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Clowneries théâtrales

Dans un rythme effréné, le Players theater donne vie à la pièce 39 steps. 

Gefter Photography

Du 19 au 28 octobre 2016, le Players Theater nous présente la pièce 39 steps, composée d’un quatuor plein de surprise. L’adaptation du polar éponyme de John Buchan (1915), sous la direction d’Oscar Lecuyer, est animée — c’est le moins que l’on puisse dire — par Thomas Phipps, Jocelyn Wiesmann, Frédérique Blanchard et Ben Meyer-Goodman. À vrai dire « interprétation (très) libre » conviendrait mieux à ce pastiche d’espionnage de l’Amérique du Nord à l’Écosse, à ces une heure et demi d’absurdité et d’accents résonnant bien faux. La large équipe impliquée en coulisse aide à la création de ce microcosme policier bidon, dont on désespère de ne pas trouver d’équivalent francophone (vous avez dit Hubert Bonisseur de La Bath?). 

Alfred se retourne dans sa tombe

Histoire d’amour, trahison, péripéties, course-poursuite et danger de mort, le quatuor pousse les clichés jusqu’au grinçant, sur fond de musique jazz d’ascenseur. Si l’on est forcé de reconnaître l’impressionnant travail fait par la large équipe en coulisse, on ne peut qu’admirer l’énergie des acteurs. Ceux-ci ont réussi à parfaitement s’approprier l’espace du Players Theater (la « boîte noire ») et y évoluent avec une grande aisance. Une mention particulière doit être faite à Meyer-Goodman et Blanchard, se répondant dans un concours de celui qui incarnera le plus de personnages hauts en couleur, de mimiques, de voix contrefaites. Ce dernier nous avoue d’ailleurs, après la représentation, qu’il aurait aimé jouer une dizaine de rôles supplémentaires, histoire de bien achever sa crise cardiaque et notre crise d’épilepsie. Coup de poignard permanent à l’œuvre de Hitchcock, la traîtresse pièce joue les francs-tireurs en livrant une relative cohérence, un rythme d’enfer et une certaine fraîcheur. C’est d’ailleurs le thème récurrent au Players Theater, et qui se reflète dans ce casting d’acteurs que l’on a pu notamment retrouver au Directors’ Festival : la proximité avec le public, la réinvention de l’espace utilisable, du réalisme, avec toujours une frontière ténue entre l’histoire construite et la « private joke ». On retrouve donc dans 39 Steps ce qui fait les avantages et défauts du théâtre amateur. 

Le théâtre jeune

39 Steps est puissamment original, et relève bien le défi central du théâtre amateur : rapprocher les jeunes de cet art classique, ne pas ennuyer avec des messages et symboliques alambiqués ; en un mot rester les pieds sur terre tout en innovant profondément. 

La pièce brise clairement le quatrième mur, dans le pur jus d’un humour anglais grotesque. En ce sens, elle tombe également parfois dans l’excès. Une partie « ventre mou » alourdit un peu la pièce vers son milieu, et la représentation intimiste parfois relève plutôt de la blague entre amis. 39 steps s’apparente à un spectacle de clowns bien surprenant, qui ne vise pas à développer une grande morale, ni même une histoire très structurée. Le Délit y retournera pour s’en faire une idée plus claire, vous venez avec nous ? « Je vous en servirai un ramequin, vous vous en ferez une idée ». Vive le théâtre mcgillois ! 


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