McGill. La semaine précédente, deux groupes de manifestants, l’un pour la solidarité internationale, l’autre anti-fasciste et anti-Trump, s’étaient confrontés au croisement Y de McGill. Sur les réseaux sociaux, les messages haineux et les discours d’intolérance effluvent au sein de la communauté mcgilloise.

L’équipe du Délit condamne fermement toute forme de discours haineux ou incitant à la violence. L’appel au calme effectué par la rectrice, Suzanne Fortier, un peu plus tôt au cours de la semaine témoigne du climat malsain qui s’y est installé dernièrement.

Depuis, Igor Sadikov, a présenté ses excuses. Cependant, cela n’a pas semblé suffir car les dénonciations se sont alors transformées en déluge de haine sur Sadikov qui affirme recevoir des menaces en grand nombre. Plusieurs médias nationaux et internationaux ont repris cette nouvelle, contribuant à amplifier un côté de la médaille, sans aucune considération pour l’autre, transformant cet incident en hystérie collective dont l’issue est encore incertaine.

Au cours de la fin de semaine, l’administration de McGill a alors demandé la démission de l’étudiant de l’AÉUM. L’intervention de l’Université aurait-elle été motivée par des inquiétudes quant à sa réputation et son image publique ? Cette position est difficile à justifier car si McGill tenait à sa réputation, ne traiterait-elle pas mieux les travailleurs temporaires sur le campus ou ne s’efforcerait-elle pas d’avoir un dialogue social apaisé avec les différents syndicats mcgillois ? N’aura-t-elle pas déjà désinvesti des énergies fossiles ? Ou du moins essayé de chercher un compromis, une discussion ouverte, avec les centaines de professeur·e·s et étudiant·e·s mcgillois·e·s s’étant engagé·e·s pour cette cause ?

Face à cette dichotomie, nous regrettons l’attitude de l’administration mcgilloise qui a commis un désaveu envers les élus et institutions étudiant·e·s. Alors que les instances étudiantes ont enclenché leur processus disciplinaire — et qui sont encore en cours  l’administration de McGill a fait fi de leur indépendance en exigeant la démission de Sadikov. L’équipe du Délit estime que l’administration aurait dû attendre les aboutissements des procédures enclenchées par l’AÉUM et par l’Association des étudiants en premier cycle de la Faculté des Arts (AÉFA) avant de prendre position. 

Ce précédent dangereux change la nature de la relation entre les étudiants et leur administration, car McGill a démontré qu’elle n’avait pas confiance en les instances politiques étudiantes. 

En tant qu’étudiants, nous estimons que le climat d’antagonisme et de violence qui règne au sein de la communauté est nocif et met à mal le bien-être et la santé mentale des étudiants. La succession rapide de controverses de ce type, qui ont longtemps été des cas isolés, ‚devient alarmante. Le dialogue et l’empathie n’ont jamais été aussi nécessaires que maintenant. En tant que journal étudiant, nous nous efforçons de donner une voix aux étudiants en exposant les opinions et les visions issues de tout le spectre politique. Cependant, face au torrent de haine que certains de nos collègues des médias étudiants reçoivent, nous réalisons que cette liberté d’expression n’est plus assez. 

Collectivement, nous devons donc prendre du recul, s’arrêter un instant et réfléchir pour pouvoir enfin entamer un processus de réconciliation qui est tant nécessaire. 


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