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Libérer l’art

Do it Montreal, un mouvement d’auto-création s’invite à la galerie de l’UQAM.

L.P Côté Galerie de l’UQAM

Conçue en 1993 par le commissaire suisse Hans Ulrich Obrist, le concept  « do it » surgit d’une volonté de concevoir une exposition évolutive. Durable et sans cesse renouvelable, cet ensemble d’œuvres en cache des dizaines d’autres et pour ce faire, des « partitions écrites », ou instructions, ont été compilées par des artistes. En exécutant ces instructions, les institutions d’accueil, les artistes invités et les visiteurs deviennent alors les véritables artisans de l’exposition.

« Do it est un pied de nez à l’économie culturelle actuelle »

En ving-trois ans, les instructions ont été traduites en neuf langues et ont voyagé dans plus de trente pays. Des centaines de partitions ont été soumises au fil des années et ont été regroupées en une anthologie do it : the compendium en 2012. Pour la première fois, l’exposition itinérante s’arrête à Montréal, sous le commissariat de Florence-Agathe Dubé-Moreau, uqamienne en maîtrise d’histoire de l’art. Ce qui fait la longévité de  do it, c’est sa perpétuelle capacité à se réinventer, car elle se base sur l’interprétation — et donc la subjectivité — de l’être humain. L’unicité du point de vue génère une infinité de possibilités artistiques. Ainsi, même l’instruction de Felix-Gonzalez Torres « laisser tomber 80 kg de bonbons dans un coin » (Untitled, 1994) n’a jamais été exécutée de la même manière. 

Pour l’occasion, dix artistes québécois ont été invités à concevoir des instructions inédites, participant ainsi au processus évolutif de l’exposition qui se renouvelle sans cesse.  Ce « it » est infini.

L.P Côté Galerie de l’UQAM

Vous êtes un artiste

« Pour entrer dans cette salle, vous devez fredonner un air — n’importe quel air conviendra. Commencez à fredonner lorsque vous approcherez de la surveillante » : on consomme l’exposition avant même d’y entrer, avec l’instruction de l’artiste Adrian Piper intitulée The Humming Room (2012). L’aventure  do it est donc résolument participative. Les visiteurs de l’exposition, à qui l’on demande de danser, chanter, écrire, à l’aide de plusieurs installations, deviennent les artistes exposés. L’œuvre d’art n’existe qu’au moment où le public exécute l’instruction, comme le « Put on this shirt and dance » (Jérôme Bel, Shirtology, 2011). La temporalité même de l’œuvre est chamboulée. Finalement, chaque exposition permet de documenter l’expression des communautés locales, car elle traduit les sensibilités d’un groupe particulier, à un moment et lieu précis, et acquiert par là un caractère social.

Avec do it, nous avons accès à une autre production et consommation de l’art. Comme mentionné dans les règles du jeu de l’exposition, « do it apparaît pour disparaître ». On ne cherche pas à produire une œuvre, une image, mais à susciter un élan créatif et une réflexion. Le fétiche de l’objet artistique est remis en question, dans la lignée de la logique de l’artiste français Marcel Duchamp lorsqu’il créait Fontaine et ses autres ready-made dès 1917. Peu importe le matériel utilisé, l’objet modulé, les artistes se détachent d’une relation matérialiste, au profit du concept. Do it est donc un pied de nez à l’économie culturelle actuelle : elle rejette le diktat de l’image et la prédominance de l’objet dans le marché de l’art. Une injonction à repenser la conceptualisation de l’art. Contre une rigidité et un statisme du système d’exposition, il s’agit d’un projet fédérateur afin de vivre l’art autrement, qui existe même en version « à emporter » puisque l’on peut suivre les instructions du compendium de chez nous. À vous d’exposer vos œuvres sur les réseaux sociaux avec le mot-clic #doitmtl.  


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